Algérie - Revue de Presse

La construction du cadre institutionnel face au processus de démocratisation et de développement



En règle générale, les humains s'efforcent de rendre leur environnement plus prévisible. En effet, la construction d'un cadre institutionnel a toujours été une brique essentielle de la civilisation dans la mesure où les institutions, en restreignant le nombre de choix possibles, peuvent permettre aux individus d'améliorer leurs capacités à maîtriser l'environnement politique, économique ou social. Ainsi, la source profonde des institutions se trouve dans les tentatives des humains de structurer l'environnement pour le rendre plus prévisible, même si cela génère encore plus d'incertitude pour d'autres acteurs. Dans ce sens, Douglass North part du principe selon lequel la nature du système politico-institutionnel d'une société est perçue par les individus selon des croyances qui peuvent être consensuelles si elles sont partagées par la grande majorité de cette société, ou au contraire très disparates. C'est ainsi que Douglass North utilise la notion de « path dependence », traduite dans l'un de ses ouvrages de « dépendance de sentier », qui signifie que les croyances majoritaires se traduisent par un ensemble d'institutions déterminant le fonctionnement de l'économie et de la politique. Autrement dit, il s'agit du moyen par lequel les institutions et les croyances apparues dans le passé influencent les choix présents. Il en résulte une matrice institutionnelle qui restreint fortement les choix d'innovation ou de modification des institutions.  De manière très générale, le concept de dépendance du sentier correspond à une situation où les avancées passées dans une direction donnée impliquent par la suite des mouvements dans la même direction. Douglass North définit les institutions comme un ensemble de règles formelles et informelles, auxquelles les agents adhèrent généralement, que ce soit pour des raisons normatives, cognitives ou matérielles. Par rapport à d'autres auteurs néo-institutionnalistes, North met l'accent sur l'importance des règles informelles, et des représentations communes, héritées de l'histoire. Pour lui, la propriété de dépendance du sentier s'applique aux institutions.  On peut donc retenir que d'une part, l'histoire institutionnelle compte, autrement dit la compréhension des institutions actuelles et en particulier des divergences entre pays et spécificités nationales ne peut être déconnectée d'une analyse historique; d'autre part, dans chaque pays, un même changement initial (par exemple l'imposition de nouvelles règles communes, des règles concernant le comportement des partis, le choix des députés et la définition du rôle du législateur ou du pouvoir exécutif, la nature de la rapidité de l'action gouvernementale, la participation politique et le comportement électoral, l'existence d'un contrôle de constitutionnalité des lois...) ne fera pas converger ces pays. En effet, le changement initial conduira à des adaptations différentes selon les arrangements institutionnels de chaque pays.  En effet, le schéma institutionnel et politique de l'Algérie peut porter et insister sur la continuité de la refondation de l'Etat. Cela peut se faire par l'examen et la révision du cheminement institutionnel avec la résolution des problèmes concernant la nature des règles existantes qui devraient constituer les contraintes formelles d'un Etat moderne, mais aussi avec la tentative d'éradiquer les contraintes informelles.  A la lumière des récentes élections législatives qui ont connu un taux d'abstention traduisant une importante démobilisation populaire, il est clair qu'on ne doit pas se voiler la face et faire comme si rien ne s'est produit, mais essayer d'amorcer et d'esquisser les causes et l'analyse de cet événement. On peut donc distinguer classiquement trois approches théoriques de ce vote « législatif » :  La première devrait relier l'individu à la structure sociale d'un territoire. Elle est souvent qualifiée de sociologique, se rattachant plus aux groupes d'appartenance de l'individu qu'à l'individu lui-même. Ce dernier est d'abord inséré dans des groupes inscrits dans l'histoire d'un espace. C'est l'approche classique de la géographie électorale qui ne demeure valide qu'à condition de souligner les effets de l'histoire et des traditions d'un espace géographique singulier même abîmés par les phénomènes de nationalisation politique et d'homogénéisation sociale. Ainsi, les programmes des partis candidats aux législatives se sont intéressés en général au citoyen en tant qu'individu isolé. Mais en réalité ce citoyen est rattaché à un groupe social rattaché lui-même à un territoire dont la configuration éclaire sa structure. Ce qui explique que le programme de la campagne électorale doit être spécifique et régional, car ce qui peut intéresser l'Oranais peut ne pas intéresser le Constantinois.  