Algérie

LA BOURGEOISE



Résumé : Des coups au portail de la maison tirent Mordjana de ses rêves éveillés. À sa grande surprise, c'est son beau-père, Aïssa, qui revenait. Elle tente de lui être agréable, malgré sa gêne, mais se heurte à ses ricanements. Le vieil homme lui révèle portant un secret : c'est lui qui devait l'épouser et non Samir.Elle sent une onde de chaleur remonter le long de son dos. Qui était-elle donc ' Un jouet ' Une monnaie ' Que s'est-il réellement passé '
Son père lui avait parlé de ce mariage par des phrases à peine audibles. Il avait insinué qu'elle allait épouser un homme jeune et instruit. Mais était-ce sa première intention, où est-ce Aïssa qui avait rétabli le jeu '
- Alors, tu ne dis rien '
Elle sursaute. Aïssa la regarde avec des yeux globuleux.
- Tu es trop silencieuse, Mordjana. Tu n'es pas contente d'être dans la famille ' Samir ne te plaît pas '
Elle allait répondre lorsque la porte d'entrée s'ouvre toute grande et Hasna fait son apparition. Elle jette un coup d'?il curieux à Aïssa, puis passe son chemin sans dire un mot. Profitant de cette intrusion providentielle, Mordjana la suit dans la cuisine. Elle décharge sa belle-mère des bouteilles de lait et des baguettes de pain qu'elle dépose sur la table.
Aïssa les suit. Hasna se débarrasse de son voile, avant de marmonner :
- Tu es enfin rentré '
Il bombe le torse.
- Oui. Je ne te plais pas '
Elle s'approche de lui et sent l'odeur du vin.
- Tu ne peux donc pas rester sobre une journée ' Une seule journée '
Il secoue la tête.
- Je t'assure que je n'ai pris qu'un verre. Heu...peut-être deux, pas plus.
Elle pousse un soupir.
- Un ou deux, c'est pareil. Tu as encore bu, Aïssa. Tu me répugnes !
Il se met à rire et fait un clin d'?il à sa belle-fille qui rougit, puis lance :
- Tu ne devrais pas dire ça, Hasna. Voyons, je suis ton mari. Et puis maintenant nous avons une belle-fille à la maison. Heu... tu ne m'as pas encore parlé d'elle, Hasna ' Comment la trouves-tu '
Hasna s'éloigne de lui et prend une baguette de pain qu'elle se met à découper en tranches pour les déposer dans une petite corbeille en osier.
- Alors, tu ne dis rien ' Mordjana est un beau brin de fille. Tu ne trouves pas '
Hasna continue de découper son pain. L'atmosphère est chargée d'électricité. Mordjana ne sait plus quoi faire. Elle voudrait se retirer dans sa chambre, mais c'était
compter sans le regard désapprobateur que lui jette de temps à autre sa belle-mère. Elle soutient ce regard un moment pourtant, mais finit par baisser les yeux et se retirer dans un coin de la cuisine. Aïssa continue son numéro. Il parle, gesticule, rit. Sa femme dépose sur la table de la cuisine des assiettes, une salade verte, du fromage, puis demande à Mordjana de servir, alors qu'elle réchauffe le ragoût de pommes de terre qu'elle avait préparé dans la matinée. Aïssa prend place autour de la grande table et tend son assiette d'un air espiègle.
- Sers-moi un peu de cette salade, Mordjana. J'ai si faim que je mangerai volontiers un mouton complet (il rit). Je sais que ma chère femme est un véritable cordon bleu. Hum... je sens déjà les délicieux relents de son ragoût. Allez, vite, donne-moi du pain que j'entame mon repas.
Il s'attaque à la salade, alors que Hasna dépose le plat de résistance sur la table et s'assied à ses côtés. Elle ne profère aucun son et indique simplement de son menton la corbeille de fruits qui trône sur le potager et que Mordjana alla chercher. La jeune femme est embarrassée. Devait-elle prendre son repas dans cette cuisine, auprès de ses beaux-parents, et subir les sarcasmes d'Aïssa, ou refuser de déjeuner et s'excuser pour s'éloigner au plus vite ' Pourtant, les gargouillements de son estomac lui indiquent qu'elle devrait penser à se nourrir convenablement. Le médecin lui a demandé de prendre soin de sa santé et de manger équilibré si elle voulait éviter les complications opératoires. Hasna l'invite du regard à s'asseoir. Tel un automate, elle s'exécute et prend son assiette pour se servir un peu de ragoût, qu'elle trouve d'ailleurs succulent. La sauce est légèrement épicée, ce qui relève le goût des pommes de terre et de la viande. À n'en pas douter, Hasna est une excellente cuisinière. Aïssa termine sa salade et tend son assiette. Mordjana se lève pour le servir. Mais Hasna l'arrête d'un geste et le sert elle-même. Il paraît surpris, mais ne dit pas mot. S'occupant d'engloutir à grands bruits le contenu de son assiette, il garde le silence jusqu'à la fin du repas, avant de roter bruyamment et de se lever en faisant tomber sa chaise. D'un geste prompt, il s'empare d'une orange et s'éloigne vers sa chambre sans demander son reste. Mordjana est offusquée. Elle repense aux dires de son beau-père et se demande si elle devait en discuter avec Hasna. Puis se rappelle des sous-entendus de ce dernier. Il avait peur de la réaction de sa femme si elle apprenait la triste vérité. Samir avait voulu sauver la face et s'était sacrifié. Il l'a épousée pour éviter un drame familial.

à suivre
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