Algérie

La classe moyenne tirée de nouveau vers le bas


La classe moyenne tirée de nouveau vers le bas
Entre 2011 et 2013, d'importants changements ont touché le monde de l'emploi sur le plan socioprofessionnel à travers notamment les revalorisations salariales dont ont bénéficié les corps de différents secteurs.Les cadres ont été les premiers à être concernés par ces hausses salariales. Des hausses en vagues qui ont induit des transformations dans le modèle de consommation des Algériens. Médecins, agents paramédicaux, agents communaux, enseignants, policiers, banquiers et bien d'autres corps ont vu leur rémunération s'améliorer nettement. Parallèlement, leur aspiration à meilleur niveau de vie s'est clairement affichée. Achat de voitures (boom enregistré entre 2012 et 2013), souscription aux différentes formules de logements (notamment le promotionnel), scolarisation des enfants dans les écoles privées et dans de nombreux cas voyages à travers le pays ou à l'étranger.En somme, chacun a essayé de profiter à sa manière de ces revalorisations salariales mais surtout des rappels versés dans ce cadre. Une fois ces rappels épuisés ou investis, retour à la dure réalité.Les augmentations se sont au final avérées insuffisantes, voire insignifiantes. Pourquoi ' Parce que les salaires ne répondent pas à une politique bien étudiée. Ils ne sont pas indexés à la hausse des prix. De même qu'ils ne correspondent pas à l'amélioration de la productivité ni à la disponibilité de l'offre au niveau local. Ce qui fait que les revalorisations sont vite rattrapées par la hausse fulgurante des prix par l'absence d'un système de régulation efficace, mais de manière plus globale par l'inflation. Les salariés, et à un degré plus important les cadres moyens ont commencé à ressentir l'inefficacité de ces hausses dès fin 2013 avec l'augmentation des prix des produits de large consommation.Des augmentations sans impactEn dehors du lait pasteurisé en sachet, du sucre et de l'huile, tous les autres produits (fruits et légumes, viandes blanches et rouges, poisson, légumineuses?) ont vu leur prix prendre l'ascenseur sans omettre les autres catégories de dépenses. Une visite chez un médecin généraliste installé à son compte à pas moins de 1000 DA, des soins dentaires qui coûtent excessivement cher (2000 DA l'extraction à titre illustratif), une simple pièce de rechange à 5000 DA, les cours particuliers pour les enfants, le loyer et bien d'autres frais grèvent le budget des ménages à moyens revenus.Autant d'indicateurs qui accentuent l'appauvrissement de la classe moyenne ou de ce qui en reste.Avec la dégradation de la situation économique du pays, le pouvoir d'achat (déjà laminé) de cette catégorie de la société risque fortement d'être affecté. Déjà que ce qui a été accordé d'une main a été repris de l'autre, les restrictions budgétaires, la dépréciation de la valeur du dinar, le renchérissement des produits de large consommation et les taxes annoncées dans le projet de loi de finances pour 2016 vont impacter négativement la situation socioéconomiques de ces cadres. Dans ces conditions, le gouvernement ne trouve pas mieux à faire que de demander aux ménages de mettre leur épargne dans les banques.«Comment arriver à mettre de l'argent de côté alors que le salaire ne suffit pas pour subvenir les besoins de ma famille pour un mois '» s'interroge un enseignant. Les experts le disent d'ailleurs : «Avec la hausse des prix, les ménages ne pourront pas, en toute logique, dégager une épargne importante conséquemment à la baisse sensible de la propension marginale à l'épargne».Projets bouleversés«Le nouveau contexte économique suite à la crise pétrolière avec tous ces indicateurs financiers interpelle cette classe moyenne. Cette dernière prend conscience chaque jour du réalisme économique qui atteint directement son pouvoir d'achat et son niveau de vie.Et du coup, beaucoup de ses projets sont bouleversés», nous dira à ce sujet Mohamed Benguerna, directeur de recherches au Centre de recherche en économie appliquée au développement (CREAD). Notre expert donnera comme exemple la réaction des souscripteurs au Logement promotionnel public (LPP) suite à l'annonce du montant de la 2e tranche (1 million de dinars) et le recul enregistré dans la vente de certains biens de consommation, à l'image des véhicules.Youghourtha Bellache, enseignant en sciences économiques à l'université de Béjaïa, abonde dans le même sens. «La crise actuelle va affecter profondément le pouvoir d'achat de la classe moyenne et encore plus celui des ménages modestes en dépit de la décision du maintien de la politique de subvention de certains produits de large consommation», notera-t-il.Et de rappeler que la forte dépréciation du dinar qui a induit un renchérissement des coûts à l'importation, conjuguée à la reprise de l'inflation ont d'ores et déjà affecté le pouvoir d'achat de la classe moyenne. Pour M. Bellache, les perspectives s'annoncent difficiles à la lumière de ce qui est prévu dans le PLF 2016.«La hausse de certaines taxes prévues dans la LF 2016 et qui concernent certains produits et leurs répercussions sur les prix des autres produits et services vont libérer davantage l'inflation et aggraver ainsi la situation», prévient-il. Qu'y a-t-il lieu de faire face à une telle situation ' Mais surtout en prévision de la réaction de la classe moyenne. «Il faudra s'attendre à ce que cette classe moyenne réagisse en usant de différentes formes pour manifester son mécontentement.Surtout que celle-ci constitue de plus en plus la cheville ouvrière de notre système socio-économique», avertit d'emblée le chercheur du CREAD plaidant dans ce sillage pour l'anticipation. «Il est utile d'avoir une intelligence de la situation pour dialoguer, écouter, convaincre cette classe moyenne quant aux nouveaux enjeux et des nouveaux défis.Et surtout lui signifier son implication active dans ces nouveaux défis et que cette nouvelle bataille de la diversité économique pour sortir de cette dépendance pétrolière est une affaire sociétale loin des expertises économiques et des alternatives de laboratoire et de salons», soulignera M. Benguerna avant d'enchaîner : «Nous avons besoin de l'intelligence de toutes les catégories sociales et cette classe moyenne est un vecteur important, pour peu qu'on la mette à contribution dans ses différents domaines. Lorsqu'on parle d'intelligence, on ne peut pas faire abstraction de l'impact de l'innovation pour affronter ces nouveaux enjeux, d'où mon appel pour une approche sociétale», conclura-t-il.L'informel pour assurer des revenus complémentairesEn plus du risque de l'enclenchement de mouvements socioprofessionnels, le recours à d'autres moyens en dehors du circuit formel pour avoir des revenus additionnels pourrait prendre de l'ampleur. En d'autres termes, le cumul des emplois pourrait constituer l'unique alternative pour des milliers de salariés ne serait-ce que pour maintenir le standard de vie auquel ils sont parvenus après les dernières revalorisations. Ce qui se fait d'ailleurs actuellement.«Ce retournement de la conjoncture économique et sociale va induire l'expansion de l'emploi informel, notamment dans ses segments anticycliques, à savoir la pluriactivité qui permet de procurer un revenu complémentaire pour compenser un tant soit peu la baisse du pouvoir d'achat des ménages et l'informel de survie aux personnes qui n'arrivent pas à s'insérer sur le marché du travail formel de gagner un revenu de subsistance», nous expliquera à ce sujet M. Bellache.Cela pour dire que la situation ne s'annonce guère facile à gérer, que ce soit pour les salariés ou pour les pouvoirs publics qui tardent à mettre en place une politique salariale basée sur une économie productive de richesses.


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