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La chanson de Cordoue et les livres des Pins Maritimes



La chanson de Cordoue et les livres des Pins Maritimes
Beaucoup de choses veulent émerger dans l'esprit en même temps, le matin quand on se réveille. Surtout si on le fait très tôt, bien avant les premières lueurs du jour. Pour protéger l'intégrité territoriale de sa solitude artificielle, neuf fois sur dix le citadin opte pour le café. L'arabica existe aujourd'hui dans le marché en Algérie, désormais, mais il coûte cher, sa qualité est aléatoire et son origine douteuse. Mais les snobs ne cherchent pas midi à quatorze heures, le robusta leur rappelle la case départ de leur destinée. Mais, bon, l'apprentissage dans la bonne manière gustative n'a pas d'âge requis, quand bien même le goût frotté à l'argent conserverait une espèce d'aigreur quelque part sous la langue ou au fond du palais. Et puis le petit déjeuner, en tête-à-tête avec soi, sera au café au lait, avec de la galette réchauffée dans le micro-onde.C'est idiot de ne pas adorer le progrès, à la pré-aurore, la musique dans le casque, et choisir ce qu'on veut dans Youtoube. Dans le sens de respecter le timing de la famille dormant, par le passé il fallait se résoudre à apprécier ses préférences par le recours à la mémoire, quand elle ne fait pas faux bond. Et elle trahissait rarement, parce que les contenus en texte et en musique ne se désolidarisaient pas de la constante artistique, tant est-il que la chanson reste gravée dans la conscience parmi les référents les plus sûrs, les plus rassurants.Et puis pourquoi pas cette merveille d' «El qahwa welatay» -Le café ou le thé- de cheikh Madani Torkmani el Moghrabi, interprétée par M'Rizek. Reprise plus tard par la grande majorité des chanteurs du chaabi, jusqu'à aujourd'hui. Les uns et les autres la jouent dans les différents modes d'interprétation, en mewal, sahli, zidane, sika ou ghrib, dans les rythmes jugés appropriés, du goubahi, berwali ou bourdjila.Selon d'anciens témoignages du vieil Alger, la Casbah en l'occurrence, M'Rizek aurait récupéré le texte du poème par l'intermédiaire d'un voyageur marocain débarquant d'un navire venu de Tanger, qu'il rencontre dans le port, à Bab Dzira. Le Tandajoui connaissait la qasida par c?ur et il savait même le contexte de son élaboration, inspirée d'une anecdote ayant eu lieu à Cordoue, du temps de la glorieuse Andalousie, la dernière année du premier millénaire. Dans la splendeur scientifique et culturelle de laquelle un cadi inébranlable veillait sur sa justice, du nom d'Umar Ibn Haq. Les habitants de Cordoue étaient, à chaque jugement rendu, stupéfaits par l'infaillible faculté du cadi de considérer les faits avant de prononcer la sentence. Dans aucune des affaires qu'il eût à traiter, jamais quiconque dans la cité avait pu remettre en doute la justesse de son argumentation sur les parties en conflit. Il était tellement coriace et précis, clairvoyant et concis dans ses appréciations avec les problèmes à régler avec les hommes qu'on s'amusait alors à imaginer des procès mettant en litige des bêtes, puis les choses dans les attributs de la vie courante, jusqu'à cette parodie des deux boissons chaudes les plus prisées par les contemporains. Le café et le thé, donc, qui se présentent devant lui, pour qu'il juge de sa puissance de discernement, qui des deux nobles breuvages avait le plus de mérite et de prépondérance.En attendant la foire du livre...Le poète de Fès, Cheikh el Madani Torkmani el Moghrabi, plus de huit siècles plus tard s'amuse à remettre d'actualité la subtile métaphore et en fait un poème. Dont on dit qu'il avait été chanté à son époque et dans le dix-neuvième siècle, mais de qui il ne nous est resté aucune trace, sinon l'engouement de M'Rizek de le mettre en musique et de l'interpréter tout au début de sa carrière ? repris par Zarbout tout de suite après. On a demandé à El Anka la raison de ne pas vouloir essayer sa version sur cette qasida. Le maître incontesté du chaabi n'a jamais répondu officiellement, mais d'après des dires il ne trouvait pas les paroles du texte à la hauteur de l'art (senaa) du chaabi.Rien n'empêche de mettre ensuite cheikh El Hasnaoui avant la première promiscuité dans la cuisine, sortant de la salle de bain, mais un lien dans un site parle du salon du livre à Alger. Le dix-neuvième depuis sa création, qui aura lieu du 30 octobre au 8 novembre. On lit, les responsables ont choisi cette tranche de temps pour faire coïncider beaucoup de choses. Climatiquement c'est «la période tempérée», historiquement, le soixantième anniversaire du déclenchement de la Guerre d'Algérie, religieusement, la fête d'El Achoura, pédagogiquement, les vacances scolaires et le profit de deux week-ends dans les dix journées de la manifestation. Ils ajoutent aussi la «disponibilité internationale» par la grâce du propice emploi du temps mondial des grands salons de prestige. Mais ils n'ajoutent rien de projeté sur le livre. Cet ennemi public de l'habitus culturel algérien. Qui a fait presque transformer son salon de l'an passé en campagne présidentielle pour le compte d'un auteur algérien de renommée mondiale, dont le dernier livre parle des singes. C'est-à-dire des Algériens, mâles, femelles, riches ou pauvres, honnêtes ou malfrats, patriotes ou renégats ? cruelle destinée vengeresse, il a tant signé de dédicaces dans ses livres sans avoir pu en obtenir la contrepartie nécessaire à son éligibilité électorale.L'appel à l'e-mail ne répond pas, la page revient au lien d'el qahwa welatay et il plait alors à l'esprit d'associer. Salon du livre étant, à la notion de café littéraire. L'illustrissime cadi de Cordoue a réussi à concilier les deux boissons en lutte d'hégémonie de prestige. Sa sagesse dit les rendre conciliables parce qu'elles font rencontrer les bonnes âmes et les esprits pertinents. L'Algérien est thé et café, même s'il les prend dans le gobelet mou. Mais littéralement le livre n'a jamais été sa tasse de thé.N. B.




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