Algérie

La colère des pompiers



Les pompiers sont revenus à la charge pour le troisième dimanche consécutif. Ils étaient des centaines à organiser, hier, une action de contestation, en signe de solidarité avec leur collègue Merouane, embarqué avant-hier par la police. Son seul et unique tort est d'avoir exprimé les revendications de ses collègues devant ses responsables hiérarchiques. Un dispositif anti-émeute impressionnant a été déployé pour les empêcher de rejoindre le siège de leur direction générale.Ahmed Kessi - Alger (Le Soir) - Dès 11h, les sapeurs-pompiers, issus de plusieurs wilayas (25 selon certains), se sont regroupés à l'arrêt Aïssat-Idir. Après une tentative de les contenir, le cordon de police a cédé devant l'insistance et le retour à la charge des protestataires. Le point final du rassemblement qu'ils comptent organiser : le siège de leur direction générale sis à Hydra.
Ils ont été arrêtés net une deuxième fois au niveau du rond-point Addis-Abeba, les agents anti-émeutes leur ayant carrément fermé le passage. Les pompiers ont été bousculés, violentés parfois et contraints de se replier sous l'effet des bombes de gaz lacrymogène. Aussitôt, les protestataires répliquent par une salve d'applaudissements. Panique, bousculades. Un hélicoptère n'a pas arrêté de suivre le mouvement de la foule, instant par instant.
Un peu plus loin que l'hôtel El Djazaïr, les sapeurs-pompiers ont été arrosés une nouvelle fois de gaz lacrymogène. Bousculades et la panique s'installe chez les pompiers. « Visiblement, les agents anti-émeutes n'ont pas reçu de consignes particulières autre que celle de canaliser le cortège », commente un agent de la Protection civile en compagnie de deux de ses collègues. À hauteur du rond-point Souidani-Boudjemaâ, les protestataires virent à droite.
Une joute oratoire est savamment nourrie entre un agent anti-émeute et un protestataire. Un peu plus loin, un journaliste et un cameraman d'une chaîne de télévision qui recueillaient le témoignage d'un sapeur-pompier à l'intérieur d'une ambulance ont été priés de quitter les lieux et d'effacer les enregistrements. « Le chauffeur et son adjoint en prendront pour leur grade. Ils risquent un licenciement», assure un de leurs collègues.
11h 45 : la côte du boulevard Souidani-Boudjemaâ a été dévalée par les sapeurs-pompiers en un temps record, pressés de rejoindre le premier contingent de leurs collègues qui, probablement, est déjà devant le siège selon quelques éléments.
12h 15 : la foule, une fois arrivée à la placette Salvador-Allende, vire une nouvelle fois à droite. Un quart d'heure, ils atteignent le siège de la direction générale, jouxtant celui de Sonatrach, sis à Hydra. Certains sont éreintés, sans doute par la longue marche et l'effet des gaz lacrymogènes, mais satisfaits et contents de réussir le pari d'y arriver.
36 éléments injustement licenciés
« Il y a de cela six mois, des éléments ont tenté de créer un syndicat autonome affilié au Snapap. La direction a mal réagi, autant que le syndicat de l'entreprise affilié à l'UGTA », nous a indiqué un élément. La réaction de la direction ne s'est pas fait attendre, en « ratissant large » : 36 employés ont été licenciés.
Une batterie de revendications, plutôt de droits, comme les protestataires ont tenu à le souligner, est brandie et est liée notamment au salaire, aux primes, à la promotion, à la charge de travail. « On travaille 80h/mois supplémentaires depuis 1992, on travaille 240h/mois, alors que la loi dit qu'on doit seulement travailler 160h », fulmine un copain des 36 licenciés.
« On n'a aucun droit, on est marginalisés. On travaille avec le peuple et pour le peuple. Le moindre droit ne nous est pas accordé à présent », enchaîne-t-il.
13h : la place est dominée par la couleur bleu gris des protestataires, et le bleu marine des policiers anti-émeutes qui ont quadrillé l'entrée de la direction générale de la Protection civile, en constituant un cordon infranchissable. Les pompiers ont scandé plusieurs slogans dont : « Libérer Merouane !», «On ne s'arrêtera pas, on aura nos droits » ; « On n'est pas des groupuscules, on est venus de toutes les wilayas », « Syndicat dégage, mutuelle dégage ».
Les centaines de pompiers comptent faire entendre leur voix et avoir gain de cause. « Ce sont des droits, pas des revendications », clament-ils. En observant un sit-in devant leur direction générale, ils persistent et signent que leur élan de protestation est bien parti pour durer.
Leurs doléances, en plus de celles énumérées plus haut, ont trait aux droits socioprofessionnels, tels que l'indice de référence à hisser à 90 DA au lieu de 45, la prime de contagion et de rendement, la réintégration des 36 éléments injustement licenciés, avoir droit au passage de grade chaque cinq années, le salaire de base à relever à 24 000 DA (au lieu de 20 000 proposés par la direction), entre autres.
En fin d'après-midi, vers 16h 45, les contestataires continuaient d'exiger la libération de leur collègue pour quitter les lieux.
A. K.


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