Algérie - 07- Occupation Française

La colonisation a-t-elle une quelconque vertu émancipatrice ?


La colonisation a-t-elle une quelconque vertu émancipatrice ?
Toute la période coloniale repose sur un quiproquo : vouloir civiliser des peuples « inférieurs » sans se donner pour autant les moyens d’accomplir cette mission. En effet, après s’être sortie de l’obscurantisme, la France, grâce à la diffusion des sciences, rentre incontestablement dans le cercle restreint des nations brillant par le savoir. La question qui se pose alors est de savoir s’elle doit garder à elle seule cette érudition ? Les plus généreux pensent répandre ces acquis dans le monde entier. Quant aux pays conquis, l’équation ne se présente pas sous cette forme. Et pour cause ! Les peuples, à qui on a promis la fin des ténèbres, ne rencontrent que la puissance de feu, dont les militaires n’hésitent pas à faire usage. Dans cette étude, il sera question d’étudier cette période sous deux facettes. Dans le premier temps, on va s’intéresser à la mission « civilisatrice » des colons. Dans le second temps, on va étudier la situation des « indigènes ».

I- Le projet colonialiste.

En Hexagone, le consensus est vite réalisé sur le rôle que doit jouer la France dans le monde. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accomplissement de cette mission sur le terrain laisse à désirer. En effet, malgré la position qu’occupe la France en Europe en termes de développement scientifique, ce formidable capital de savoir n’est pas pris dans les valises des conquérants. Ainsi, après plus d’un siècle de présence française en Algérie par exemple, l’illettrisme, constate Michel Winock, atteint des seuils exorbitants. « 94% de la population masculine algérienne est illettrée en français, 98% chez les femmes », note l’auteur de « l’agonie de la IVème République ».

Cependant, dans les autres domaines, les bonnes volontés ont du mal à s’affirmer. Bien que des députés, notamment ceux de la gauche, se battent pour que les « indigènes » soient considérés comme des citoyens à part entière, le lobby colonialiste s’oppose systématiquement à la moindre réforme. Du coup, il faudra attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que des mesures positives soient envisagées. Ainsi, à l’initiative du président du Conseil, Georges Clémenceau, quelques sujets peuvent enfin devenir français. Néanmoins, ce dispositif juridique est suivi de mesures restrictives. Pour devenir citoyen français, il faudrait que le demandeur satisfasse cinq conditions, dont celle inhérente à son engagement dans l’armée française. En fait, contrairement à la politique égalitaire mise en place en métropole, dans les colonies, ces principes sont sérieusement malmenés. À titre d’exemple, l’adoption du code de l’indigénat constitue un frein à toute velléité d’émancipation.

II- La vie des colonisés.

En dépit des promesses relatives au respect de la propriété privée, du respect des traditions du pays, ces engagements ne sont rarement tenus. Peu à peu, la relation entre le nouveau maitre et le colonisé se mesure à l’aune du rapport de force. Entre ces deux entités, souligne Aimé Césaire, il n’y a « aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde chiourme, en chicote et l’homme indigène en instrument de production. »

En tout état de cause, à peine installées dans le pays conquis, les forces coloniales partent à l’assaut des biens des « indigènes ». Pour parvenir à soumettre ces populations, le colonisateur s’attaque d’emblée aux structures locales. En d’autres termes, les autorités coloniales n’y vont pas par mille chemins pour faciliter l’installation des leurs. Dans le domaine agricole par exemple, les colons en Algérie disposent d’une moyenne de 120 hectares par exploitant, alors que l’indigène ne dispose que 10 hectares en moyenne. Pour l’inventeur du concept de la négritude, la spoliation s’accompagne d’une violence inouïe. À ceux qui lui parlent des biens faits, il leur répond ceci : « Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés […]. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leurs terres, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. » Reposant sur une base militaro-économique, la colonisation va éteindre, petit à petit, les lumières derrière elle, et ce, par le fait l’insatiabilité du grand colonat. D’ailleurs, le petit colon est broyé tout autant par le rouleau compresseur du lobby colonial.

Pour conclure, il va de soi que l’idée de départ n’a pas été respectée. En effet, ceux qui veulent propager les lumières dans le monde n’ont pas tenu compte du mercantilisme des humains. En plus, au moment des conquêtes, le niveau intellectuel du conquérant n’est pas si éloigné que ça de celui du conquis. Et c’est à ce niveau là que le projet colonial part avec un handicap de taille. Par conséquent, à défaut de pouvoir civiliser, le colon recourt sans vergogne à la force pour s’imposer. « Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme », rappelle Aimé Césaire les points noirs de la colonisation. Enfin, bien que les libérations n’aient pas abouti à la libération effective des colonisés, les dirigeants issus des indépendances ont supplanté le colonisateur, il n’en demeure pas moins que la colonisation reste une page noire de l’histoire contemporaine.

Par Ait Benali Boubekeur
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