Algérie

La Bourse d'Alger pédale dans la semoule


La Bourse d'Alger pédale dans la semoule
A titre de comparaison, une cinquantaine d'entreprises sont cotées à la Bourse palestinienne contre 4 seulement à celle d'Alger.Les annonces portant sur la relance du marché financier et sur la modernisation du système en place se suivent et se ressemblent. Le sujet fait débat depuis le début du précédent quinquennat sans pour autant que la Bourse d'Alger ne sorte de sa léthargie. Le nouveau ministre des Finances, Mohamed Djellab, a même évoqué que la réforme du système financier est inscrite parmi les priorités du gouvernement. Cependant, cela tarde.Au lieu d'assister à l'accélération de l'entrée en Bourse des entreprises publiques, une dizaine proposée dans ce cadre, et à la mise en ?uvre du plan de relance annoncé à cet effet, les prémices jouent plutôt en faveur de la morosité. Un éventuel retrait de la Bourse d'Alliance Assurances en est un indice. Le fait que cette compagnie d'assurances, la première entreprise privée algérienne à être cotée en Bourse en 2010, lance un appel pour des solutions intermédiaires au manque de liquidité en n'écartant pas son retrait de la Bourse en cas de persistance de ce problème n'augure rien de bon pour ce marché.Surtout quand une autre société, nouvellement arrivée, en l'occurrence NCA Rouiba, sur la place boursière algérienne risque de suivre le même chemin pour les mêmes raisons. Et pour cause, les deux opérateurs, Hassan Khelifati et Slim Othmani, estiment que la réalité de la Bourse est loin de refléter la situation financière de leurs entreprises. En d'autres termes, du moins pour Alliance Assurances qui a dévoilé ses résultats financiers pour 2013, la croissance de l'entreprise ne profite pas aux actionnaires faute de liquidité sur le marché boursier.A titre illustratif, l'action d'Alliance Assurances qui valait 830 DA en 2010 a baissé jusqu'à 605 DA actuellement. Alors que la valeur des titres des entreprises devrait refléter leurs performances, puisque ce que les investisseurs attendent c'est non seulement un rendement mais également une appréciation de leurs titres. Comment expliquer une telle situation ' La sortie de la Bourse est-elle réellement la solution appropriée dans pareille situation 'Un marché «illiquide»Pour Mohamed Skander, consultant expert financier, fixer «le juste prix» des titres en Bourse devrait répondre à certaines conditions dans le cas où les acteurs disposent de toutes les informations pour connaître les flux de trésorerie actuels et estimer les flux de trésorerie futurs des entreprises cotées. Cependant, note-t-il, «cette hypothèse n'est vérifiée que lorsque le marché est liquide». «Par marché liquide, on entend un marché qui connaît un nombre de transactions suffisant pour qu'un acteur qui souhaite acheter ou vendre des titres puisse le faire sans difficulté.Plus le marché est liquide, plus la valeur fixée par le marché est proche du juste prix», explique-t-il encore. Or, dans le cas de la Bourse d'Alger, le nombre de transactions est trop faible «pour que les titres soient encore correctement valorisés», estime l'expert selon lequel Alliance Assurances et NCA Rouiba ne font «qu'essuyer les plâtres (car il faut toujours des premiers)». «C'est un risque qu'il faut saluer», relève M. Skander. Et d'ajouter : «Compte tenu de l'aspect symbolique de leur introduction en Bourse, il serait dommage qu'ils se retirent maintenant. Ces entreprises devraient plutôt contribuer, même si ce n'est pas leur rôle, avec l'aide des institutions, à créer une communauté d'analystes financiers capables de recommander l'achat ou la vente des titres aux investisseurs, privés et institutionnels, avec des notes de valorisation et ainsi stimuler les échanges.Combiné aux introductions en Bourse annoncées d'entreprises publiques, cela devrait favoriser la mise en place d'un marché liquide et d'opérateurs informés.» Justement, les investisseurs institutionnels ne semblent pas prêts à jouer ce jeu. D'où la nécessité d'encourager les intermédiaires en opérations boursières, mais surtout d'accélérer la modernisation du système financier comme promis régulièrement. Les