La Chine est la deuxième puissance économique du monde et le premier partenaire commercial de l’Afrique. Mais Pékin est encore un nain dans l’aide humanitaire au continent africain. Son statut de grande puissance lui impose d’aider davantage la Corne de l’Afrique à lutter contre la famine.
Mise à jour: Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a promis le 15 août 2011 de verser un don de 353,2 millions de yuans (55,3 millions de dollars) de denrées alimentaires aux pays africains en proie à la pire sécheresse depuis des années.
La Chine doit changer sa vision de l’Afrique. Pour Pékin, le continent constitue surtout un fournisseur de matières premières, un marché important pour ses produits à bas coût. Les nombreuses voix des pays africains de l’ONU sont également très courtisées par le régime chinois.
Jusqu’à présent, le Parti communiste au pouvoir laissait aux Occidentaux deux domaines très sensibles: la défense des droits de l’homme et l’aide humanitaire de masse.
Mais le géant économique chinois ne peut éternellement rester un nain dans ce dernier domaine. La stratégie «gagnant-gagnant» de Pékin, tant vantée d’Alger au Cap, ne devrait ignorer les enfants somaliens qui meurent de faim.
Écrasés par des problèmes titanesques de dettes publiques, les pays occidentaux ont traîné les pieds avant d’aider la Somalie.
Mais les zones les plus touchées par la famine, conséquence d’une grave sécheresse, sont contrôlées par les insurgés islamistes shebab, affiliés à al-Qaida. En niant toute famine chez eux et en restreignant l’accès aux organisations humanitaires occidentales, les combattants islamistes n’ont pas contribué à susciter un large élan de solidarité en Occident, comme ce fut le cas pour la famine de 1984 en Éthiopie. Les shebab portent ainsi une lourde responsabilité dans ce qui constitue désormais la plus grave crise humanitaire au monde.
La Chine, locataire des terres arables africaines
Mais l’Europe et les États-Unis ont quand même mis la main à la poche pour venir en aide aux millions d’Africains menacés par la famine, en premier lieu en Somalie, en Éthiopie, à Djibouti, mais aussi au Kenya et jusqu’en Ouganda. Critiquant au passage la timidité de la Chine en la matière.
La première salve est venue d’Allemagne, locomotive économique de l’Europe et troisième exportateur mondial derrière la Chine et les États-Unis.
C’est Günther Nooke, le chargé des affaires africaines du gouvernement allemand, qui est monté au créneau :
«Dans le cas de l’Ethiopie, il est probable que la vente massive de terres à des entreprises ou des Etats comme la Chine, qui veulent y pratiquer une agriculture intensive, profite à une petite élite.»
Et d’ajouter :
«Tout ce que fait la Chine en Afrique n’est pas mauvais. Mais ne consacrer l’agriculture qu’aux exportations peut conduire à de grands conflits sociaux, si de petits paysans perdent leurs terres et leurs moyens de subsistance.»
Berlin a ainsi mis le doigt sur un sujet douloureux: la location (et non l’achat) par des sociétés chinoises de terres africaines pour produire et exporter vers la Chine des produits agricoles.
Selon le centre de recherche américain d'Oakland, environ 200.000 personnes pourraient ainsi être déplacées des 350.000 hectares loués dans le sud-ouest de l’Éthiopie depuis 2008.
La Banque mondiale avait, dans un rapport officiel publié en 2010, clairement pointé du doigt les pays acheteurs de terres dans les pays pauvres: Chine, Grande-Bretagne, pays du Golfe, Arabie saoudite et Corée du Sud.
Médiatisation
Si la situation perdure de longs mois et s’aggrave, la famine en Somalie risque de rendre la situation intenable pour les pays acheteurs et poser de terribles cas de conscience. Mais encore faudrait-il que les opinions publiques soient informées de ce commerce d’un genre bien particulier.
Certains commentateurs occidentaux s’auto-flagellent volontiers sur l’indifférence des Européens et Américains, en pleines vacances d’été, à propos des conséquences de la sécheresse africaine.
