Algérie

La campagne électorale, selon la Ligue des droits de l'homme



Absence totale de débats contradictoires, occupation médiatique disproportionnée du candidat Bouteflika par rapport au reste des candidats, notamment dans les médias lourds et dans la presse publique, absence quasi totale des boycotteurs des élections notamment à la télévision. Tel est le résultat préliminaire du monitoring de la couverture médiatique de la campagne électorale, réalisé par une quinzaine d'étudiants algériens, à la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH). Cette étude a été parrainée par un réseau d'organismes arabes des droits de l'homme, en étroite collaboration avec International Media Support.

Des monitorings du genre ont été déjà réalisés en Tunisie, au Liban, en Palestine, en Egypte et plus récemment au Yémen, en Syrie, au Maroc et à Bahreïn. «Une manière de dire qu'une campagne électorale doit obéir à des standards internationaux garantissant des élections libres et démocrates», a précisé Mostefa Bouchachi, président de la LADDH, hier, lors d'une conférence de presse animée au siège de la Ligue, à Alger.

Bouchachi a précisé qu'il s'agit là d'un résultat préliminaire et que le résultat final de cette étude sera rendu public après les élections, plus précisément au mois de mai prochain. Cette étude, a précisé le secrétaire général de la LADDH, Khelil Abdelmoumen, a été effectuée sur 11 titres de la presse écrites, parmi eux El Moudjahid, El Watan, Liberté, le Quotidien d'Oran, El Khabar, El Chourouk, ainsi que la télévision algérienne et la radio.

Sur la base de chiffres et sur analyse quantitative et qualitative de la matière médiatique traitée, il a été démontré que le candidat Bouteflika a eu la part du lion, avec 27,23% d'occupation d'espace médiatique. Alors que les boycotteurs n'ont eux que 1,72% d'occupation, «ce qui est très insignifiant pour maître Ali Yahia Abdenour», présent hier parmi les conférenciers. Le reste des candidats ont enregistré le même taux d'occupation de l'espace médiatique, entre 8 et 10%. Cette étude a fait également ressortir qu'il n'y avait pas assez de caricatures sur les élections (2%) et pas assez d'interviews (6%). Sur le plan qualitatif, l'analyse de la matière médiatique traitée a démontré que 73% des sujets médiatiques électoraux ont été traités avec le cachet positif, alors que la critique a été seulement de 14,1%. Autrement dit, absence flagrante de débats contradictoires mettant en relief la force des uns et la faiblesse des autres.

Au-delà de ces statistiques, le président de la ligue Mostefa Bouchachi a précisé, lors de son intervention, que les standards internationaux des élections existent et qu'une campagne doit plus ou moins se conformer à ces règles. Il a dans ce sens qualifié la campagne de «plaisanterie : ce n'est pas possible, on a injecté des milliards rien que pour les photos du candidat Bouteflika, partout à travers l'Algérie !». Il a ajouté que tout est joué d'avance : le candidat qui emportera les élections «a été connu le 12 novembre dernier, avec la révision de la Constitution ». Il poursuit : «Le terrain a été déjà nettoyé d'avance», regrettant le fait que «la démocratie ne cesse de régresser, et ce de 1992 à aujourd'hui». Il conclut en disant «qu'aujourd'hui, il y a un véritable (pas un fossé, mais un...) oued entre la classe qui gouverne et le peuple». Pour Ali Yahia Abdenour, «ces élections ne sont qu'une forme, le candidat sortant a été déjà élu le 12 novembre dernier». Et de s'interroger: «Des élections libres sont-elles possibles en Algérie ?». Avant de retracer l'ensemble des élections passées, pour dire que ce n'est pas le peuple qui choisit son président, mais c'est l'appareil militaire.

Enfin, les conférenciers se sont montrés très sceptiques quant au taux de participation. «Je ne pense pas que les citoyens vont voter le 9 avril», affirme Mostefa Bouchachi.

Les responsables de la LADDH se sont insurgés, par ailleurs, contre le refoulement par les autorités algériennes, à l'aéroport d'Alger, de Sihem Bensedrine, journaliste et militante tunisienne des droits de l'homme. Sihem Bensedrine, invitée par la LADDH, devait participer au programme de monitoring des médias, sachant qu'elle représente le groupe de travail arabe sur le monitoring des médias AWG-MM.




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