Algérie

La bataille perdue de l?agriculture



Constater les dégâts puis tenter de les justifier, en tentant de tirer son épingle du jeu, c?est l?exercice auquel s?est livré hier Abdelaziz Belkhadem. Il n?a pas jugé utile de s?expliquer sur la lenteur de sa réaction devant la crise des produits alimentaires de base. N?était-il pas tenu, de par sa fonction, d?agir vite et fermement, dès l?apparition du problème, et surtout de le prévenir ? La crise a surgi tout au début de l?été, au grand dam des citoyens, et ses prémices apparues bien avant. Le chef du gouvernement a vu essentiellement l?action néfaste des spéculateurs dans les dérèglements du marché. Certes la nocivité de ces derniers est bien réelle mais loin d?être inédite et exclusive. La question de fond qui aurait mérité d?être soulevée est qu?a fait l?Etat pour contrer les spéculations. Pourquoi avoir autorisé l?importation massive de chambres froides sans la mise en place préalable des instruments de leur contrôle ? Pourquoi l?Etat s?est désengagé de la fonction stratégique de régulation ? En réalité, c?est l?abandon de celle-ci qui a permis aux forces maffieuses d?agir et d?accaparer l?essentiel des leviers de la commercialisation, voire de la production agricole. Force est de constater que les pouvoirs publics ont perdu la bataille devant les intermédiaires, ne disposant plus que de solutions de replâtrage tel le recours massif aux importations dont il est connu qu?elles servent davantage à l?obtention de la paix sociale qu?à la guérison du mal. La caricature de cette impuissance de l?Etat est l?appel lancé par Abdelaziz Belkhadem aux spéculateurs pour « faire preuve de patriotisme » et « avoir peur de Dieu ». Riposte par l?incantation et par la morale à défaut d?une stratégie politique. Plus fondamentalement, c?est la guerre de l?agriculture qui a été perdue par l?Etat. Censée depuis trois à quatre années assurer une bonne part de l?autosuffisance du pays du fait des sommes colossales qui y ont été injectées via le PNDRA au début de la décennie, l?agriculture algérienne n?arrive qu?à servir d?appoint aux importations. Et celles-ci sont dangereusement en train de pousser à la hausse sous le double effet de la crise de la production alimentaire mondiale et de l?augmentation de la demande interne. Près de quatre milliards de dollars vont à la facture alimentaire sans pour autant que la ration alimentaire de l?Algérien s?améliore qualitativement. Les céréales constituent la base de sa nourriture, appauvrie en viandes, légumes et fruits. Les maladies liées à la malnutrition font des ravages auprès des couches de la population les plus fragiles. A ce jour, aucun débat de fond n?a eu lieu sur cette lancinante question comme si elle n?avait aucun intérêt. Mais n?y a-t-il pas plutôt, quelque part, volonté de ne pas déranger l?ordre des choses et de préserver le statu quo, au profit précisément de la spéculation, au sens large du terme ? D?énormes intérêts financiers sont liés à l?agriculture et c?est dans ce secteur que sont brassés des milliards. Deux victimes en rade, le consommateur bien entendu et le fisc qui voit passer sous sa barbe des sommes colossales.


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