La seconde, d'inspiration psychosociologique, s'intéresse davantage aux individus directement interrogés, leur comportement individuel étant éclairé cependant par leur appartenance à des groupes sociaux. Cette deuxième approche devrait relier l'individu à des groupes sociaux structurant son vote. L'on constate donc la « non identification partisane » et par conséquent le non « attachement psycho-affectif » à un parti comme principal déterminant du vote construit. La stabilité du vote législatif s'érode cependant durant ce scrutin, à mesure de la montée du groupe d'électeurs indépendants - en fait moins politisés - des partis. Ce trait contredit donc de façon croissante la notion d'identification idéologique et sa stabilité dans le temps.  Enfin, l'approche économique du vote s'attache à la rationalité des choix d'un individu émancipé, de son appartenance à des groupes. Cet individu devrait adapter ses votes en fonction de ses intérêts et de l'offre du marché politique, en vue de maximiser son « profit ». Chose qui n'a pas été ressentie par l'individu ou le citoyen. Mais cette vision autrement déterministe a souligné cependant l'apparition peut-être d'un électeur plus « consommateur », conscient de ses choix et des enjeux, et éclaire ainsi mieux l'instabilité électorale croissante (ce que l'on appelle la volatilité électorale de la démocratie). En fait, cette prétendue instabilité d'une bonne partie de l'électorat est une forme de transaction avec l'instabilité qui affecte aussi l'offre politique et par conséquent la nature et la qualité des députés élus.  Pour synthétiser l'explication de ce vote, on peut en pratique percevoir ses variables explicatives et rechercher les plus prédictives du comportement électoral : ces variables peuvent tourner autour d'un seul objectif qui est celui d'une demande de plus d'efficacité économique, de plus d'action publique et de rapidité dans les résolutions des problèmes existants, de droiture de l'Etat, de justice sociale, de moralité des institutions et de démocratie... En effet, l'on dit souvent quand l'Etat avec tous ses composants est droit, il pourrait devenir un Etat de droit en action. Il faut signaler ici que l'Etat de droit est un système juridique dans lequel les autorités publiques sont soumises à la règle de droit à la fois par principe et en raison de l'existence d'un contrôle juridictionnel. On ajoutera que l'intensité de l'Etat de droit en action dépend tout à la fois des procédures organisées pour garantir l'action publique efficace et les droits et libertés reconnus aux citoyens mais aussi de l'étendue de ces droits et libertés sanctionnant par la suite un feed-back positif et constructif.  En effet, l'affirmation du caractère pluraliste de la démocratie est nécessaire pour une refondation politique du cheminement institutionnel : il s'agit de passer du pluralisme partisan au pluralisme politique qui va pouvoir plus ou moins s'exprimer en fonction notamment des projets de sociétés et du mode de scrutin utilisé pour les élections parlementaires. Si cela peut parvenir à la constitution de majorités solides et cohérentes, alors le pluralisme politique s'exprimera mieux si l'opposition parlementaire jouit d'un véritable statut. Cette protection de principe doit d'abord être envisagée au regard de cette affirmation du caractère démocratique du régime politique à travers un texte constitutionnel performant et mis à jour. Il s'agit de rationaliser le travail et l'activité politiques.  Par ailleurs, le rôle essentiel des partis politiques est de participer à l'animation de la vie politique, c'est-à-dire qu'ils sont les véritables acteurs de la vie politique. On peut dire plus précisément qu'ils remplissent deux fonctions. D'une part, ils jouent le rôle d'intermédiaire entre le peuple et le pouvoir : ils réalisent des programmes et des propositions qui, s'ils remportent les élections, seront retenus dans le projet du gouvernement. Les partis de l'opposition, quant à eux, traduisent le mécontentement de certains électeurs en proposant des alternatives à la politique de la majorité; ils remplissent donc une fonction « tribunicienne ». D'autre part, ils ont une fonction de direction : il s'agit de conquérir et d'exercer le pouvoir pour mettre en oeuvre la politique annoncée et souhaitée.  Il est vrai que des partis politiques englobant des petits groupes peuvent sans cesse se créer mais il faut qu'ils aient des projets de société et que leur idéologie soit fondée au niveau national pour éviter qu'ils ne soient mort-nés.  Le système de partis en Algérie doit désigner la distribution des forces et clarifier le positionnement des projets de société des partis par le niveau de polarisation idéologique de leurs systèmes. On sous-entend que le fonctionnement effectif des systèmes de partis tourne autour de deux, trois ou quatre pôles au maximum (et que les partis soient au nombre de deux, trois ou quatre par pôle au maximum). L'on doit donc insister sur le fait que le positionnement politique, économique et social des partis est un préalable indispensable pour la démocratie.  