Algérie

La Banque d'Algérie défend sa gestion «non politique» de la valeur du dinar


Dans les discussions très animées sur la valeur du dinar qui agitent la scène économique nationale depuis plusieurs semaines, le principal mérite de la Banque d'Algérie est certainement de ne pas avoir esquivé le débat. Elle est revenue sur les accusations de dévaluation qui ont mis à mal dix années de stabilité du dinar obtenue grâce à une recette du «flottement dirigé» qui aspire à se soustraire aux injonctions supposées de l'exécutif.

Le rapport sur la conjoncture économique et financière au deuxième semestre 2011 rendu public de façon relativement précoce vers la mi-février contenait déjà des développements détaillés et une réponse chiffrée aux accusations formulées depuis le début de l'année sur une «dévaluation» du dinar réalisée en catimini. Les interventions publiques du Gouverneur et plus récemment d'un de ses plus proches conseillers sont également révélatrices de la sensibilité des locataires de la Villa Joly sur les thèmes qui relèvent de ses compétences propres comme la valeur de la monnaie nationale mais également sur celui, récurrent, et contenu en filigrane dans les débats récents, de l'indépendance de la Banque d'Algérie à l'égard des injonctions présumées de l'exécutif.

 Sur les chiffres, les représentants de la Banque centrale ont beau jeu de démontrer que l'évolution de la valeur du dinar au cours des dernières années est en fait caractérisée essentiellement par sa stabilité par rapport aux monnaies des principaux partenaires commerciaux de l'Algérie. Une constatation particulièrement vérifiable par rapport au dollar. En 2002, la monnaie américaine valait 79 dinars, elle en vaut 74 aujourd'hui. Sur la même période, il y a bien dépréciation du dinar par rapport à l'euro mais cette dernière épouse en fait celle du dollar par rapport à la monnaie européenne en l'atténuant fortement. A court terme, on n'observe en revanche pas vraiment d'évolution significative. Sur une année, la Banque d'Algérie relève, à fin 2011, un dinar en hausse de 2% par rapport au dollar et en baisse de 3% par rapport à l'euro. A plus court terme encore, le dinar s'est même renforcé aussi bien par rapport au dollar que vis-à-vis de l'euro. C'est le cas, comme le signale encore la Banque d'Algérie, pour la moyenne du dernier trimestre de 2011 par rapport à la même période de 2010. Les valeurs enregistrées en ce début d'année 2012, de l'ordre de 106 dinars pour un euro, sont également très proches des 105 dinars pour un euro enregistrés en avril et mai de l'année dernière.

UNE GESTION «TECHNIQUE» DE LA VALEUR DE LA MONNAIE

Au delà des chiffres, la rapidité de la réaction de la Banque d'Algérie peut s'expliquer d'abord par le fait qu'il n'y a effectivement pas eu de dévaluation, mais surtout par le fait que, contrairement à une idée admise, cet instrument n'a pas du tout été utilisé de façon délibérée par les autorités financières algériennes au cours de la dernière décennie. Au cours de cette période, les variations de la valeur du dinar s'expliquent en quasi-totalité par la volatilité du cours de l'euro par rapport au dollar et à son impact sur le «panier de monnaie» qui sert à déterminer la valeur administrée du dinar dans le but précisément d'atténuer les effets de cette volatilité.

 Le «flottement dirigé» du dinar inspiré par la doctrine des institutions financières internationales a donc surtout favorisé, depuis plus d'une décennie, la stabilisation de la valeur du dinar. On pourrait même sans doute ajouter que la recherche de «l'équilibre du taux de change effectif réel» associé à cette gestion de la monnaie nationale n'a enregistré que partiellement les différentiels d'inflation avec nos partenaires commerciaux qui auraient pu se traduire par une dépréciation plus marquée vis-à-vis de l'euro en particulier.

Cette doctrine appliquée depuis la fin des années 90 et fortement appropriée par le staff dirigeant de la Banque d'Algérie a contribué à alimenter au sein de l'institution la conviction que la gestion de la monnaie nationale obéit à des mécanismes essentiellement «techniques» et sans ingérence notable du politique. C'est sans doute également le sens qu'il faut attribuer aux dénégations opposées au concept et à l'usage du mot «dévaluation» qui impliquerait précisément un choix fort de politique économique remettant en cause cette démarche et cette méthode.

DES PATRONS PRODUCTEURS OU IMPORTATEURS ?

Un choix qui pourrait être imposé dans un avenir difficile à déterminer mais de façon quasi inéluctable par la croissance apparemment irrésistible des importations algériennes dont le dernier rapport de la Banque d'Algérie confirme qu'elles ont dépassé au total en 2011 la barre des 56 milliards de dollars réparties entre plus de 44 milliards de marchandises et près de 12 milliards au titre des importations de services. Une situation qui inspire d'ailleurs à certains cadres de la Banque d'Algérie des commentaires désabusés à propos des positions défendues par les représentants du patronat algériens qui ont été par la bouche de M. Reda Hamiani, les premiers à tirer, assez imprudemment, la sonnette d'alarme sur une présumée dévaluation du dinar. Position jugée paradoxale de producteurs nationaux qui devraient se féliciter d'un coup de pousse donné à leur production par rapport aux produits importés et semblent avoir au contraire désormais intériorisé les réflexes propres aux opérateurs de la revente en l'état.


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