Les 186 pays ? dont l'Algérie ?, qui ont ratifié la Convention des Nations unies contre la corruption, se réunissent à partir d'aujourd'hui, et jusqu'au 20 décembre 2019, à Abou Dhabi, pour faire le point sur l'application des programmes de prévention de ce fléau. L'Algérie risque encore d'y envoyer une trop nombreuse délégation ? une dizaine de hauts fonctionnaires ?, une des plus fortes en nombre?Pour rappel, l'Office des Nations unies contre le crime et la drogue (Unodc) dont le siège est à Vienne, a piloté, de 2001 à 2003, le processus de rédaction de la Convention des Nations unies contre la corruption, Uncac selon l'acronyme anglais. Le 15 décembre 2000, sous l'égide des Nations unies, 124 pays sur les 148 représentés ont signé une convention contre la criminalité transnationale organisée. L'Uncac adoptée en 2003, est entrée en vigueur en décembre 2005. A ce jour, 140 pays l'ont signée et 186 l'ont ratifiée, dont l'Algérie. Ce texte vise à lutter plus efficacement contre les mafias en renforçant la coopération entre les Etats et en harmonisant leur législation. Parmi les engagements contenus dans le document, on note : «Incriminer la participation à un groupe criminel organisé, le blanchiment d'argent, la corruption et l'entrave au bon fonctionnement de la justice.» Ces quarante dernières années, les Nations unies ont adopté de nombreuses résolutions et recommandations contre la corruption. Il faut rappeler la résolution 3514 de l'assemblée générale, en date du 15 décembre 1975, dans laquelle l'assemblée condamnait, entre autres, toutes les pratiques de corruption, y compris les actes de corruption commis par des sociétés transnationales. La convention rend obligatoire, pour les Etats qui l'auront ratifiée, l'incrimination (si ce n'est pas déjà le cas) d'un certain nombre d'agissements, et notamment de la corruption active et passive d'agents publics, nationaux ou étrangers. Devront également être incriminés les détournements par des agents publics, le blanchiment du produit d'un «éventail le plus large d'infractions principales» (y compris bien entendu la corruption), l'entrave au bon fonctionnement de la justice. En revanche, l'incrimination d'un certain nombre d'agissements n'est qu'optionnelle.
L'Algérie a fait une très mauvaise transposition interne de cette
Convention Une fois ratifiée ? l'Algérie l'a fait en 2004 ?, les pays ont été amenés à transposer cette Convention des Nations unies en droit interne. Le contenu de la loi du 20 février 2006 traduit l'absence de volonté politique à lutter réellement contre la corruption. Elle contient de nombreuses insuffisances et des «omissions» par rapport à la Convention des Nations unies. Donnons quelques exemples. Au sujet de la notion de déclaration de patrimoine ? il faut souligner la décision des députés en janvier 2006 de supprimer l'ex-article 7 qui prévoyait la déchéance du mandat ou la fin de fonction pour les agents publics qui ne déclarent pas leur patrimoine dans les délais. L'article 6 de cette loi qui énumère les fonctions et mandats sujets à déclaration ne comprend pas les chefs de l'armée, contrairement à l'ordonnance de 1997 qui le prévoyait. Concernant la participation de la société civile, des associations et des ONG à la lutte contre la corruption, tel que le recommande abondamment la Convention des Nations unies, l'article 15 de la loi algérienne est très restrictif à ce sujet et n'évoque pas du tout les associations, article qui reflète d'ailleurs les positions négatives sur cette question de la délégation algérienne lors des négociations de la Convention des Nations unies à Vienne de 2001 à 2003. Pour ce qui est de l'Organe de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC) ? le titre III de la loi du 20 février 2006) lui est réservé (articles 17 à 24) ?, l'affirmation de son indépendance est contredite dans le même texte, d'une part par sa mise sous tutelle du président de la République, et d'autre part par la relation de dépendance vis-à- vis du ministère de la Justice.
