Loin de moi l'idée de donner dans la difficulté ou le pédantisme en abordant le propos de la semaine. La relation que je fais entre le penseur italien Antonio Gramsci et le réalisateur tunisien Mahmoud Ben Mahmoud ne relève pas d'un exercice de style. Bien que l'idée de revisiter l''uvre théorique de l'un des fondateurs du Parti communiste italien (PCI) ne me laisse nullement indifférent, irrigué que je suis par sa pensée et ses pertinentes analyses. L'argumentaire du dernier long métrage de Mahmoud Benmahmoud y est aussi pour beaucoup. Même si Le Professeur, c'est le titre du film, semble relever, pour un spectateur non averti, d'un cliché rhétorique. D'une intrigue passionnelle où est venue se greffer une relation extraconjugale entre un professeur et son étudiante à la réalité concrète ayant abouti aux événements du 26 janvier 1978. Des événements que le cinéma tunisien dans son ensemble aura superbement ignorés jusque-là, alors qu'ils avaient mis aux prises syndicalistes de l'UGTT et pouvoirs dominants. En mettant l'accent sur un signifié tragique, partagé on s'en doute entre la force d'une passion et le sens du devoir, le cinéaste tunisien n'est pas sans rappeler le dramaturge français Pierre Corneille. Surtout lorsqu'il fait passer le devoir avant la passion à un moment où le professeur semble osciller entre son statut de militant destourien, son rôle de chef de famille et sa passion interdite. Le choix irréversible que fera le professeur, après s'être imprégné de la réalité de son peuple, n'est pas sans me rappeler un autre film de Benmahmoud. Je veux parler de Siestes Grenadines où Soufiya, marquée aussi bien par les torpeurs d'un été languissant que par des conflits sanglants de pouvoir et d'intérêt, sort transformée. Elle se révèle adulte, à même de décider de son propre devenir. Comme le fera l'universitaire qui s'engagera résolument dans la défense des intérêts des plus humbles. Antonio Gramsci avait accordé, à partir des geôles mussoliniennes, une attention toute particulière au rôle de l'intellectuel dans la transformation de la réalité objective de son peuple. Pour le fondateur de l'Unità, organe central du PCI, 'tous les hommes sont des intellectuels, mais que tous n'ont pas la fonction sociale d'intellectuels". Il avançait l'idée que 'les intellectuels modernes ne se contentaient pas de produire du discours, mais étaient impliqués dans l'organisation des pratiques sociales". Si les pouvoirs dominants perdurent dans nos sociétés, ce n'est certainement pas par la main de fer par laquelle ils tiennent les forces productives, mais essentiellement grâce à leurs emprises sur leurs représentations culturelles. à plus forte raison lorsque cette domination se constitue et se maintient à travers la diffusion des valeurs au sein de l'école, l'université, la mosquée, les partis, les organisations des travailleurs, l'institution scientifique et les appareils idéologiques d'Etat, pour mieux empêcher le cerveau de fonctionner.
A. M.
zianide2@gmail.com
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Posté Le : 12/01/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdelhakim Meziani
Source : www.liberte-algerie.com