La chasse au trésor

Le Sila n'aura pas lieu cette année. Pour garder le lien entre écrivains, éditeurs et lecteurs, Liberté ouvre ses colonnes et leur donne la parole...Par : Ahmed Benzelikha
AUTEUR
Sur la petite carte qu'on m'avait donnée, il y avait un mystérieux itinéraire et quelques notes de musique. Il fallait que je me débrouille avec ça pour retrouver mon trésor et celui de beaucoup.
Alger, comme une page blanche, m'appelait en cet octobre 2020 pour que je lui écrive les peines et les joies de ceux qui font son quotidien, car les villes aiment à lire ce dont elles sont le cadre et la scène, la vie des gens et des passants, des femmes et des hommes qui font ou pensent faire le tour des choses, des petits et des grands, de ceux qui souffrent et de ceux qui les font souffrir et puis la joie de vivre malgré tout. J'écoutais Alger, avec sa voix rocailleuse comme un chanteur de chaâbi, insister... mais voilà, je n'avais pas de quoi écrire, et les hommes se cachaient derrière leur masque par peur de la maladie. Ils ne pouvaient plus s'étreindre, ni se serrer la main, ni accolade ni poignée cordiale, pas de franchise dans leurs gestes calculés, tout contact évité. Comment les décrire, comment écrire et comment lire ' Le smartphone ne pouvait suffire ! Il fallait être libre de cette pandémie pour pouvoir retrouver ses marques, ses livres et ses mots et les gens réunis autour de ce que les livres nous apprennent d'abord : la liberté d'être à travers eux.
Je revenais à ma carte, l'itinéraire conduisait au bord de la mer pour s'échancrer sur la baie d'Alger faisant face au monde, aux pays lointains et à leurs récits, que les livres tels des bateaux transportaient pour emporter leurs lecteurs par-dessus les frontières et au-delà des mers et même jusqu'aux cieux, que semblaient vouloir atteindre, élancés, les Pins maritimes. Nombreux étaient les arbres, comme des lecteurs curieux, ils se laissaient emporter par la brise automnale des pages fraîchement imprimées des nouveaux livres et la lumière éclatante d'un été qui n'en finissait pas, celui, éternel, de la littérature et du savoir.
Aux frémissements des pins sous le vent des livres, s'ajoute le chant des enfants dans les clairières des contes colorés de la joie de lire et de découvrir. Lire et découvrir, pour toutes et tous, des livres et des auteurs, connus et moins connus, tous réunis en une confraternité qui dépasse les clivages, car unis par les mots et les lecteurs, aux rivages généreux d'une Algérie voulue fraternelle. Unis aussi par ce bouillonnement d'idées qui, même s'il demeure souvent conventionnel, ne s'en exprime pas moins dans les échanges et les débats, conférant au Salon une aura intellectuelle que peu d'événements peuvent lui disputer, comme une douce musique, pour celui qui sait l'apprécier. Bien sûr, quelques fausses notes se glissent, comme dans toute organisation, et le Salon du livre n'est parfois que l'arbre qui cache la forêt du marché de l'édition et de tant d'autres problématiques, toujours pendantes. Mais au Salon, la musique livresque est si entraînante ! Comme une valse qui nous emporte dans la lumière, ravis, sous les lustres immenses du savoir et les glaces étincelantes de la littérature, aux bras des plus beaux cavaliers sous le charme des plus belles cavalières !
De feuille en feuille et de page en page, que le spectacle commence et que la musique résonne ! Les livres sont une fête et quel bonheur de se retrouver autour d'eux, comme chaque année !
Que le Sila me manque ! Et je découvre que le trésor c'est les livres et les notes de musique leur adresse à Alger : si la !
Quant à l'itinéraire, c'est celui du coeur et de l'amitié, amitié des hommes et des lecteurs, amitié des idées et des valeurs. Puissions-nous retrouver ce trésor qu'est le livre partagé et au Salon international du livre d'Alger, se retrouver !