Lefeuilleton de la flamme olympique a été loufoque. Le monde de la télécommandeen a suivi les péripéties semi-politiques, semi-sportives, avec amusement. On y a parlé du Tibet, de la Chine, des droits de l'Homme,ceux du sport et ceux du respect des autres. Pourtant, derrière le spectacle, ily avait un autre: celui de la transformation de la Chine, de son statut de paysconcurrent à l'Occident, à celui de l'éveil net à la conscience de son avenird'empire. Un empire arrive au monde ainsi: avec le sentiment d'être jalousé parle reste des races, la sensation de la persécution, la certitude de l'injusticequi aboutit à celle de la supériorité chez le peuple électrisé. Si on y ajoutele poids des communautés en exil que l'on peut agiter, selon les calendriers, onobtient la Chined'aujourd'hui. Pas celle qui menace l'Occident, selon l'Occident, mais cellequi va se réapproprier le centre du monde, comme l'a fait l'Amérique, un jourou l'autre et avec le même sens nombriliste. Les Chinois avaient besoin ducommunisme un moment, mais aujourd'hui, les réactions de rejet du monde entierleur donnent une motivation externe qui les soude encore plus. Pour protestercontre les «protesta» qui ont fait le décor de la flamme olympique qui vasigner l'entrée de leur pays dans le club du prestige international, la Chine a, pour la premièrefois de son histoire, fait usage de quelque chose qu'on a oubliée: sa diasporanombreuse et puissante qui a pris pied dans la quasi-totalité des pays du monde.Conscientedes interprétations possibles, la Chine s'est défendue de toute explication d'une actioncoordonnée ou d'une manipulation orchestrée, mais la démonstration est déjà làet il faut en saisir le sens entier. La Chine n'est plus le pays des comptoirscommerciaux, c'est le reste du monde qui l'est à ses yeux. Ce n'est pas la Chine qui s'éveille, maisles Chinois. Un peu partout de par le monde et pas uniquement chez eux. Et cetéveil signe la naissance d'une conscience d'empire comme celle qui traversad'autres peuples. Aux Romains, il a suffi de la chute de Carthage pour que cepeuple se réveille au vide et, du coup, à la nécessité de partager le mondeentre eux et la Barbarieet de se poser en gardien d'une valeur, de la force et de l'ordre de Rome. C'estdire qu'il suffit de presque rien, d'une flammeolympique au parcours cahoteux, pour cristalliser ce qui couvait depuislongtemps et qui est, dans l'ordre des choses, dans le monde de Darwin ou celuide Toynbee. Ce qui agite, aujourd'hui, les Chinois dans leur pays, entre appelsà la violence, appels au boycott, revitalisation du nationalisme et esprit deconcurrence en rage, est inédit et c'est sur cela qu'il faut concentrer lesregards: la Chines'est éveillée, aujourd'hui elle veut manger. Et entre l'Occident et ce nouvelEmpire, nous Arabes, noirs, bruns et pauvres nous n'avons que le rôle deportefaix.
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Posté Le : 28/04/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamel Daoud
Source : www.lequotidien-oran.com