Algérie

La commission Ksentini en quête d'une crédibilité


La perte de l'accréditation de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) auprès du Comité international de coordination des institutions nationales, en juin dernier, a suscité des réactions au sommet de l'Etat. Le Conseil des ministres, tenu avant-hier, a consacré tout un chapitre à la question, dans une ultime tentative de la faire réadmettre dans les instances onusiennes. Jusque-là, régie par décret présidentiel, la commission présidée par Farouk Ksentini est appelée à changer de statut. Elle doit être régie par un texte législatif. Le chef de l'Etat a instruit, à l'occasion, le gouvernement d'élaborer un projet de texte législatif « destiné à en consolider l'assise juridique et à en renforcer l'audience internationale, notamment auprès du système des Nations unies ». Selon le communiqué du Conseil des ministres, ce texte législatif introduit « un surcroît de transparence dans la sélection des membres de la Commission nationale qui sont nommés par le président de la République, mais dont les candidatures sont préalablement soumises à un mécanisme composé de hauts magistrats ». Mais cela va-t-il donner de la crédibilité à la commission de Ksentini ' Va-t-il lui permettre de reconquérir sa place au sein de l'instance internationale ' Ce n'est pas évident, estiment certains avocats et militants des droits de l'homme. « Il ne suffit pas de changer un texte de loi pour réhabiliter ou donner plus de légitimité à une organisation qui est censée défendre les droits de la personne humaine. La dépendance de la commission vis-à-vis du pouvoir exécutif fait que son action n'est pas crédible », a commenté, Noureddine Ben Issad, avocat et membre de la direction de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH). Il a estimé que « la défense des droits de l'homme se fait contre les abus et les dépassements du pouvoir politique. Alors qu'avec la CNCPPDH, on est dans une situation absurde, la commission, pour nous, est l'avocat du pouvoir, du fait de l'arrière-pensée qui avait présidé à sa création, de par son fonctionnement et de ses prérogatives. Elle ne peut pas se prétendre de vouloir défendre les droits de l'homme ».Pour Ben Issad, la commission Ksentini été créée pour noyer le débat sur la question des droits de l'homme et, notamment, pour bloquer le travail qu'effectuent les ligues indépendantes. « Et pour preuve, depuis sa création, cette commission ne fait que plaider la cause du pouvoir et surtout s'attaquer aux ligues indépendantes », a ajouté maître Ben Issad. De ce fait, même si la commission retrouvera son statut au sein de l'instance internationale, elle restera peu crédible, a-t-il assuré. Le reproche qui est adressé à la commission Ksentini, entre autres, est le fait que son statut ne lui garantit pas la force de la loi pouvant lui permettre d'exercer ses prérogatives, si son objectif réel est de défendre et de promouvoir les droits de l'homme en Algérie. C'est dans ce sens que Me Azzi analyse la décision du Conseil des ministres. Il a indiqué que « d'un point de vue théorique et juridique, régir la commission par un texte législatif peut lui garantir une indépendance. C'est à ce niveau justement que les instances internationales des droits de l'homme avaient émis des réserves ». Me Azzi a considéré, par ailleurs, que la commission doit intégrer en son sein des experts et des organisations de la société civile ainsi que des représentants des courants politiques. Il a ajouté que « le président de la commission ne doit pas exercer d'autres fonctions. Le président de la commission doit ranger sa robe si par exemple il est avocat, comme c'est le cas de Ksentini ». M. Ksentini va-t-il se plier à cette exigence ' Pas si sûr. Me Ali Yahia Abdenour, dans l'une de ses déclarations, avait dit : « Par exigence morale, Me Ksentini doit cesser d'exercer son métier d'avocat. » En tout état de cause, le changement de statut de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme ne pourrait pas être cet organe qui mettra la question des droits de l'homme au c'ur des préoccupations de l'Etat, si la volonté politique fait défaut.
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