Algérie

La charte partenariat public-privé permet-elle une adaptation face aux enjeux de la mondialisation '


Le président de la République à l'occasion de la fête du 1er mai 2017 : « Face à la crise financière, l'Etat est déterminé à accompagner la promotion de l'investissement national, par un partenariat en soutien multiforme et par l'amélioration de l'environnement économique. Aujourd'hui plus que jamais, un défi exigé du patronat local doit se mobiliser pour accroître l'investissement dans tous les secteurs, et le déployer ainsi à travers tout le territoire national par l'amélioration de la productivité et la compétitivité économique de sorte que les entreprises algériennes résistent localement à la concurrence extérieure et que la production parte à la conquête de marchés extérieurs».L'UGTA et le patronat avec le gouvernement se sont réunis le 23 décembre 2017 pour évaluer le Pacte économique et social et entrevoir la dynamisation du partenariat public privé (PPP).
-II- Les obstacles aux réformes structurelles
Sous réserve que l'Algérie favorise la libéralisation de son économie par l'investissement nouveau et «les privatisations», tenant compte de la concurrence internationale vivace dans ce domaine (la concentration étant au profit des pays développés, et à un degré moindre, des pays émergents comme la Chine et l'Inde, avoir des matières premières n'étant plus une condition essentielle de l'attrait de l'investissement, la maîtrise des services et donc des nouvelles technologies devenant de plus en plus prépondérant), les IDE , des partenariats bien ciblés et la promotion du secteur privé national utile pourraient fortement contribuer à la relance et la modernisation de notre économie, de permettre d'accéder aux technologies avancées, d'apprendre le marché et viser l'exportation hors hydrocarbures et de stimuler la concurrence et la compétitivité interne et externe.
Concernant, le développement du secteur privé indispensable pour asseoir une véritable économie de marché concurrentielle, sa promotion ne peut être comprise isolée des réformes d'ensemble liant démocratie-bonne gouvernance et instauration de l'économie de marché au moyen de mécanismes concurrentiels, pour favoriser le débat, je rappelle les principes directeurs suivants : premièrement, l'Algérie s'est engagée dans les réformes économiques indispensables pour s'adapter tant à la mondialisation de l'économie dont l'espace euromaghrébin, euro-méditerranéen (accord de Barcelone) et africain est son espace naturel qu'aux mutations internes.
Je suis persuadé, au moment de la consolidation des grands espaces, une des conditions de l'attrait de l'investissement, qu'il est suicidaire pour chaque pays du Maghreb de faire cavalier seul. Deuxièmement, le cadre macro-économique relativement stabilisé, se posant la question de l'injection de plus de 1 800 milliards de dinars courant 2018 ( financement non conventionnel ) et les réserves de change sont éphémères sans de profondes réformes structurelles. Les réserves de change, estimées à environ 95/97 milliards de dollars contre 194 courant 1994, ne sont qu'un signe monétaire.
Le pouvoir d'achat n'augmente pas forcément quand les réserves gonflent, le travail et l'intelligence à travers la dynamisation de l'entreprise étant la source de la richesse. Troisièmement, il est utile de pourtant rappeler que la période du terrorisme s'est soldée par des destructions d'infrastructures qui se sont chiffrées à des dizaines de milliards de dollars US et l'Etat algérien a eu pour souci de préserver la cohésion sociale. Ainsi en moyenne en 2005-2016, les transferts sociaux, le montant des affectations budgétaires ont représenté un montant colossal du produit intérieur brut y compris les montants qui sont versés au titre des subventions des produits énergétiques, l'eau, les loyers, les transports.
L'Etat dépensant actuellement quatre fois plus en actions sociales, mais mal, qu'en actions économiques. Cela peut constituer à l'avenir une dérive économique et sociale que voilent les recettes exceptionnelles des hydrocarbures ces dernières années, le fondement de la loi de Finances 2010 étant un soutien plus important à la sphère sociale qu'à la sphère économique rendant urgent un ciblage pour plus de cohésion sociale. Quatrièmement, laprivatisation qui n'est certes pas une panacée ? englobée dans le cadre des réformes : système financier ? douanier, fiscal ? domanial pour les titres de propriété, supposant la réactualisation du cadastre, administration (la réforme de l'Etat pour la dé bureaucratisation et l'efficacité du service public) ? régulation sociale au profit des plus démunis ? est l'élément essentiel des ajustements structurels futurs.
