Algérie

La Chine, allié tactique et ennemi stratégique des Occidentaux



Une petite guerre froide oppose la Chine aux Etats-Unis qui ont décidé d'être plus agressifs en Asie. Washington a décidé de s'impliquer directement dans le vieux différend territorial en mer de Chine qui oppose la Chine et quatre pays de l'Asean - Vietnam, Philippines, Malaisie, sultanat de Brunei et Taïwan. Une intrusion américaine très mal vue par Pékin. Des tensions qui rappellent clairement que si la Chine, grande économie émergente, peut-être un «allié tactique», elle reste pour les Occidentaux et notamment les Américains, l'ennemi stratégique.

Les relations sino-occidentales dans leurs formes actuelles sont le révélateur des mutations globales en cours. Pour les dirigeants américains et européens puissamment relayés par leurs médias, la République Populaire de Chine représente à la fois une menace stratégique et un partenaire tactique dans la résolution des crises. La Chine qui se présente encore comme un pays en voie de développement avance prudemment sur un échiquier international où les Occidentaux restent largement dominants. Ce souci de réalisme caractérise une direction politique qui a profondément modifié son idéologie tout en conservant les structures de pouvoir du Parti communiste. La Chine se présente ainsi comme étant le seul pays d'économie libérale qui conserve une instance de planification centrale. La dualité inhérente à l'organisation politico-économique et à l'histoire du pays se reflète dans ses relations avec l'extérieur. L'extraordinaire bond en avant effectué depuis un peu moins de trente ans a eu pour effet de faire sortir de la misère près de 400 millions d'individus en moins de deux décennies et de faire passer le pays du statut d'atelier du monde à celui d'acteur global. Le principal partenaire de la Chine est son pire ennemi d'hier. Et peut-être celui de demain. Le «tigre en papier», dixit Mao, est le principal marché pour les produits chinois. La Chine abrite un nombre incalculables d'entreprises américaines et Pékin est le principal créancier de Washington. L'imbrication des deux économies est une réalité structurante, peu susceptible d'être modifiée à moyen terme.

LA BATAILLE DU YUAN

Près des deux tiers des titanesques réserves de change chinoises – 3000 milliards de dollars – sont placés dans les bons du Trésor américains. Les Etats-Unis et leurs alliés, confrontés à une crise qui risque d'évoluer en récession, font porter à la Chine la responsabilité partielle mais cruciale des désordres financiers globaux. Selon le président Obama, la sous-évaluation du yuan pénaliserait directement l'activité aux USA. Propos martelé lors du sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Les critiques américaines contre l'immobilisme chinois en matière de parité du yuan sont persistantes. Les Occidentaux exigent depuis longtemps une révision de la valeur de la monnaie chinoise qui serait selon eux sous-estimée afin de stimuler les exportations. Lors d'un entretien avec le président Hu Jintao, Barack Obama s'est fait le porte-parole de «l'énervement» des milieux économiques américains suscité par la politique financière chinoise. La réponse chinoise à la demande américaine est invariable : si la Chine entend faire évoluer progressivement son régime de change, les problèmes auxquels sont confrontés les Etats-Unis ne seraient pas réglés pour autant. Les Etats-Unis dont la dette avoisine quinze mille milliards de dollars, l'équivalent du PIB, remboursée par la création incontrôlée de monnaie, sont de fait les premiers responsables de leur situation actuelle. A ces pressions, viennent s'ajouter des manÅ“uvres de containment de l'influence économique croissante de la Chine.

POLITIQUE DE CONTAINMENT

A l'occasion du sommet de l'APEC, les Etats-Unis ont annoncé la mise en chantier de la plus grande zone de libre-échange à ce jour, le Partenariat Trans-Pacifique (TPP). Le TPP, dont la Chine ne fera pas partie, sera un marché unique de près de 800 millions de consommateurs, représentant environ de 40 % de l'économie mondiale, se traduira par un premier texte juridique dès l'année prochaine. Si nombre d'observateurs doutent du réalisme d'une échéance aussi rapprochée, bien peu hésitent à désigner la cible de cette nouvelle alliance. Il s'agit bel et bien de faire contrepoids à la Chine et de limiter son influence dans cette région du monde. Ce n'est plus vraiment la posture des Européens. Le président français n'a pas hésité à faire appel à la «solidarité» chinoise et a solliciter son homologue Hu Jintao pour alimenter le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF). Les Chinois entendent tirer avantage de leur position pour faire avancer leurs pions sur l'échiquier global. Pékin aurait conditionné son aide à la satisfaction d'au moins un des trois préalables présenté lors de négociations approfondies mais fort discrètes. La Chine aurait demandé soit un poids accru au Fonds monétaire international (FMI), soit un statut d'économie de marché à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou, au moins, la levée de l'embargo européen sur les armes. Les Européens ne sont disposés à répondre à aucune des propositions chinoises et Pékin se contente donc de réitérer un soutien purement rhétorique «aux efforts de l'Union européenne (UE)…». Le réveil chinois fait bouger les lignes du vieux système des relations internationales mais celui-ci résiste. Aidé par le fait que Pékin hésite encore à assumer ses responsabilités de leader dans les instances internationales. Une posture pragmatique qui risque de ne pas être tenable dans la distance, notamment dans la perspective d'une aggravation de la crise globale et des risques de conflits qu'elle induit.




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