Algérie

La chronique de Abdelhakim Meziani


Le débat initié par Khalida Toumi au siège de la Fondation Casbah a été tout simplement édifiant. Venus en force pour en découdre avec une conception dominante de la réappropriation de pans importants de la mémoire collective, les invités de Belkacem Babaci sont repartis quelque peu rassurés. Les explications données par la ministre de la Culture auront comblé d'aise une assistance qui retrouvait, avec un malin plaisir, la militante des droits de l'homme et du mouvement des cinéclubs. Passionnée et pédagogue à souhait, elle présenta avec brio et conviction le plan de sauvegarde de cet exemple unique de médina, tel qu'adopté par le Conseil des ministres. Bien loin donc des sentiers battus, des idées reçues et des fantasmes aussi de quelques amateurs de raccourcis qui font remonter la naissance de la Casbah, soit à l'empire ottoman qui n'est jamais venu en Algérie, soit au banou Mezghana alors que la Casbah totalise plus de 33 siècles d'existence. Si les instances de l'Unesco l'ont inscrite au patrimoine universel comme médina de grande valeur historique et esthétique, en décembre 1992 à Santa Fe aux Etats-Unis, ce ne fut pas par hasard. Bien que je sois en rupture avec l'argumentaire historique ayant servi de préambule pour justifier la démarche de l'instance internationale, notamment les chapitres édulcorant les horribles et massives amputations imposées par la caste coloniale ?aux maisons traditionnelles arabo-méditerranéennes, reflets s'il en est d'une fusion entre le style de vie arabo-berbère ancestral, les coutumes musulmanes et différentes traditions architecturales?. Alors que la même source parle ?d'incompréhension des Européens vis-à-vis du style de vie arabe, plusieurs témoignages accablants rapportent qu'une partie des maisons de la Casbah et les riches villas du Fahs d'Alger furent saccagées par les soldats qui détruisaient pour le plaisir de détruire et qui, pour faire la soupe, brûlaient de riches et merveilleuses boiseries, coupaient les arbres fruitiers, sans que les chefs opposassent la moindre résistance à ce vandalisme?. ?C'était la France qui se traitait elle-même en peuple conquis?, s'étaient même exclamés les capitaines du génie Rozet et Carette dans Algérie, un ouvrage publié par les éditions tunisiennes Bouslama. À ce propos, Khalida Toumi dressa un réquisitoire des plus impitoyables sans pour autant oublier d'insister sur le fait avéré que les mutilations des lendemains de l'indépendance furent assassines, elles-aussi, provoquées le plus souvent par la malhonnêteté des indus occupants et la démission des vieilles familles d'Alger. Loin d'être injuste, l'argumentaire de Madame la ministre de la Culture ne relève point d'un jugement subjectif. Il ne vise nullement à jeter un quelconque discrédit, à plus forte raison sur les collectivités locales dont la bonne volonté et l'engagement ne sauraient être ignorés. La réalité du terrain a été accentuée par un dialogue de sourds entre les autorités et les représentants de la société civile alors que se sont écoulées plus de treize longues et dramatiques années depuis la promulgation de la loi du 15 juin 1998, fera remarquer Belkacem Babaci, président de la Fondation Casbah. À un moment pourtant où le patrimoine immobilier, constitué à hauteur de 85 a 90% de bâtisses de propriétaires privés contre 15 a 10% de la compétence des services publics, se trouve sérieusement ébranlé et menacé par les pluies diluviennes et les mauvaises conditions atmosphériques. Forte des orientations de M. le Président de la République et de l'adhésion irréfragable de ses homologues du gouvernement, Khalida Toumi s'est voulue rassurante, voire déterminée. Elle compte évoluer dans son magnifique chantier en étroite collaboration avec la société civile. À plus forte raison lorsque le législateur semble bien loin des solutions idoines qu'il y a lieu d'apporter aux problèmes tant techniques que financiers engendrés par une telle situation anachronique et partant, aux aspirations des plus légitimes des propriétaires desdites bâtisses. Un plan très médité de réappropriation va être appliqué à la Casbah de manière à y introduire le confort moderne sans bouleverser l'urbanisme et l'architecture traditionnels, et à restaurer les fonctions originelles de la Casbah, avec ses quartiers résidentiels et commerciaux où l'histoire et la culture citadine retrouveront leurs lettres de noblesse dira-t-elle, en réponse à une observation pertinente de l'architecte-urbaniste Halim Faïdi..A. M.
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