Algérie

La compréhension du passé colonial est plus importante que la repentance



La compréhension du passé colonial est plus importante que la repentance
Déconstruire le concept très à la mode de repentance pour mieux interroger les enjeux qu'il soulève, telle était l'ambition de la rencontre-débat « Algérie-France. De la repentance : nécessité ou alibi ' » organisée hier à Alger par les éditions Barzarkh et le quotidien El Watan week-end dont les intervenants ont mis en évidence la nécessité d'entreprendre de nouvelles pistes de réflexion répondant aux changements intervenus dans les deux pays depuis l'Indépendance de l'Algérie.
« Demander un repentir ne sert à rien, le plus important est de comprendre ce qui s'est passé », a déclaré samedi à Alger Ismaïl Sélim Khaznadar, coordinateur de l'ouvrage Aspects de la repentance, paru aux éditions Barzakh en juillet 2012, qui a inspiré le thème d'un débat organisé par les Editions Barzakh et El-Watan End. Même remarque préliminaire de l'historienne Malika Rahal, qui a expliqué pourquoi, malgré toutes les réserves que le concept de repentance soulève, « ils nous obligent à en parler ». « L'enjeu est de trouver une solution pour gérer un passé marqué par la violence, la guerre et l'oppression. Gérer le passé signifie remettre les compteurs à zéro afin d'apaiser les rapports entre les deux pays, permettre la réparation pour trouver un équilibre et la réalisation du deuil ».
Exit donc le « problématique concept de repentance ». L'heure est venue d'entreprendre une autre démarche, celle de l'élucidation, a plaidé Ismaël Sélim Khaznadar. « Traçons notre histoire par nous-mêmes, loin de toute catégorie coloniale à laquelle appartient la repentance ». Pour cela, l'Algérie doit donc inventer de nouvelles réponses aux questions posées par la colonisation. Selon Malika Rahal, chercheuse à l'Institut d'histoire du temps présent de Paris (CNRS), ces « autres solutions de gestion du passé » sont à mettre en place avant tout au niveau de la justice et des tribunaux dominés, en France, par les lois d'amnistie. « Le seul modèle de gestion du passé existant aujourd'hui dans l'Hexagone est celui du Tribunal de Nuremberg, héritier de la seconde guerre mondiale, qu'il faudrait reproduire systématiquement. L'ennui c'est que toutes les situations historiques ne sont pas comparables ». Et en premier lieu la question coloniale qu'il est impossible, dans les dispositions actuelles, de prendre en charge par un Tribunal. « La France mais aussi l'Algérie se retrouvent par conséquent très démunies », déplore Ismaël Sélim Khaznadar.
Une nouvelle génération à la recherche de sens
Si la question de la repentance se pose avec autant d'acuité ces dernières années, c'est en raison du changement d'atmosphère entre 1960 et aujourd'hui, estime Malika Rahal. « En 1962, l'Indépendance donne un sens à la période coloniale et joue dans le rapport et la façon de raconter le passé. Aujourd'hui, la capacité à gérer la période coloniale est beaucoup plus difficile, avec la nouvelle génération qui n'a pas vécu 1962 et entretient un autre rapport à l'Etat ».
Ce passage du statut de vainqueur à celui de victime est un changement fondamental, car cet effondrement implique de retrouver du sens, a insisté Ismaël Sélim Khaznadar. Pour cela, « on n'a pas besoin de repentance, mais bien plutôt d'élucider le passé », a conclu ce professeur de mathématiques à l'Université de Constantine.
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