Mais il y a lieu de ne pas confondre restructuration industrielle qui n'est qu'un élément ? de la restructuration globale de l'économie objectif stratégique de la privatisation. Le bilan est mitigé : il faut tirer les leçons. Le consensus tant au niveau international que national est l'urgence d'objectifs politiques plus précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence et une accélération de ce processus complexe mais combien déterminant pour l'avenir du pays. Les expériences internationales, tenant compte du contexte social algérien, peuvent être utiles.
Il est utile de rappeler l'accumulation des richesses de l'indépendance politique à nos jours a suivi le processus de positionnement des cadres dans les secteurs névralgiques ou mêmes secondaires de l'économie et surtout son domaine public en fonction des positionnements au sein de la société, par l'irrigation de la rente provenant des hydrocarbures, expliquant l'économie mono-exportatrice depuis des décennies, la faiblesse de la production et exportation hors hydrocarbures et par là de véritables entreprenants créateurs de richesses. C'est donc à partir de l'accumulation des richesses dans ce secteur et leur redistribution que s'est construite l'actuelle structure sociale en Algérie, structuration en mutation non achevée.
Il est utile, pour toute politique économique fiable, d'analyser cette structure fondée sur une synergie assabienne, une hiérarchie parentale et une identité patrilinéaire solide. Ces analyses opératoires qui rendent d'actualité la vision ibn khaldounienne au niveau de l'ensemble des pays du Maghreb, sont indispensables pour faire émerger une société conciliant la modernité et son authenticité. Elles sont le fondement stratégique pour l'émergence de nouvelles catégories d'acteurs (les scientifiques et les cadres compétents, les villes de la haute technologie, les universités de pointe) indispensables pour les changements dans les structures de productions et la cristallisation des aspirations émergentes.
Partant de là, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître le décalage qui existe entre les potentialités que recèle notre pays, et elles sont énormes, et le niveau de développement proprement dérisoire que le pays a atteint après plusieurs décennies d'indépendance. Les résistances au changement ne datent pas d'aujourd'hui. Elles sont d'ordre sociologique et culturel et un important travail est à faire en direction de l'opinion publique pour expliquer la nature des défis. Elles sont d'ordre politique et il y a urgence de la recherche d'un consensus, voire d'un compromis, avec des acteurs qui peuvent ? pour tout myopes qu'ils sont politiquement ?, se rendre, en dernière instance, à la raison et accepter d'identifier positivement leurs intérêts à ceux de l'ensemble de la collectivité nationale.
Les conditions de la réussite des réformes nécessitent l'exploitation judicieuse et productive de son environnement et exige qu'un effort particulier et soutenu soit fait dans plusieurs directions : la normalisation du fonctionnement des institutions, par la clarification de leurs missions et le renforcement de l'indépendance des organes qui les contrôlent ; la stabilisation durable du front social, par le dialogue et la négociation ainsi que par la diversification et l'élargissement des actions de solidarité de l'Etat au profit des groupes sociaux vulnérables et des catégories sociales qui sont fragilisées par la restructuration nécessaire de l'appareil économique national ; la sensibilisation de l'ensemble de la société à l'impérieuse nécessité d'une mise à niveau général pour préserver les intérêts fondamentaux du pays et ceux des générations futures ; la recherche d'un contrat politique minimum au sujet de la question des réformes économiques et de la modernisation du pays, et le nécessaire respect, par les différents acteurs, de la doctrine nationale en matière de politique extérieure, de défense et de sécurité ; le respect des engagements internationaux pris par l'Algérie, expression de la continuité de l'Etat et garant solide de sa crédibilité. Sur le plan économique, à titre d'exemple il est important de démystifier culturellement l'impact de notre adhésion à la zone de libre échange avec l'Europe et à l'Organisation mondiale du Commerce qui constituent un impératif stratégique, démystification qui rentre dans ce renouveau culturel en distinguant les avantages comparatifs statiques, (ce que l'on perd à court terme du fait du démantèlement tarifaire environ 1,8 milliard de dollars US) des avantages comparatifs dynamiques (ce que le pays dans son ensemble gagne à moyen et long terme) du fait que l'Algérie a besoin d'un important flux d'investissement hors hydrocarbures pour atteindre l'optimum d'un taux de croissance durable de 8/10% an entre 2018/2025, et réduire le lancinant problème du chômage et de la pauvreté. Avec les dispositions gouvernementales (51% minimum Etat/49% étranger), financement sur fonds public, le rythme de financement dépendra donc de l'évolution du cours du pétrole et du gaz, les hydrocarbures permettant 98% des recettes en devises.. Le défi majeur est une croissance soutenue basée sur le savoir pour lutter contre le chômage et mettre fin à une situation budgétaire instable. Car la structure productive actuelle rend la croissance volatile et soumise aux chocs externes, les variations du prix du pétrole restant fortes et rendant difficile une action contra-cyclique à long terme. Car il est à signaler que Sonatrach directement et indirectement, en plus de la dévaluation du dinar par rapport au dollar, à travers les flux qu'elle engendre au niveau local et à travers les importations permet l'essentiel de la fiscalité.