Mais des reportages en Somalie, au Kenya et en Éthiopie sont diffusés chaque jour sur les grandes chaînes de télévision française, à des heures de grande écoute. Et la presse écrite, les radios et les sites Internet ne sont pas en reste.
Les médias chinois parlent-ils autant de l’urgence humanitaire dans la Corne de l’Afrique que les médias français? Il est permis d’en douter…
La guerre des superpuissances
Si l’Allemagne a tiré la première, des élus américains lui ont vite emboîté le pas. D'influents élus de la Chambre des représentants ont affirmé que la Chine et l'Arabie saoudite devaient faire davantage d’efforts.
«Nous pouvons commencer par aider les organisations qui prennent des risques en apportant de la nourriture, des soins et de l'aide humanitaire aux plus vulnérables; d'autres membres de la communauté internationale, y compris la Chine et l'Arabie saoudite, doivent aussi faire plus d'efforts», a martelé la chef de la minorité démocrate, Nancy Pelosi.
Les deux pays visés n’ont pas été choisis au hasard. Washington et Pékin sont actuellement les deux superpuissances mondiales et certains parlent même d’un «G2» qui dirige la planète, et se livre une féroce concurrence.
La Chine pourrait même dépasser les États-Unis comme première puissance économique mondiale avant 2020 et se permet déjà de tancer sans ménagement l’Oncle Sam pour ses problèmes de dettes.
L’Arabie saoudite, premier exportateur mondial d’or noir, est assise sur une montagne de pétrodollars qui ne servent guère à l’aide humanitaire pour l’Afrique, pourtant en grande partie musulmane.
Et, pour donner l’exemple, les États-Unis viennent de débloquer plus de cent millions de dollars (70 millions d’euros) d’aide supplémentaire pour l’Afrique de l’Est.
La dernière contribution financière de Pékin remonte à fin juillet et s’élevait à seulement 9,8 millions d’euros en aide alimentaire d’urgence. Et pendant que la Corne de l’Afrique s’enfonçait dans la famine, la Chine réalisait en juillet 2011 des exportations record, qui ont atteint plus de 123 milliards d’euros.
Même la France, jusque-là un peu timide, a le 8 août triplé son aide, qui passe ainsi de 10 à 30 millions d’euros.
Mais l’Afrique est-elle toujours condamnée à tendre la main à l’étranger pour venir en aide à ses populations?
Il y a certes une Afrique qui crie famine, mais il y en a aussi une Afrique verte, où les récoltes sont bonnes. Le nord du Kenya souffre de la sècheresse mais les récoltes pourrissent dans le sud du pays. Terrible paradoxe. La raison: les infrastructures insuffisantes. Même chose en Éthiopie.
«Télé-thons» africains contre la famine
Mais si l’Union africaine réfléchit toujours à ce qu’elle pourrait faire, si les gouvernements africains paraissent figurer aux abonnés absents, une solidarité populaire semble se dessiner ici et là et ne demande qu’à s’amplifier.
Par exemple au Kenya, où a été lancée le 27 juillet par l'association des médias kényans (plusieurs mastodontes du secteur privé dont l'opérateur de téléphonie mobile Safaricom et la Croix-Rouge kényane) l'opération Kenyans for Kenya. Elle a déjà réuni près de 3,7 millions d'euros.
Pourquoi ne pas lancer de telles opérations dans d’autres pays africains, un genre de «télé-thon» continental contre la famine?
Pourquoi les artistes africains ne se mobilisent-ils pas?
Pourquoi les milliardaires africains ne font-ils pas un geste?
Une telle mobilisation continentale serait le symbole éclatant d’une Afrique fière, qui sait faire preuve de générosité envers ses frères. Une Afrique qui ne compte pas seulement sur les autres pour résoudre ses crises.
* Photo : Le président chinois Hu Jintao reçoit le président camerounais Paul Biya à Beijing, le 20 juillet 2011 - REUTERS/POOL New
Adrien Hart
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Posté Le : 20/08/2011
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Adrien Hart / 13 août 2011
Source : SlateAfrique