Algérie

LA BOURGEOISE



Résumé : Samir et Mordjana font connaissance. La jeune fille peut enfin se détendre. Son mari semble si sincère et si préoccupé par son bonheur. Les circonstances de leur mariage étaient déjà une rude épreuve. Il veut donc l'aider à surmonter ses malheurs. Pour commencer, il lui propose de reprendre ses études ou du moins de suivre une formation.Elle hoche la tête.
- Nous sommes tous les deux les victimes d'un jeu de hasard.
- Oui, mais le hasard semble aussi avoir fait les choses comme il se doit. Tu es très sympathique, Mordjana. Je te trouve aussi très charmante.
- Moi '
Instinctivement, elle porte la main encore à sa joue.
- Arrête de te complexer, veux-tu '
- Tu vois bien que je n'ai pas un visage comme tout le monde, Samir.
- Je vois une belle femme aux grands yeux rêveurs, qui ne demande qu'à aimer et à être aimée. Une femme intelligente et ambitieuse. Je découvrirai sûrement d'autres trésors cachés en toi dans les jours à venir.
Elle veut répondre, mais il ne lui en laisse pas l'opportunité.
- J'aurais pu m'opposer à ce mariage, Mordjana. Je pouvais quitter la maison et disparaître dans la nature. Mais lorsque Malika m'a parlé de toi, j'ai battu en retraite. J'étais curieux de connaître cette fille au visage ravagé par une tache de vin. Ma mère n'était pas contente.
Pour elle, ma femme devrait être une beauté. Mais, vois-tu, c'est cette réticence qui a fait que je sois d'accord sur cette union rocambolesque. Nos pères respectifs pensaient s'en tirer en nous mariant l'un à l'autre. Nous étions la devise toute trouvée pour leurs "comptes". Seulement, le destin a fait que nous soyons ensemble en ce moment et que nous nous appréciions.
Mordjana sent les larmes rouler sur ses joues. Samir s'insurge :
- Pourquoi pleures-tu donc ' Tu es déçue '
Elle renifle et s'essuie les yeux avant de répondre :
- Je pleure de soulagement. J'appréhendais tant ce mariage. J'ai passé des jours et des nuits à te représenter. À nous représenter ensemble. Je me demandais si tu n'allais pas quitter la chambre nuptiale pour demander à ta mère de me reconduire chez moi dès l'aube.
Il l'attire contre lui et chuchote à son oreille :
- Je ne suis pas un ogre, Mordjana. Je suis un être sensible qui attend beaucoup de la vie. Je veux me sentir moi aussi aimé et heureux dans mon ménage.
- Je ferai de mon mieux pour exaucer tes v?ux.
- Je n'en doute pas, Mordjana. Heu... je veux te proposer quelques chose.
- Quoi donc '
- Dans quelques jours, nous irons rendre visite à un de mes amis. Il est spécialisé dans la chirurgie esthétique. Tu sais ce que c'est '
Elle hoche la tête.
- Oui. C'est un chirurgien qui travaille sur la peau, les rides et qui rend le sourire à ceux qui ont des cicatrices sur le corps et le visage. Les accidentés, les grands brûlés.
- Oui. C'est un peu ça. J'ajouterai qu'il va jusqu'à raccommoder des membres.
Il se passe une main sur le visage avant de poursuivre :
- J'aimerais qu'il te voit. Il... il va sûrement pouvoir faire quelque chose pour cette tache de vin qui te préoccupe tant. On dirait aussi que tu as besoin d'un psychologue pour t'aider à t'accepter telle que tu es et à affronter le monde sans crainte ni honte. Quelques séances te feront le plus grand bien. Sans vouloir blesser ta sensibilité, Mordjana, j'aimerais t'aider à retrouver une certaine confiance en toi afin de vivre comme tout le monde.
Samir s'arrête de parler et la contemple. Son voile de mariée traîne maintenant sur le sol à ses pieds, et elle a terminé de boire son thé et de manger son gâteau. Chose qu'elle s'était cru incapable de faire il y a à peine quelques heures.
Elle relève la tête et regarde Samir dans les yeux, avant de lancer d'une voix émue :
- J'ai dû sûrement faire une bonne action dans ma vie pour te rencontrer, Samir.
- Et moi, je dois une fière chandelle à nos pères respectifs pour nous avoir permis de nous unir.
Il se met à rire.
- Quelle ironie ! Je pensais que ce "troc" entre eux était la chose la plus vile qui pouvait arriver à deux êtres comme nous, mais ne voilà-t-il pas que nous nous découvrons comme de vieux amis restés longtemps séparés '
Mordjana ne répond pas. Elle se pince très fort, pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas. Tout à l'heure, alors qu'elle faisait son entrée dans sa nouvelle famille, elle s'était sentie comme happée par une force contraire, qui l'exhortait à remonter dans le véhicule qui l'avait ramenée, pour rentrer chez elle.
- Tu ne dis rien, ma chérie '

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