Pour le recouvrement de la fiscalité, le ministère des Finances, dans une déclaration du 6 septembre 2017, a annoncé que la dette fiscale s'élevait à environ 3 500 milliards de dinars en 2015, alors que les restes à recouvrer par l'administration fiscale au titre des amendes judiciaires avoisinaient les 7 500 mds DA. Précisément, le reste à recouvrer (RAR) de la fiscalité avait atteint 10 982 milliards de dinars, pour soit l'équivalent de plus de 100 milliards de dollars au cours de l'époque.
Par catégorie, la valeur ajoutée (TVA) représente 1293 milliards qui ne sont pas récupérés, suivie de l'impôt sur le revenu global, (IRG) 674 milliards de DA et la taxe sur l'activité professionnelle de 500 milliards de dinars, les sommes non recouvrées les plus importantes étant les amendes judiciaires d'environ 7 522 milliards de dinars.
Pour le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, dans une déclaration du 20 septembre 2017, la vraie valeur de la fiscalité non recouvrée était de 2500 milliards de dinars, affirmant qu'un nombre de dossiers étaient au niveau du tribunal administratif et d'autres sont en cours de récupération à travers les démarches du ministère des Finances.
Et cela, sans compter les déficits structurels de certaines entreprises publiques, la solution de facilité est d'envisager d?augmenter les tarifs alors que les compagnies étrangères les baissent. Envisagée du point de vue des échanges de biens, la position extérieure de l'Algérie reste dominée par la faiblesse inhérente à sa spécialisation dans les hydrocarbures, l'Algérie n'ayant pas de prise sur ses propres comptes extérieurs, qui ne dépendent que des cours du pétrole et du taux de change du dollar.
Le PIB par habitant évolue de manière chaotique, ce qui ne permet pas d'amélioration dans la lutte contre la pauvreté ou contre l'illettrisme, dont le taux demeure, malgré d'importants efforts, encore élevés. Le risque étant de retrouver une situation comparable aux années passées (1986-1994-1997) en cas de chute brutale des cours de pétrole avec le danger de surfiscaliser les activités visibles par des recouvrements excessifs de la fiscalité ordinaire pour équilibrer le budget renforçant paradoxalement la sphère informelle.
Il s'ensuit de cette situation que sur le plan socio- politique, les exportations hors hydrocarbures n'ayant jamais dépassé de dollars deux milliards de dollars (60% étant des dérivées d'hydrocarbures) n'exportant donc presque rien de biens à valeur ajoutée comme signalé précédemment, pendant des décennies, la base sociale pour l'ouverture, étant dominante mais non organisé expliquant le peu de relais au niveau de la société.
La majorité des entreprises privées n'étant pas autonomes mais trouvant leur prospérité ou leur déclin dans la part des avantages financiers, fiscaux, leurs parts de marché auprès des entreprises publiques et des administrations, utilisant leurs relais pour accroître les mesures protectionnistes, néfastes à moyen et long terme. L'importance des entreprises familiales, le peu de recours aux formes de sociétés modernes indispensables pour assurer la compétitivité internationale attestent de ce constat amer.
(A suivre)
Dr Abderrahmane Mebtoul Expert International, professeur d'Université en management stratégique Ancien président du Conseil National Algérien des Privatisations
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