experts sont d'ailleurs formels à ce sujet : «Les investisseurs institutionnels, que sont les banques et les compagnies d'assurances publiques, sont appelés à jouer le rôle de locomotive.» Il faudrait dans ce cas améliorer la gestion et le management des banques et des établissements financiers. Concernant ce chapitre, la dernière évaluation du système financier algérien élaborée par la mission conjointe du FMI et de la Banque mondiale, n'est guère reluisante.Verdict sans appel du FMILe rapport en question relève plusieurs anomalies, notamment la faiblesse de la concurrence au sein du secteur bancaire et l'insuffisance des règles de gouvernance à ce niveau. Ledit document va plus loin en parlant carrément «d'un environnement réglementaire complexe qui ne se prête guère au développement financier». Ce qui explique l'urgence de lancer un train de réformes à tous les niveaux, d'un côté, pour relancer le marché financier et de l'autre pour soutenir la diversification et la croissance économique. L'absence de transparence freine également l'alimentation du marché secondaire en Algérie en nouvelles valeurs mobilières.Mohamed Skander explique cette situation par le caractère familial des entreprises algériennes. «L'une des principales raisons d'une telle situation est le manque de séparation entre l'actionnariat et le management en Algérie. Beaucoup d'entreprises algériennes sont des entreprises familiales, où les familles détiennent à la fois le capital et le management de la structure », note M. Skander avant de poursuivre : «Dans cette configuration, ces actionnaires/managers ont un attachement très fort à la structure qu'ils ont créée et hésitent beaucoup à ouvrir leur capital par une introduction en Bourse. Une telle introduction signifierait une certaine perte de contrôle et beaucoup d'obligations en termes de gouvernance et de reporting.»Parallèlement, les grands détenteurs de capitaux agissent de plus en plus en financiers et commencent à accepter l'idée de partager le capital, et de choisir le meilleur management, selon notre interlocuteur, qui plaide pour la promotion des bonnes pratiques en matière de gouvernance. Une condition sine qua non pour réaliser les objectifs tracés en termes de capitalisation boursière fixée pour un montant de 10 milliards de dollars sur cinq ans contre 190 millions de dollars actuellement (14 milliards de dinars). Les autorités espèrent en effet avoir une quarantaine d'entreprises cotées pendant ce quinquennat à travers l'introduction de sept à huit sociétés par an.Algérie, mauvais élève de la régionIl reste donc à jouer sur l'ensemble des facteurs cités pour optimiser les chances de réussite de ce programme arrêté, pour rappel, dans le cadre du plan de relance (alors que le lancement a été timide) élaboré en 2011 avec l'appui du programme des Nations unies pour le développement (PNUD). En phase de mise en ?uvre, le plan en question vise essentiellement de hisser la Bourse d'Alger au plan régional. Car, les autres pays de la région Moyen Orient- Afrique du Nord dépassent de loin l'Algérie dans ce domaine.On note une capitalisation de l'ordre, par exemple, de 9 milliards de dollars en Tunisie et de 60 milliards de dollars au Maroc. Pour l'expert Mohamed Skander, il n'y a même pas lieu de faire une comparaison. «A Casablanca ou sur l'Egyptian Stock Exchange, les capitalisations dépassent les 40 milliards d'euros et les titres de centaines sociétés y sont échangés. Alors qu'à Alger, nous sommes sur une capitalisation qui se situe autour des 130 millions d'euros.Nous sommes donc sur des tailles incomparables. Même sur la bourse palestinienne, sur le marché des actions, une cinquantaine d'entreprises sont cotées, contre quatre à Alger», explique-t-il. «La rupture peut être très rapide en Algérie et je suis persuadé que l'introduction des titres de filiales des grands groupes publics sera le déclic. Suivront éventuellement les filiales des groupes internationaux, les entreprises privées algériennes et un jour, espérons-le, les sociétés innovantes à la recherche de capitaux», conclut-il sur une note d'optimisme.


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