Les auteurs de la loi algérienne anticorruption ont voulu sciemment dissuader tout dénonciateur de corruption ou donneur d'alerte
La notion de protection des dénonciateurs et des victimes de la corruption est évoquée très largement par la Convention des Nations unies, la loi du 20 février 2006 lui consacre uniquement l'intitulé d'un article (45), mais l'article en question n'évoque pas du tout cette notion. Plus grave encore, l'article qui suit (46) traite très sévèrement de la notion de dénonciation calomnieuse. A croire que les auteurs de cette loi ont voulu sciemment dissuader tout dénonciateur de corruption ou donneur d'alerte. Même le rapport annuel de cet «organe» qui est remis au président de la République n'est pas rendu public : la transparence et l'information du public ne semblent pas être des préoccupations pour les auteurs de cette loi. Par ailleurs, les Algériens ne pourront pas directement s'adresser aux responsables de cet «organe», contrairement à une disposition de la Convention des Nations unies qui encourage fortement cette relation directe des citoyens avec l'agence de lutte contre la corruption.
La prévention, thème central de la rencontre : l'Algérie à la traîne !
Les travaux de cette 8e Conférence des Etats-parties de la Convention des Nations unies contre la corruption seront consacrés principalement à la prévention de ce fléau. Les pays participant présenteront leurs expériences, et les plus avancés d'entre eux, et qui ont fait le plus de progrès, exposeront les bonnes pratiques réellement mises en place sur le terrain. L'Algérie ? qui a élaboré une loi à ce sujet en 2006, ne présentera rien de concret à ce sujet : bilan insignifiant 15 ans après avoir ratifié cette importante convention.
Djilali Hadjadj
Est-ce que l'Algérie de l'après-Bouteflika aura une attitude plus positive lors de cette conférence des Etats-parties '
Depuis 2004, l'Algérie a été ? et est toujours ?, un très mauvais élève de la Convention des Nations unies contre la corruption, pourtant elle a fait partie des 10 premiers pays qui l'ont ratifiée ! Pourquoi l'avoir fait alors ' L'objectif principal du pouvoir Bouteflika était surtout de faire croire à la communauté internationale ? les organisations intergouvernementales dont l'Union européenne ; les Nations unies ; les Institutions financières internationales ? et, en interne, que la corruption n'avait qu'à bien se tenir et que la lutte contre ce fléau allait être engagée. A l'international, le leurre a fonctionné quelque temps, mais pas du tout en Algérie où l'opinion publique assistait, médusée, à l'explosion de la corruption. Le 2e objectif et non des moindres était pour l'Algérie d'obtenir par cette ratification un statut de membre à part entière de la conférence des Etats-parties de la convention ? conférence qui se tient en moyenne tous les 2 ans : un statut d'observateur ? pour les pays uniquement signataire, limite la marge de man?uvres et est très restrictif. L'Algérie a usé et abusé de cette ratification pour s'associer à un «front du refus» tout le long des 7 conférences qui ont eu lieu depuis 2006, avec la Russie, la Chine et l'Egypte comme têtes de file, en obtenant : - un «règlement interne» qui évacue tout dispositif contraignant dans l'application de la convention ; - un droit de veto contre la participation d'ONG aux travaux de la conférence (l'Algérie est l'un des seuls pays à avoir exercé ce scandaleux droit de véto) ; - la limitation de la publicité des rapports sur la mise en application de la convention par l'Algérie ; - et, enfin, l'obligation que l'un des experts de l'évaluation-pays soit africain, etc. Résultat : la corruption s'est généralisée. Est-ce que l'Algérie changera de démarche lors de cette 8e Conférence des Etats-parties ' Très peu probable. D'autant plus que pour le pouvoir, l'avènement de ces instruments internationaux contre la corruption fait partie d'un complot mondial contre les pays du Sud, dont l'Algérie, à l'image du «complot des droits de l'homme» du siècle dernier ! Cette «position» nauséabonde nous a été communiquée il y a une quinzaine d'années par un «commis du pouvoir» ? essayant de nous convaincre du bien-fondé de cette démarche ? : en fait un alibi qui a servi ? et qui sert encore ?, à protéger les réseaux de la corruption à tous les niveaux. Et dire que ce commis indélicat fera encore certainement partie, pour la 8e fois consécutive, de la délégation officielle algérienne à cette conférence?
D. H.
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Posté Le : 16/12/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Djilali Hadjadj
Source : www.lesoirdalgerie.com