La Banque d'Algérie était déjà la cible des
critiques des patrons. Laxiste pour les uns, trop prudente pour les autres,
surtout assujettie aux humeurs politiques changeantes aux yeux de tous. La
crise du dinar qui enfle sur le marché parallèle a délié un peu plus les
langues. L'explosion des transactions de devises au noir appelle une réaction.
L'institut d'émission a surtout «brillé» par l'application zélée du Credoc,
machine à renchérir euro et dollar.
Le différentiel de taux de change entre
marché officiel et marché parallèle est passé à près de 40% ces dernières
semaines en Algérie avec la parité moyenne de un euro pour 140 dinars. C'est le
différentiel le plus important de la zone euro-méditerranéenne à l'exclusion de
celui de Ben Guerdane dans le Sud tunisien où le dinar de la Libye en guerre
s'échange avec un écart avec son taux officiel plus grand que celui d'Alger.
Une économie souterraine alimente le marché de change parallèle. Elle a agrandi
sa part dans les transactions de devises depuis un an, et sa croissance
s'accélère. La capacité de traitement du marché noir de la devise se compte en
dizaine de milliards d'euros par an «peut être l'équivalent en dinars et en
devises de 50 milliards d'euros changent de mains durant une année» estime un
vieux cambiste du square Port Saïd à Alger. Cette situation risque de durer. Au
nom de «la stabilité politique» du pays, l'extinction du marché parallèle de la
devise n'est pas pour demain, a implicitement admis le Premier ministre Ahmed
Ouyahia lors de son dernier passage à la télévision. La responsabilité de la
Banque d'Algérie paraît dégagée a priori dans ce dossier.
En réalité non. Une grande partie de
l'approvisionnement du marché parallèle du dinar provient de devises qui ont
échappé à la vénérable institution. L'ordonnance 96-22 du 9 juillet 1996
modifiée en février 2003 sur la répression de l'infraction de change assigne à
la Banque centrale et à la Douane les missions de contrôle et de suivi des
opérations de rapatriements de devises. Pour nombre de transactions, la Banque
d'Algérie n'a pas obligé ces exportateurs au rapatriement des devises tirées
des ventes, ajoute la source douanière. Des sources concordantes font état
d'abord de transferts illégaux de capitaux par la sous déclaration des montants
exportés sans que l'institut d'émission ne réagisse. Cette défaillance de la
banque des banques est illustrée à travers le non rapatriement massif de
devises émanant d'opérateurs qui se sont investis particulièrement dans les
exportations illégales de marchandises. «On enregistre actuellement un
phénomène sérieux d'exportation illégal de liège, de dattes, de cuir, de
déchets de papiers, de déchets ferreux et non ferreux», confie un responsable
du secteur financier. Une partie de ces marchandises est déclarée. Pour une
bonne portion, les devises tirées de ces exportations ne sont pas rapatriées au
terme des 90 jours exigés, rapporte une source douanière. Des sommes
considérables en euros tirées de ces trafics alimentent – sans même revenir
physiquement en Algérie - le marché parallèle de la devise mieux rémunérateur
en euros.
Le change légal attend depuis… 1997
Le grand grief que font les opérateurs
économiques à la Banque d'Algérie est cependant ailleurs. Si le marché
parallèle est très approvisionné par des devises qui lui échappent il devrait
aussi trouver une inflexion de la parité favorable au dinar à cause de la
disponibilité de l'euro en particulier. Or c'est l'inverse qui se produit. D'où
la nécessité d'une réforme urgente de la politique de change. La Banque
d'Algérie est immobile sur ce dossier. Lors du dernier Think Tank de Liberté,
Réda Hamiani, le président du Forum des chefs d'entreprise, s'est alarmé de
l'importance que prend le marché noir de la devise. Il a appelé à l'institution
d'un mécanisme de couverture du risque de change et l'ouverture de bureaux de
change autorisé pourtant depuis 1997. Cette doléance du patronat remonte à
plusieurs années.
La Banque d'Algérie n'a toujours pas apporté de réponse à ces
revendications. Faute de mécanismes de couverture, ces pertes de change subies
par le chef d'entreprise sont finalement répercutées sur le prix du produit
vendu au consommateur. Du coup, elles alimentent l'inflation dont le marché
anticipe déjà une hausse en 2011. Toute la responsabilité de la crise du «dinar
parallèle», ne peut, bien sûr pas, être endossée par la Banque d'Algérie.
L'obligation par la LFC de 2009 du recours unique au crédit documentaire comme
moyen de paiement des importations a relancé le recours aux devises au noir
pour des milliers de PME. En effet, les délais de la lettre de crédit, l'obligation
de verser une avance pour fixer une commande, ou lancer la production d'un
produit destiné à l'importation, font passer par le marché au noir ces PME.
«J'achète environ 30% de mes dollars sur le marché parallèle pour ne pas rater
les bonnes affaires que j'obtiens en Chine. Je perdrais mon fournisseur et les
prix obtenus si je devais attendre le Credoc» reconnaît un chef d'entreprise
d'assemblage dans l'électroménager à Oran. Pas de responsabilité de la Banque
d'Algérie ? L'institut d'émission a tenté de durcir un peu plus les conditions
du Credoc en décembre dernier. Au nom de la lutte contre l'endettement de court
terme, l'institution a instruit les banques commerciales de renoncer à fournir
à leurs clients des lettres de crédit à six mois d'échéance, un mécanisme qui
donne un peu d'air à la trésorerie des entreprises algériennes. Il a fallu un
recours auprès du président de la République pour annuler ce courrier zélé qui
allait jeter encore plus de PME dans les bras du marché parallèle des devises
creusant ainsi un peu plus la chute du dinar.
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Posté Le : 05/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salim Dali
Source : www.lequotidien-oran.com