La citerne d'eau, le hidjab, internet et l'autre époque

Sans le net, on ne saurait rien ou pas grand-chose d'une grande partie des misères du pays et du monde. On pouvait en imaginer les souffrances et les frustrations mais sans l'image et le texte qui va avec, diffusés et reçus en un temps record quand ce n'est pas en simultané, ce n'est pas du tout pareil. Il n'y a pas si longtemps, on croyait tout savoir mais avec le recul, on se rend compte qu'on était loin du... compte. Les chaînes d'information, la concurrence féroce dans une information devenue une... industrie à part entière inondait le monde avec un tel volume de données et une telle performance technologique qu'on pensait que jamais on ne ferait mieux. Internet a pourtant fait beaucoup... mieux et, suprême « innovation », il a démocratisé-popularisé l'accès à l'information dans des proportions que personne ne pouvait imaginer. Et la démocratisation étant génératrice de talents et source de vocations, internet nous donne à voir de tout et à chaque instant. Du beau, de l'horreur, de l'honneur, de l'émotion, de l'émerveillement de la révolte... tout ce qu'on pensait pouvoir nous cacher avant ou tout ce que les diseurs de vérité ne pouvaient pas atteindre, par manque de moyens techniques, des compétences limitées ou de la censure politique déclinée dans ses différentes formes. Ce long intermède n'était pas, à la base, le sujet du jour. Mais ça fait maintenant deux ou trois décennies qu'internet est toujours le... sujet du jour, quel que soit le pan d'actualité à traiter. S'agissant des « misères du monde » et surtout de celles du pays, la star de la semaine, et il en sera sans doute question pour longtemps encore, est incontestablement l'eau ! L'eau et surtout le flot d'images générées dans la foulée de son rationnement à Alger. Internet inspirant aussi du génie, un internaute particulièrement inspiré a eu la main heureuse en publiant cette photo qui « dit tout ». Des hommes, des femmes et des enfants, jerricans en main et le bout du tuyau en ligne de mire, entourent un tracteur venu sauver leur humanité de la sécheresse. Et de tenir le reste du pays et du monde à témoin : dans l'Algérie de 2021, la capitale en est au bidon et quasiment à l'émeute, l'assaut d'une citerne faisant foi. Et puis cette légende-photo qui dit le reste. Peut-être bien l'essentiel : l'image aurait pu être celle des années 1970. Seules les bonnes femmes, toutes en hidjab au milieu des hommes et des enfants, indiquaient qu'on a changé d'époque. Merci internet.S. L.