Algérie

La colère s'exprime dans la rue



Pour les pays qui n'ont pas su anticiper ou qui n'ont pas vu venir, leurs systèmes de retraite sont en crise, pas uniquement pour des raisons financières. Des politiques inégalitaires ou l'abandon des règles de répartition au profit de la capitalisation ont provoqué de profonds mécontentements au sein des populations concernées. Brésil et Chili sont les mauvais exemples à ne pas suivre.Au Brésil, le président d'extrême droite impose sa réforme. Le Congrès brésilien (Parlement) a voté en faveur d'un texte moins ambitieux que prévu. C'est sans doute la mesure économique la plus attendue et, peut-être, la plus importante, du mandat de Bolsonaro : la réforme du système des retraites a été adoptée en plénière au Sénat le mardi 22 octobre.
Le texte a été voté par une large majorité (60 voix contre 19) à la Chambre haute du Brésil. Dans le détail, la loi réorganise en profondeur le système des retraites, fixant un âge légal de départ (65 ans pour les hommes et 62 pour les femmes), augmentant de cinq ans les annuités nécessaires à l'obtention d'une pension à taux plein, modifiant la base de calcul du montant des pensions et introduisant un taux de cotisation progressif pour les fonctionnaires. La réforme permettra d'économiser quelque 200 milliards de dollars sur dix ans, soit 125 milliards de moins que ce que prévoyait au départ la réforme. Elle préserve également le régime de retraite par répartition en place, se gardant d'ouvrir la voie à un système par capitalisation, souhaité par le pouvoir. Selon les projections du Trésor, le déficit du système des retraites pourrait atteindre les 80 milliards de dollars en 2019.
«C'est une réforme positive, mais elle aura un impact limité, explique un économiste libéral influent, président de l'Institut Mises et proche du ministre de l'Economie. Elle permet de réduire le "trou" des retraites, mais seulement un temps. Il faudrait quatre réformes de ce genre pour équilibrer les comptes à long terme ! Surtout, elle ne change rien aux problèmes structurels. Dans les années 1960, 14 actifs cotisaient pour un retraité.
Aujourd'hui, c'est 7 actifs pour un retraité et, d'ici peu, ce sera 3 ! Ce n'est pas soutenable», poursuit-il, favorable à une retraite par capitalisation. De son côté, la gauche est vent debout contre une loi accusée de faire porter l'essentiel des efforts sur les épaules des plus modestes.
«Cette réforme est brutale, estime Ligia Bahia, professeure d'économie à l'université fédérale de Rio de Janeiro. Elle ne prend pas du tout en compte les parcours individuels et ne prévoit rien pour le secteur informel, où travaillent encore 40% des Brésiliens. Surtout, elle ne touche pas au statut privilégié dont bénéficient les militaires et la police.»
Ces deux corps, où il demeure possible de prendre sa retraite à un peu plus de 50 ans, bien souvent à taux plein, sont très liés à l'ex-capitaine Bolsonaro, aujourd'hui chef de l'Etat.
Au Chili, sous la pression de la rue, le président annonce des réformes. Après plusieurs jours de manifestations, le président chilien, un ultralibéral, a notamment accepté de relever le niveau des pensions de retraite. «Nous avons entendu la voix de ceux qui ont exprimé leur douleur et leurs espoirs.» Au terme de manifestations massives dans les grandes villes du pays, Sebastian Piñera s'est de nouveau adressé aux Chiliens à la télévision. «Nous n'avons pas été capables de reconnaître l'ampleur de cette situation d'inégalités et d'abus. Je vous demande pardon pour ce manque de vision», a admis le président de droite. Hausse de 20% des pensions de retraite les plus basses, revalorisation du salaire minimum, baisse du salaire des parlementaires, gel du prix de l'électricité, baisse de celui des médicaments, augmentation d'impôts pour les plus riches? Pour Ivan Cornejo, dessinateur de 36 ans, «les retraites [qui fonctionnent au Chili par capitalisation individuelle auprès de fonds de pension privés] sont un sujet grave et urgent, leur niveau est très bas. Nous, les Chiliens, devons continuer de travailler très longtemps car on ne peut pas vivre avec ce que l'on perçoit». L'augmentation des pensions les plus basses devrait faire passer celles-ci de 150 à 180 dollars, une hausse «qui pourrait soulager de façon minime le portefeuille de certains retraités», souligne Claudio Fuentes, professeur de sciences politiques à l'université Diego-Portales, qui estime toutefois que «ces annonces ne suffiront pas à faire retomber la mobilisation sociale».
L'âge de la retraite bientôt fixé à 69 ans en Allemagne '
