Hier, au lendemain de l'effondrement de l'immeuble de 4 étages de la Basse-Casbah, non loin de la place des Martyrs, qui a fait 5 morts, les riverains ont commencé à affluer dès les premières heures par petits groupes face au bâtiment en ruine afin de se recueillir à la mémoire des victimes.Abdelhalim Benyellès - Alger (Le Soir) - Les plus jeunes sont minoritaires, car dans leur majorité, ce sont des habitants de la Casbah d'un certain âge venus s'enquérir de la veille. C'est dans un climat d'abattement et de tristesse que les présents discutent le drame. Une banderole fixée sur le lieu du sinistre en dit long : «Gloire la situation qui a endeuillé la ville Alger, fixant le lieu du drame, mais dans leur totalité portant un doigt accusateur en direction des pouvoirs publics, à savoir le maire et le wali d'Alger, comme étant à la source de la catastrophe. Au moment où l'immeuble effondré est fixé par les dizaines d'hommes et femmes abattus, sur le lieu du sinistre qui continue à menacer ruine, des débris fuient encore des dalles des 4 étages d'un moment à un autre. Derrière les grilles de sécurité installées à près de 10 mètres du danger, les discussions vont bon train. A titre d'exemple, l'on évoque la peinture récente de la façade du sinistre qui fait face à la mosquée, vraisemblablement à l'occasion d'une visite officielle.
Mais dans ce climat de désolation où aucune activité policière n'est à signaler, les présents s'interrogent sur la présence d'habitants dans cet immeuble coincé entre deux bâtisses abandonnées, sans locataires, car menaçant ruine. «Leurs occupants ont été délogés il y a de cela quelques mois», nous confie un vieux commerçant, mais à un autre qui réside non loin de là de répliquer : «Pour notre cas, ce sont les éternelles promesses et les éternels dossiers à fournir à l'APC» pour acquérir un logement neuf. Car, en réalité, la majorité des maisons de la Casbah menacent ruine. Pis encore, certaines le sont dans un état avancé. Ce qui fait dire à notre guide, ancien habitant de la Casbah, «d'habitude moi-même je ne tente pas de m'aventurer dans ces chemins de peur de finir sous les décombres».
Notre guide nous montre la maison de ses parents, dont l'entrée est obstruée par un mur en béton en raison de la chute mortelle d'une personne d'un balcon qui a cédé à l'intérieur, il y a de cela 8 mois. «Nous étions entassés à l'intérieur au nombre de 3 familles, et nous attendons à nos jours notre relogement», nous confie-t-il, avant de nous montrer le cas identique des deux commerces de la façade du lieu sinistré, fermés. Partout ailleurs, au fur et à mesure qu'on progresse sur les marches et pavé qui conduisent à la Haute-Casbah, l'état de délabrement est de plus en plus avancé. Des murs entiers sont inclinés, sous la force de l'âge, comme pour annoncer un effondrement imminent. Là, les commerces autrefois prospères chôment. «Mon commerce est ma raison d'être, je suis là juste pour marquer ma présence formelle», se lamente un commerçant d'électroménagers usagés.
Les maisons bétonnées, dont les habitants ont été délogés, sont peu nombreuses. Celles en ruine et abandonnées aussi. Et même si certains avancent la thèse de l'occupation des maisons vides par des indus, la supposition ne tient pas la route, car celles-ci sont inhabitables. Certaines d'entre elles sont soutenues par des poutrelles, en attendant, dit-on, de procéder à la rénovation de la Casbah. Chose que réfutent les habitants non sans véhémence.
«Nous voulons habiter dans des logements décents», s'accordent à dire les habitants, «et s'ils veulent réhabiliter la Casbah, qu'ils le fassent». Mais entre-temps, des vies humaines périssent. En témoignent ces pancartes brandies par des enfants dans la matinée d'hier, face au lieu du drame. «La Casbah détruite, le gouvernement absent», «El Bahdja en deuil», ou encore «Ce n'est plus des murs qui tombent mais du sang qui coule». Autant de réactions pacifiques mais qui incarnent la douleur des habitants de la Casbah en ces jours difficiles.
Des répliques pacifiques dans un climat de recueillement qui viennent se joindre à la réaction de tous les foyers de la veille, au soir du drame même, quand les femmes rappellent le deuil rituel de l'époque coloniale, par les bruits et chahuts provoqués par le retentissement des ustensiles de cuisine qui s'écoutent de très loin, comme pour faire entendre les gémissements de la Casbah millénaire.
A. B.
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Posté Le : 24/04/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdelhalim Benyellès
Source : www.lesoirdalgerie.com