Bouna et la concession de corail du Bastion de France (Vieille Calle) ne sont pas étrangers au conflit franco-algérien qui conduira au fameux "coup d'éventail" porté par le dey Hussein au Consul de France en 1827, puis l'expédition d'Alger en 1830. En toile de fond : des cargaisons de blé livrées à crédit à la première République Française entre 1793 et 1798 par les négociants Juifs Algérois d'origine Livournaise, Bacri et Busnach. Pour ces transactions, le dey leur avait avancé les fonds nécessaires. Ces derniers persuadèrent le dey qu'ils ne pourraient le rembourser que lorsqu'ils seraient eux-mêmes payés et transformèrent ainsi leurs créances particulières en créances d'Etat. Mais la France tarde à honorer sa dette sauf une partie en 1819 (7 millions sur 14). Or les Bacri-Busnach avaient eux-mêmes d'autres dettes et leurs créanciers mettaient opposition aux paiements. Les sommes ainsi débloquées par le Trésor Français n'ont put être reversées au dey. Le litige entre les deux pays traîna en longueur durant 30 années. Pour aggraver encore les rapports entre les deux pays, en 1825, le Vice-consul, Alexandre Deval, fut accusé de trafique d'armes au Bastion de France. En représailles, les établissements du Bastion ont été détruits, son domicile à Bouna dévasté et au même moment, des bâtiments français sous pavillon pontifical auraient été saisies par les corsaires algériens. Tous ces événements vont être en partie à l'origine de cet incident de l'orageuse séance du 30 avril 1827. Que s'est-il alors exactement passé ce jours là ? Le conseiller du dey, présent au moment des faits, témoigne dans son ouvrage rédigé et publié dès 1833 : A l'occasion de la fête de l'Aïd, Pierre Deval, Consul de France, est reçu en audience par le dey. Les deux interlocuteurs s'entretenaient en turc, sans interprète. Après la cérémonie, Hussein évoqua le contentieux financier entre les deux pays et demanda au Consul pourquoi son gouvernement ne répondait pas à ses nombreuses dépêches concernant les réclamations de Bacri (en outre, Pierre Deval jouissait d'une réputation douteuse. Le dey le soupçonnait déjà de s'être partagé les 7 millions avec les Bacri-Busnach et l'accusait d'avoir insinué son Ministre de ne pas lui écrire). La réponse de Deval fut on ne peut plus insolente, et conçue en ces termes : "Mon gouvernement ne daigne pas répondre à un homme comme vous". Est-ce par ignorance de la langue, s'interroge Le conseiller du dey, ou par mépris que le diplomate français répondit ainsi à un chef d'Etat en présence de toute sa cour ? Quoiqu'il en soit, ces paroles froissèrent tellement l'amour-propre du dey, qu'il ne put être maître d'un premier mouvement de colère, et lui asséna un coup d'éventail. Deval offensé, adressa le soir même son rapport à Paris. Il déclarait avoir été frappé sans provocation et demandait qu'on donnât à cette affaire "la suite sévère et tout l'éclat qu'elle méritait". L'honneur du pavillon royal est en jeu. Paris envoie une division navale à Alger pour obtenir une réparation solennelle pour l'injure faite au roi Charles X dans la personne de son représentant. Arrivé à Alger le 12 juin 1827, le Capitaine de vaisseau demanda que l'oukil du dey (représentant du dey) vînt faire des excuses à bord et que le pavillon de France fût arboré et salué à coups de canon. Le dey qualifia ces exigences de ridicules, et fort de son droit de créancier impayé, refusa toutes conciliation. La rupture entre les deux pays est consommée.
Le 16 juin 1827, les côtes algériennes sont déclarées par la France en état de blocus. Deux jours après, en représailles, les établissements la Calle furent réduits en cendre. Après trois ans de vaines négociations, entrecoupées d'incidents graves, les circonstances ne laissaient plus d'autre issue que l'action militaire, le débarquement. L'expédition d'Alger, à côté des circonstances occasionnelles, avait des causes profondes. D'un point de vue politique internationale, c'était l'occasion pour la France d'affirmer son influence dans la Méditerranée menacée par celle de l'Angleterre. Son prestige se verrait également renforcé en se réservant la noble mission de délivrer la France et l'Europe du triple fléau que les puissances chrétiennes ont enduré trop longtemps : l'esclavage de leurs sujets, les tributs que le dey exige d'elles et la piraterie qui ôte toute sécurité aux côtes de la Méditerranée. D'un point de vue politique interne, l'expédition, d'ailleurs assez contestée par l'opposition, est surtout un moyen pour le régime de Charles X, englué dans une crise politique, de redorer son blason. Et enfin, pour légitimer l'expédition militaire, les politiciens français préféraient parler de mission "libératrice" et "civilisatrice". L'armée française part, en effet, en Algérie pour débarrasser les Algériens de la tyrannie turque et sortir le pays de sa longue léthargie...
A l'aube du 14 juin 1830, les premiers canots français accostent sur la plage Sidi Ferruch. Les cavaliers algériens ne peuvent résister longtemps face à une armée de métier puissamment armée. Le 5 juillet 1830, le dey d'Alger, signe la convention de capitulations, inaugurant ainsi, presque jour pour jours, 132 ans de colonialisme français. Port stratégique du littoral constantinois, Bouna fut la seconde ville à subir l'assaut français, trois semaines après la reddition du dey d'Alger. Face à la situation confuse qui secoua l'Algérie après la capitulation d'Hussein dey, la souveraineté de la Régence fut disputée par les beys des autres provinces, en particulier par Bou Mezrag, bey du Titteri, et par le second personnage de la Régence, Hadj Ahmed, bey de Constantine. Pour mettre un terme à ces querelles, les notables du pays et tous les hommes de loi s'assemblèrent et proclamèrent Hadj Ahmed nouveau Pacha, représentant du Sultan de Turquie. Renforcé par cette confirmation, Ahmed pacha invita tout le reste de la Régence à se soumettre à lui, et en effet ils se soumirent. Quant aux gouverneurs de Bouna, ils contestèrent l'autorité du nouveau Pacha et décidèrent de rompre définitivement avec le beylik de Constantine. Les nouveau maîtres de Bouna, préférant la tutelle française plutôt que celle du bey de Constantine, n'opposèrent donc aucune résistance face à l'accostage des navires français. Cet acte, qualifié de trahison, provoqua l'hostilité des citadins pro-Ahmed bey et des tribus voisines. Telle était la situation explosive qui divisa la population de Bouna et facilita la pénétration de l'armée française. Le bey de Constantine envoie alors une cavalerie armée à leur tête, entre autres, Ali Ben Aïssa, pour assiéger la ville et mettre la main sur la garnison turque coupable d'avoir livré la ville au Français. Après deux longues années de siège, Bouna passe définitivement à la solde de la France après la prise de la Qasba le 27 mars 1832. Mais, derrière les Turcs, l'armée française ne devait pas tarder à découvrir l'hostilité des tribus kabyles et arabes. La pacification de l'Algérie fut obtenue au bout de 27 longues et terribles années et au prix de la systématisation des razzias par le Général Lamoricière et la politique de la terre brûlée du Maréchal Bugeaud, principallement dans la province d'Oran où le principal agitateur fut l'Emir Abdelkader qui tenu un si grand rôle dans l'histoire de la conquête de l'Algérie…
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Posté Le : 20/06/2009
Posté par : nassima-v
Source : annaba.net.free.fr