La Bundesbank tire la sonnette d'alarme : pour conserver le système de retraite, il faudra travailler plus longtemps. En Allemagne, c'est l'onde de choc. Les Allemands vont-ils devoir travailler jusqu'à 69 ans avant de pouvoir prendre leur retraite ' C'est ce que recommande la Bundesbank. Dans son rapport du mois d'octobre, la très influente banque centrale allemande tire la sonnette d'alarme : si l'on veut que les retraites conservent un niveau respectable, il faut absolument retarder encore l'âge du départ à la retraite. La Bundesbank propose de coupler l'âge effectif du départ à la retraite à l'espérance de vie de plus en plus longue. Concrètement, cela signifierait qu'à partir de 2032 les salariés partiraient à la retraite plein pot de plus en plus tard. La Bundesbank propose de reculer l'âge du départ à la retraite à 69 ans minimum. Par exemple, quelqu'un né en 2001 prendrait donc sa retraite à taux plein en mai 2070, à l'âge de 69 ans et 4 mois.
Un rapport qui produit une onde de choc dans ce pays qui, bien avant ses voisins européens et en particulier la France, avait en 2012 déjà procédé à une réforme musclée. Il fut déjà décidé que l'âge du départ à la retraite passerait, par étapes, de 65 à 67 ans en 2031. Mais cela ne suffit pas, met en garde la Bundesbank, qui invoque trois raisons. Premièrement : à partir des années 2020, le gros des troupes des baby-boomers va arriver à l'âge de la retraite.
Deuxièmement : l'espérance de vie ne cesse d'augmenter.
Troisièmement : l'Allemagne connaît depuis des années un déclin démographique qui n'est pas près de s'inverser.
Dans cette pyramide à l'envers, qui donc va payer pour les vieux '
Préserver le système par répartition
Pour soulager la «pression considérable» sur les caisses de retraite et stabiliser le système de retraite par répartition, il faut donc apporter une nouvelle correction. Les experts de la Bundesbank proposent que, d'ici à 2070, le départ à la retraite soit progressivement fixé à 69 ans et 4 mois. C'est aussi, note le rapport, ce que recommandent la Commission européenne, le Fonds monétaire international et l'OCDE. Cette mise en garde de la Bundesbank tombe plutôt mal pour le fragile gouvernement de la chancelière Angela Merkel.
Or c'est justement sur la question de la «Grundrente», la retraite de base, que les deux partenaires de la coalition d'Angela Merkel s'affrontent en ce moment. La «Grundrente» permettrait aux petits revenus qui ont cotisé pendant de nombreuses années d'avoir une retraite suffisante. Très favorables à ce projet, les sociaux-démocrates étaient arrivés au mois de septembre à un compromis avec les conservateurs. Un accord que certains semblent aujourd'hui vouloir remettre en question.
La vieillesse, le prochain casse-tête démographique du monde arabe
Dans les pays arabes ? Maghreb et Moyen-Orient ?, souvent dépourvus de système de retraite efficace, le filet de sécurité offert jusqu'à maintenant par la cellule familiale est de plus en plus percé.
A observer les cortèges, peuplés d'une jeunesse frondeuse et exubérante, qui ont déferlé ces derniers mois dans les rues d'Alger, Khartoum, Bagdad et Beyrouth, on aurait tôt fait de penser que l'émancipation sociale et politique des 15-30 ans constitue la clé de la stabilisation du monde arabe. Le diagnostic est juste mais partiel. La rapide croissance de la proportion de «seniors» habitant cette région, dont la transition démographique est sinon achevée, du moins bien avancée, sera l'autre défi de la prochaine décennie. Dans ces pays souvent dépourvus de système de retraite efficace, où le filet de sécurité offert par la cellule familiale est de plus en plus percé, la gestion des populations âgées promet de donner du fil à retordre aux pouvoirs en place.
Impact sur les systèmes de santé et de pension
Selon un rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) publié l'année dernière, la part de personnes de 60 ans et plus, située dans la zone Afrique du Nord/Moyen-Orient, devrait passer de 8% de la population totale aujourd'hui à 15% en 2045.
En chiffre absolu, cette catégorie, estimée à 27 millions de personnes en 2015, devrait atteindre 50 millions en 2030, soit un quasi-doublement en l'espace de quinze ans. A l'horizon 2045, ce chiffre devrait culminer à 80 millions, soit un peu moins que la population actuelle de l'Egypte, le pays le plus peuplé du monde arabe. «Tous les gouvernements arabes devraient être alarmés par cette tendance démographique et prendre des mesures pour préparer l'avenir», écrit l'UNFPA, qui s'inquiète de l'impact de cette évolution sur les systèmes de santé et de pension existants.
LSR


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