Algérie

La Banque mondiale fixe les règles



La Banque mondiale fixe les règles
Changement de paradigme dans l'enseignement tertiaire : amélioration de la gouvernance et de la qualité pour la compétitivité et l'employabilité».L'intitulé de la 5e conférence régionale MENA sur l'amélioration de la gouvernance et de la qualité de l'enseignement supérieur est claire. Il s'agit tout bonnement d'une volonté de refonte globale aussi bien des objectifs que du fonctionnement du secteur dans les pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA).D'après le communiqué du Centre pour l'intégration en Méditerranée (CMI) ? coorganisateur de l'évènement avec le ministère de l'Enseignement supérieur, la Banque mondiale et d'autres experts internationaux et partenaires, notamment le British Council, l'Unesco et l'Association des universités arabes ? l'idée d'un programme pour l'assurance qualité et la gouvernance universitaire est né suite au Printemps arabe de 2011 qui a, selon la Banque mondiale, «attiré l'attention internationale sur les frustrations et ressentiments présents dans plusieurs pays dans lesquels les citoyens ont protesté et manifesté contre la pauvreté, le chômage et d'autres problématiques sociales (?).Paradoxalement, dans la région MENA, l'accès à l'enseignement supérieur s'est considérablement amélioré, mais dans le même temps, le chômage des jeunes reste le plus élevé dans cette région par rapport au reste du monde, même pour ceux qui détiennent un diplôme de l'enseignement tertiaire», note le CMI. Ainsi, pour les experts internationaux, particulièrement ceux de la BM, le coupable du malaise est tout désigné.Le mal est dans l'inadéquation de l'enseignement des pays étudiés avec les secteurs productifs. Il s'agit donc bien de l'université. Et la cause principale de ce déphasage résiderait, à bien comprendre les propos des différents intervenants lors de cette conférence ?entre autres l'économiste en chef pour la région MENA de la Banque Mondiale, Shantayanan Devarajan ? à la «démocratisation» de l'accès à l'enseignement tertiaire ainsi que sa gratuité. «L'éducation gratuite n'offre pas d'incitation pour améliorer la qualité de l'enseignement. Si l'étudiant ne paye pas ses études, l'université ne lui sera pas redevable.Donc l'étudiant est moins exigeant envers lui-même ou par rapport à la qualité de l'enseignement», développe l'expert de la BM, qui préconise toutefois l'instauration de bourses ciblées pour les étudiants pauvres comme mesure d'équité. Il est dit que la gratuité d'accès à l'enseignement supérieur profite à hauteur de 30% aux riches.«Il ne faut pas oublier que la Banque mondiale est d'abord une banque. Il y a toujours ce côté pécunier», a lancé le ministre de l'Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, lors de la conférence de presse organisée en marge de la rencontre, pour dire que cet aspect financier est pris en charge par l'Etat, en rappelant qu'un étudiant algérien coûte dans les 200 000 DA.Sans écarter totalement l'idée de l'inscription payante dans les universités, le ministre révèle que des approches sont en cours d'étude pour trouver une solution intermédiaire, à l'image de ce qui se fait pour les bourses accordées aux étudiants et qui varient selon la situation financière des parents.Ainsi, au-delà de cette question centrale du financement des établissements d'enseignement supérieur, d'autres, relatives à la gouvernance, à la pédagogie ainsi qu'à l'intégration dans les autres secteurs socioéconomiques, sont mis à l'index avec pour objectif central l'employabilité des diplômés. Il est vrai que l'accroissement important de la population universitaire dans les pays MENA commence à peser lourdement sur la qualité des formations et remet en doute la qualité du «produit» universitaire, souvent déprécié par les acteurs socioéconomiques.Pour l'Algérie par exemple, en termes de chiffres, Tahar Hadjar rappelle qu'entre 2000 et 2015, le nombre d'étudiants a connu une hausse de 289%, passant de 429 000 à 1,5 million d'inscrits. Le nombre de diplômés de l'université a quintuplé durant cette période, passant de 52 800 à 271 000 par an. Ce qui a engendré non seulement une dévalorisation des diplômes universitaires, mais également une baisse de qualité indéniable. «On dit qu'on est en train de produire des diplômés qui sont certes bien formés sur les aspects techniques et théoriques, mais sur l'aspect opérationnel, ils ne servent à rien», déclare le ministre.Pour remédier à cette défaillance en matière de modèle pédagogique, Mourad Ezzine, manager au CMI, souligne qu'«il faut aller vers une nouvelle pédagogie. On peut former un bon ingénieur à l'université, mais les employeurs cherchent en plus de l'expertise technique, l'esprit critique, la capacité de travailler en équipe, celle de s'intégrer dans un groupe multidisciplinaire : le soft skills. Pour cela, la nouvelle approche consiste à faire travailler les étudiants ensemble sur des projets d'étude. Dans certaines universités, il n'y a carrément plus de cours magistraux. Les étudiants sont formés plus dans les études de cas concrets».Pour revenir au défi lancé dans l'assurance qualité et la gouvernance universitaire, le programme de la BM et du CMI fixe trois projets, à savoir : l'amélioration de la gouvernance universitaire, la recherche de la pérennité financière et l'internationalisation de l'enseignement tertiaire. D'après le ministre de l'Enseignement supérieur, 22 universités algériennes ont souscrit à ce programme. «En fait, chaque université devra répondre à des séries de questions relatives à cinq volets à savoir : la qualité, le management, l'ouverture de l'établissement sur son environnement, l'audit et le financement.A travers ces repères, les établissements pourront voir quels sont les aspects à corriger et pourront évaluer leur positionnement par rapports aux autres», instruit Hadjar. Dans la forme, ce programme conduit par la BM s'assimile à une mise à niveau du secteur de l'enseignement tertiaire dans la région MENA. Mais sur le fond, cela ressemble bien à l'instauration d'une nouvelle hégémonie globalisante d'un système d'éducation né dans les pays anglo-saxons, le très controversé LMD. «L'enseignement aussi a tendance à se globaliser», lâchait au début de la conférence Tahar Hadjar.Sauf qu'au-delà de la problématique de la gestion du flux, rendu capitale par la démocratisation de l'accès aux études supérieures, il ne faut pas oublier que l'université est totalement dépendante de son environnement immédiat. Son rôle est tributaire aussi bien des secteurs socioéconomique que politique locaux. «Souvent, on a tendance à blâmer les universités pour l'inadéquation des formation dispensées. Mais lorsqu'on découvre le contexte local, notre jugement est remis en cause», assène Francisco Marmojelo, représentant de la Banque mondiale.


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