Algérie

La classe moyenne algérienne renaît grâce… au budget de l'Etat


On attendait une renaissance des classes moyennes par le secteur privé, elles reviennent par le secteur public. Excellents salaires et solvabilité des cadres créent un petit boom du crédit immobilier et une forte augmentation des achats de véhicules. Le budget de l'Etat est à l'origine de cette évolution rapide et spectaculaire qui provoque des revendications des groupes sociaux qui n'en profitent pas. Les limites d'une telle politique sont déjà là !
A u cours des dernières années, la situation de Mahdi B., la quarantaine, steward à Air Algérie, a connu une amélioration spectaculaire : «mon salaire est passé en un peu plus de trois ans de moins de 40 000 dinars à près de 100 000 dinars aujourd'hui». Outre un train de vie plus confortable, cette augmentation des revenus le rend apte à postuler à l'achat d'un logement promotionnel dans un des quartiers en pleine expansion des hauteurs d'Alger moyennant un emprunt immobilier de 5 millions de dinars auprès d'une banque publique. Laminées au cours des années 90 d'abord par l'échec du modèle étatique, puis par la mise en 'uvre de la politique d'ajustement structurel, les classes moyennes algériennes ont été soumises à un rude processus de décomposition-recomposition. Il s'est caractérisé d'abord par un rétrécissement de la sphère du secteur public marchand et par une paupérisation de la fonction publique. Jusqu'à une date récente, il était admis que la reconstitution progressive des classes moyennes nationales ne viendrait que du secteur privé. Dans son compartiment national aussi bien que dans son segment étranger, ce dernier semblait seul capable de rompre avec l'égalitarisme traditionnel du secteur public algérien et de rémunérer la qualification professionnelle de ses cadres suivant des standards comparables aux pays voisins, souvent cités en exemple dans ce domaine.
LE SECTEUR PUBLIC PLUS REMUNERATEUR !
Ce pronostic semble en partie déjoué par les évolutions des toutes dernières années voire des derniers mois. Chargé de cours dans une grande école publique de création récente, Malek B., la cinquantaine, ne cache pas que ses revenus «dépassent largement 150 000 dinars mensuels, compte tenu de quelques extras dans le secteur privé qui représentent environ un quart de ce montant». La revalorisation substantielle des salaires dans l'enseignement supérieur, pour ne prendre que cet exemple, change la donne pour des dizaines de milliers d'enseignants. Ils accèdent à un niveau de revenu qui est désormais égal ou supérieur dans beaucoup de cas aux salaires versés, à qualification égale, dans le secteur privé. Le mouvement amorcé au début de la décennie écoulée en faveur des cadres supérieurs des administrations centrales s'est élargi récemment aux effectifs, beaucoup plus nombreux, des cadres des secteurs publics de l'enseignement supérieur, de la santé, de la justice, voire de certaines entreprises publiques.
UNE RESURRECTION RAPIDE
L'une des caractéristiques remarquables de cette résurrection récente est sa rapidité. Un sous-directeur au ministère des PTT souligne que son salaire qui était encore voisin de 45 000 dinars en 2009 atteint aujourd'hui, primes comprises, le niveau respectable de 120 000 dinars. Le mouvement de revalorisation du statut et des rémunérations des cadres du secteur public est un phénomène récent dont la genèse politique n'a pas encore fait l'objet d'une analyse approfondie. On peut dater son démarrage entre 2007 et 2008. On peut aussi affirmer que l'instrument essentiel de cette renaissance des classes moyennes algériennes est le budget de l'Etat. Ce dernier a amorcé, précisément à partir de 2008, une évolution qui a fait doubler le montant des dépenses de fonctionnement de l'Etat en les faisant passer au rythme de 20% de croissance annelle en moyenne. Elles sont passées de 2500 milliards de dinars en 2008 à près de 5000 milliards de dinars en 2012, soit la coquette somme d'environ 65 milliards de dollars. Le statut social de beaucoup de cadres algériens a connu incontestablement au cours des dernières années des transformations remarquables. Elles se manifestent non seulement par un meilleur niveau de rémunération mais également par une solvabilité renforcée auprès du système financier. C'est cette solvabilité qui est à l'origine notamment d'un boom du crédit immobilier auquel sont associés, dans la période la plus récente, l'ensemble des établissements financiers, banques privées comprises. L'explosion des importations de véhicules qui a dépassé la barre des 400 000 unités à fin 2011 en est une autre illustration spectaculaire de ce confort retrouvé des classes moyennes nationales. La démarche mise en 'uvre par les pouvoirs publics au cours des dernières années risque cependant de rencontrer rapidement un problème de soutenabilité. Elle devrait se heurter notamment aux revendications des nombreux groupes sociaux tenus à l'écart des largesses récentes du budget de l'Etat exerçant une pression croissante sur la dépense publique. Le niveau de dépense atteint à l'occasion de la LFC 2012 suppose déjà selon le calcul d'un expert auprès du FCE (patronat) un baril de pétrole à 130 dollars.


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