Algérie

La belle époque !



Un jour alors qu'il sort prendre un café, mon voisin me sourit. Ce dernier a cette drôle d'habitude de ne sourire que quand il joue aux dominos. En tirant une bouffée de sa cigarette, il plisse si fort les yeux que ses mâchoires se serrent, comme pour se concentrer, dire quelque chose d'important. Puis, refaisant vite une nouvelle distribution de dominos sur sa table, il relâche une fumée ayant un délicat parfum d'histoire. Chaque cigarette apporte un souvenir de l'époque. Mon voisin est, en effet, un bavard utile. Ancien routier à la retraite, il connaît sur le bout des doigts tous les coins de l'Algérie et, à chacune de nos rencontres, il tire de son chapeau tel un magicien doué, un paquet de vieilles anecdotes, comme des petits bouts de papier pliés dans sa poche en de multiples carrés dont les bords étaient effilochés.«En 1982, me raconta-t-il, j'étais à Tighennif (Mascara), au volant de mon camion. J'écoutais la radio, et au sifflet final de l'arbitre, lorsque l'équipe algérienne a battu les Allemands au Mondial, j'ai sauté de joie. Je fus d'ailleurs si heureux que j'avais dû abandonner mon véhicule avec la clé de contact sur le bas-côté de la route, courant vers un café tout proche pour partager ma liesse avec une poignée de fêtards qui s'y trouvaient. J'ai senti comme des ailes me pousser sur la tête, car la Mannschaft ayant trop sous-estimé, avant même le début du match, la qualité du jeu des nôtres, a eu la défaite qu'elle mérite ! A l'époque, il n'y avait pas trop de télévisions, ni de téléphone mobile ni d'internet et seul le bouche-à-oreille faisait son effet. Et pourtant, toutes les rues de la ville étaient noires de monde. On dansait, on chantait, on criait, en se tenant la main, exaltés sous le slogan de «one two three, viva l'Algérie!»
Mon voisin, les yeux à présent larmoyants, commence à regretter cette époque de la grande fraternité, lui qui n'a jamais digéré le fait que les coéquipiers de Belloumi soient éjectés, très tôt, du Mondial par un simple jeu de magouilles entre les grandes équipes (la RFA et l'Autriche se contentent, pour rappel, de petites passes inoffensives, en deuxième mi-temps, après le but inscrit rapidement par les Allemands, pour garantir l'élimination de l'Algérie), le tout facilité par la complicité officielle. La FIFA, en premier lieu, qu'il qualifie, à l'instar de son chanteur préféré Manu Chao de «Gran ladron» (le grand bandit). «Ah! Lakhdar Belloumi, rit-il à gorge déployée, une légende de foot, sans conteste ! ça reste pour moi le meilleur joueur de tous les temps. Même la star Pelé n'est rien devant lui!» «Pelé, le Brésilien !» m'exclamai-je. «Oui! Crois-moi, mon fils, que notre Belloumi mérite le ballon d'or, parmi les grands du foot de ce monde...».


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