Algérie

La chronique de Ghaleb Bencheikh



La réislamisation des néophytes La chronique d?aujourd?hui s?articule autour de ce qui a été présenté précédemment. En ce sens que nous avons évoqué deux catégories constituant le tissu social des musulmans en Europe. La première a été croquée hier non sans forcer le trait, il est vrai. La seconde entité musulmane, majoritaire celle-là, est ? en dehors de quelques réussites personnelles et professionnelles ? constituée d?hommes et de femmes prolétarisés, marginalisés, défavorisés, paupérisés, ostracisés, déscolarisés? Mais surtout dés-islamisés. Et nous assistons à une réislamisation de néophytes telle une revendication politico-identitaire. Avec une véritable talibanisation des esprits, toute une jeunesse s?agrippe à des épiphénomènes de type vestimentaire ou alimentaire. Elle y tient mordicus, se rassurant avec ce qu?elle croit être l?essentiel de l?orthopraxie. Des femmes emmitouflées à la mine patibulaire et des hommes à la barbe hirsute apparaissent dans des accoutrements insolites arborés comme un habit « légal » ! Conforme à la charia ! Quand pourra-t-on réaliser, un jour, qu?il n?y a pas de tenue islamique ? En principe, la tenue « afghane » ne concerne que les Afghans, la djellaba et la gandoura ne concernent que les Maghrébins et les kamis les Moyen-Orientaux. En principe, en Scandinavie, les musulmans s?habillent comme les Scandinaves, à Rome ils vivent comme les Romains et dans la petite commune de Bourg-la-Reine, ils sont comme les Réginaburingiens? En réalité, après l?importation de l?homo economicus des cimes des montagnes de l?Atlas et du Djurdjura qui a engendré de l?homo islamicus à problèmes, les scénarii d?une radicalisation religieuse ont déjà été écrits pour les musulmans d?Europe. Parce que tant que, face au désarroi, des groupes humains pensent trouver dans la religion un recentrage et un équilibre identitaires, ils seront la proie facile des surenchères extrémistes représentant pour eux la réponse idoine à leur détresse. Tant que les « jeunes en mal de vivre » évolueront dans un univers hideux, hostile, où seule la charia de la jungle prévaut, ils ne pourront qu?être réceptifs au discours fondamentaliste. Ils sont d?autant plus sensibles aux sirènes « radicales » qu?ils sont éternellement issus de l?immigration. C?est la seule frange de la population dont on n?arrête pas l?énumération. On ose parler de cinquième génération ! Surtout, ils pensent porter en eux les stigmates du rejet, de l?exclusion et de la discrimination, à l?emploi, au logement et aux loisirs. De plus, tant que les musulmans continueront à pratiquer leur culte d?une manière clandestine, dans des lieux insalubres et indignes, comme les caves et les hangars, ils seront la cible du crypto-islamisme rampant dans les cités et les quartiers dits difficiles. Ne dit-on pas que les mouvements subversifs sortent des catacombes ? Encore une fois, des imams autoproclamés et non formés prennent en charge ces jeunes à l?horizon opaque. Ils nourrissent leur ressentiment à la seule évocation de leur lieu de prière. En outre, des sermonnaires doctrinaires venus d?ailleurs, non au fait des réalités européennes, essayent de vendre leur « prêt-à-penser » à ceux qui sont vides de réflexion et avides d?action. La captation des consciences est d?autant plus facile à opérer que celles-ci sont engluées dans des problèmes sociétaux graves. Une identité de substitution est proposée et elle est acceptée.C?est pour tout cela qu?il incombe d?abord aux « cadres » musulmans européens d?investir dans la formation des imams en instituant des séminaires pour que des ministres du culte aient la compétence théologique dédoublée d?une grande maîtrise des sciences de la culture. Ainsi, seront-ils un jour introduits sous la coupole de l?Institut de France à Paris, goûtant à « l?immortalité » des académiciens. A l?aise dans le cadre institutionnel démocratique qu?il soit républicain ou d?une monarchie constitutionnelle et participant aux régimes parlementaires, ils sont attachés à l?idéal laïque et ils accompliront l?aggiornamento nécessaire pour guérir de la véritable sclérose « en place » qui caractérise une bonne partie de l?oumma de par le monde. Cette cohorte d?imams européens ne prétend à rien pour elle-même, si ce n?est que de libérer la pratique cultuelle tatillonne des carcans culpabilisants. L?auteur est président de la Conférence mondiale des religions pour la paix


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