Cette dernière doit se caractériser par un fonds commun de règles, de mécanismes et de conventions tels que les élections compétitives, périodiques, transparentes et libres pour désigner des représentants compétents et efficaces sur la base de la séparation des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, la garantie des libertés individuelles et collectives, et le rôle efficace attribué à la société civile. Il est possible de les distinguer en fonction du mode de distribution du pouvoir organisé par la Constitution. Cette approche reste incomplète si l'on ne prend pas en compte la configuration du système de partis qui peut s'identifier au régime lui-même.  La légitimité d'un régime politique est garantie par des règles acceptées par les citoyens. En effet, la progression de la démocratie en Algérie doit passer par la création d'un système de partis politiques qui participe activement au développement du débat politique à travers le positionnement idéologique clair et précis de ces partis ainsi que par des réaménagements dans le régime institutionnel.  Mais la conception de la bonne gouvernance institutionnelle doit reposer sur la puissance de l'Etat et sur le principe de séparation des pouvoirs dans un Etat de droit : avec la liberté d'accès aux documents administratifs et la garantie d'une bonne justice, avec la responsabilité des décideurs et le contrôle de la gestion des affaires publiques, avec l'idée consultative et la nécessité de rapprocher les citoyens de la décision, qu'il s'agisse de démocratie de proximité, et avec l'idée de bonne gouvernance qui concerne la matière et les moyens par lesquels les préférences en partie divergentes des citoyens se trouvent traduites dans les choix et mesures de nature politique.  Qu'en est-il de l'incertitude qui se rapporte à l'environnement humain ? La force motrice du développement de l'environnement humain peut être la croissance du stock de connaissances qui a révolutionné les techniques de production, mais aussi les améliorations institutionnelles. En conséquence, un développement institutionnel peut avoir lieu avec des structures de plus en plus complexes pour faire face aux problèmes. Le potentiel créatif humain est nécessaire pour apporter des réponses différentes à ces attentes. Dès lors, la question centrale qui se pose est la suivante : comment les différences dans l'utilisation du stock de connaissances et de créativités institutionnelles conduisent-elles aux écarts constatés entre les pays avancés et les pays en retard dans ce domaine ?  Il s'agit de dire qu'un développement algérien réussi élabore une structure complexe d'institutions et de systèmes de stockage symbolique afin de réunir les connaissances éparses des systèmes modernes, tout en préservant notre authenticité, notre anthropologie et notre tradition. Les pays développés ont réussi à surmonter les complexités de l'environnement humain et même à développer les échanges impersonnels en réunissant les connaissances spécialisées essentielles pour les utiliser efficacement dans des structures institutionnelles et économiques complexes et en se dotant avec plus ou moins de succès de régimes politiques favorisant ces changements. En effet, l'objectif est de réaliser cette transition et par conséquence d'avoir de bonnes performances.  Force est de conclure qu'on ne doit pas nécessairement imiter les institutions occidentales mais que l'on doit surtout parvenir à constituer une structure incitative afin de produire un développement réel. En effet, l'économie et autres secteurs qui fonctionnent mal ont une matrice institutionnelle non incitative envers les activités améliorant le rendement et cela pour deux raisons. La première vient de la dispersion des connaissances qui nécessite un ensemble complexe d'institutions et d'organisations pour faire fonctionner efficacement les affaires publiques et les marchés.  La deuxième est que leurs structures institutionnelles existantes ont engendré des organisations qui ont intérêt à ce que ces structures perdurent. La source principale de ce problème est le clientélisme qui aboutit en général à un mauvais fonctionnement de la démocratie et à de mauvais résultats politiques et économiques.  Enfin, Douglass North donne raison à Hayek qui préconise le maintien d'institutions et d'organisations telles qu'on puisse essayer des politiques différentes et des moyens efficaces pour éliminer les solutions mauvaises. A partir de là et par analogie à la vie politique algérienne, on peut mettre en évidence quelques conditions évoquées par Douglass pour améliorer les performances du cadre institutionnel : bien comprendre d'où viennent les mauvaises performances; bien connaître les sources de la structure institutionnelle pour pouvoir l'améliorer; bien réunir les connaissances dispersées pour parvenir à des améliorations avec des coûts bas; un régime politique viable, qui met en place les institutions nécessaires et fait respecter efficacement les règles pour faire avancer sans cesse le processus de démocratisation et de développement. *Docteur En Sciences Politiques (Politologue) 


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