Algérie

La bonne gouvernance, une responsabilité impliquant le partage



La bonne gouvernance, une responsabilité impliquant le partage
L'Etat républicain peut être défini comme étant le gouvernement d'un peuple vivant en République. Il est administré par des gouvernants élus (autorité politique) et des fonctionnaires gouvernants (autorité administrative). Et comme la désignation de ces gouvernants n'obéit pas aux mêmes processus ni ont forcément les mêmes objectifs, il est établi que l'Etat ne peut donc être un corps homogène, mais plutôt «un espace où se développent et où coexistent des cultures et des logiques institutionnelles quelquefois différentes», voire opposées. Aussi, pour que l'Etat fonctionne et se maintienne, est-il nécessaire que les forces en présence s'accordent sur un partage des pouvoirs pour préserver l'unité du peuple qu'elles gouvernent et la cohésion nationale, qui implique également le respect des minorités existantes. À ce titre, l'Etat doit être légitimé par la masse populaire qu'il dirige. C'est ainsi et seulement ainsi qu'il pourra construire une nation sur les bases d'«un passé commun, un présent commun et un désir de vivre ensemble demain, ??c'est un plébiscite de tous les jours''», écrit le philologue, philosophe et historien français Joseph Ernest Renan (1823-1892). Or, pour que ce plébiscite soit permanent et sustente la légitimité de l'Etat, toutes les actions qui menaceraient la cohésion nationale, «le vouloir vivre ensemble», doivent être neutralisées, par l'Etat lui-même, qui a la légitimité de la violence. Les menaces doivent être donc identifiées, cernées et/ou dénoncées. Pour ce faire, il est nécessaire que l'Etat accepte de remettre en question l'opportunité de ses actions, choix et décisions, comme il doit accepter de les voir remis en question, librement, sans contrainte.C'est là qu'interviennent les nécessaires contre-pouvoirs, qui, avec la séparation des pouvoirs, fondent l'Etat moderne.Pour le philosophe et historien français Elie Halévy (1870-1937), l'idée de contre-force s'inspire de la nécessité d'institutions destinées à affiner la pensée et l'action des hommes, à les obliger à comprendre ce que pensent les autres. «L'Etat libéral est un Etat dont l'on peut dire, à volonté, qu'il est un Etat sans souverain, ou qu'il renferme plusieurs souverains [...]. L'Etat radical, au contraire, tel que le définit l'utilitarisme de Bentham est un Etat qui confère la souveraineté au peuple ; après, le peuple se trouve contraint de déléguer un certain nombre de fonctions politiques à une minorité d'individus... non pas pour limiter lui-même sa puissance, pour abdiquer en partie sa souveraineté, mais pour rendre au contraire plus efficaces et plus concentrées l'expression, puis l'exécution de ses volontés. Le problème est alors d'éviter que les représentants du peuple dérobent à ceux qui les ont constitués tels, tout ou partie de leur souveraineté. D'où la nécessité de trouver des "contre-forces" capables de "tenir en échec" l'égoïsme des fonctionnaires», conclut-il. Robert Alan Dahl, (1915-2014), professeur émérite de science politique à l'Université Yale, considère, lui, l'Etat est, tout à la fois, «une arène neutre pour des intérêts en conflits» et une organisation elle-même traversée de conflits d'intérêts entre ses différents départements ou agences. Cette organisation est ainsi le produit d'un constant marchandage entre groupes qui ont tous un moyen de pression sur l'Etat.En clair, un Etat qui ignore les forces qui le plébiscitent, le légitiment, l'empêchent d'outrepasser ses missions et constituent donc son socle, ne peut que sacrifier le «vouloir vivre ensemble» pour quêter les équilibres qui lui permettront, grâce aux marchandages, de se maintenir. Evidemment, il appartient également à ceux qui sont censés porter la critique et/ou remettre en question les choix et les décisions de l'Etat. Mais pour assumer pleinement ce rôle, il faut se garder de reproduire les schémas qu'on dénonce ou, pis, intégrer un système avec la prétention avouée de le changer de l'intérieur. Car, au final, on n'aura rien fait d'autre que renforcer l'organisation dans sa démarche et contribuer à sa pérennisation.H. G.




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