Algérie

La chronique de Maurice Tarik Maschino



La chronique de Maurice Tarik Maschino
Rivières empoisonnées, forêts saccagées, désertification d'un tiers des terres émergées, fonte des glaces, réchauffement climatique, épuisement des ressources en eau, pollution de l'air? la catastrophe écologique que prédisent, chiffres à l'appui, les écologistes, a déjà largement commencé. Et, comme l'explique le philosophe Bertrand Méheust dans un livre à la fois saisissant et d'une rigueur implacable, tout suggère que cette catastrophe aura lieu.Les exigences du marché sont en totale contradiction, en effet, avec la préservation de la biosphère. Produire toujours plus pour vendre davantage, créer de nouveaux besoins, entretenir un désir de consommation insatiable par le renouvellement constant des objets et des modes : le fonctionnement même de l'économie libérale s'oppose absolument à la sauvegarde de la planète. Le marché n'obéit qu'à ses propres exigences ; il tend à «dissoudre toutes les bornes, toutes les règles, tous les interdits et à envahir tous les interstices spatiaux, matériels, mentaux et sociaux».Absence d'idéaux et disqualification de toute morale, «réactionnaire» et «passéiste», démultiplication des besoins et marchandisation des désirs : la civilisation libérale, écrit B. Méheust, est «la culture de la sortie de la culture». Primat de l'individualisme consumériste, fin du politique et, comme le pressentait Tocqueville, avènement, en guise de démocratie, d'une «barbarie molle, froide et raisonnée, disposant de moyens de contrôle mental sans précédent» : les caractéristiques de la société libérale sont autant de mines qui, un jour, feront sauter la planète.Arrêter ce processus mortifère ' Les responsables ne souffrent pas, dans leur vie quotidienne, des dérèglements que le marché a déjà introduits dans la vie de leurs concitoyens (air difficilement respirable, fruits et légumes «pesticidés», immeubles bâtis à la hâte et quasiment inhabitables à peine terminés et, surtout, aucune société ne change facilement son mode de fonctionnement.Toutes ont tendance à persévérer dans leur être, même quand, sous la pression de besoins nouveaux, elles auraient intérêt à modifier leur orientation. Des pans entiers du passé survivent dans toutes les sociétés et entravent leur développement : persistance des inégalités entre hommes et femmes, même dans les sociétés les plus ouvertes, poids paralysant des traditions et du pouvoir patriarcal dans des sociétés qui auraient tout intérêt à secouer l'épaisse poussière des siècles qui les étouffe.Pesanteurs intellectuelles, blocages idéologiques, inhibitions psychiques, obstacles politiques : les freins sont innombrables, qui empêchent les changements indispensables à la survie même des sociétés où, très souvent, les morts font encore très largement la loi aux vivants.C'est donc une naïveté d'espérer que les sociétés libérales tiendront compte des impératifs écologiques, d'autant plus que leurs dirigeants s'ingénient à tromper et aveugler les citoyens.Assénée nuit et jour par toutes sortes de canaux ? médias, placards aguichants, slogans? ? la publicité encourage les citoyens à consommer toujours plus, elle les formate de façon telle qu'ils assimilent le bonheur à l'acquisition du dernier gadget. Promettant «un confort matériel toujours accru, en échange d'un vide de sens toujours plus effrayant», les apprentis-sorciers endorment les peuples en gommant les réalités pénibles de l'existence ? tels ces euphémismes qui font des aveugles des mal-voyants, des pauvres des assistés, des obèses des enveloppés ou de la rigueur «une gestion rationnelle du budget de l'Etat».A quoi s'ajoute, dans le langage officiel, la présence de plus en plus fréquente d'oxymores ? expressions dont «la fonction est de tenir dans l'imaginaire deux affirmations incompatibles : ?croissance négative', ?marché civilisationnel', ?moralisation du capitalisme'». Les oxymores prospèrent dans les périodes de tensions, observe B. Méheust : plus la situation devient pénible pour les citoyens, plus les politiques leur mentent. En inventant des oxymores qui, telle de la poudre aux yeux, ont pour fin de les aveugler.Un avenir tragique menace le monde : «La question n'est plus de savoir si le choc aura lieu, elle est d'évaluer sa violence? L'humanité survivra sans doute.» Mais dans quelles conditions, nul ne peut le prévoir. D'autant plus qu'existe toujours «la possibilité d'un emballement climatique qui transformerait la Terre en un four».




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