La 404 est la voiture de toute la mémoire de la nation. Sur le dos de la 404 notre histoire a été construite. Du moins, une grande partie ! Elle est tout une mémoire, tout une histoire ! La 404 a marqué des générations. La 404 est la monture magique qui a façonné l’imaginaire de deux générations algérienne et maghrébine. Peut-être un peu plus. La monture extraordinaire qui a su quand et comment transporter l’intelligentsia rurale algérienne vers la cité. Chaque intellectuel, sans exception aucune, détient en lui, dans ses tréfonds, des souvenirs palpables envers ce véhicule. La 404 ! La 404 est la voiture célébrée, narrée, dite, chantée, peinte, décrite… par un grand nombre d’écrivains algériens et maghrébins. Dans la poésie comme dans le roman. En arabe littéraire comme en tamazight, en français comme en dialectes. De Kateb Yacine jusqu’à Tahar Djaout. De Tahar Ouatar jusqu’à Mohamed Meflah. De cheikh El Hasnaoui jusqu’à Brahim Tazaghart. Tout ce monde de la création était fasciné par cette 404. Elle était, la 404, symbole de la souffrance heureuse ! La souffrance heureuse ! Et elle est restée, la 404, bannière de la nostalgie historique. Elle est, la 404, l’image d’une période submergée de rêve. Le rêve national. La liberté. L’indépendance. Le travail. L’exil. La sueur. La bravoure. Errajla. Errajla algérienne, de cette période, n’avait rien du machisme castré, à l’image de celle d’aujourd’hui! Elle est, la 404, l’image de l’enfance. Eblouissement. Ensorcellement. Extase. Sublimation. Et elle est, la 404, image de l’amour. L’amour en tant que thème, dans la littérature algérienne et maghrébine, comme dans la musique, le théâtre ou le cinéma, était en grande partie lié à la fascination exercée par la 404 sur les artistes, et bien sûr sur leurs créations. Pour l’Algérien, la 404 est le véhicule sensationnel par excellence. Elle était, la 404, le rêve des femmes. Le rêve des hommes. Avec la 404, le rêve n’a pas de sexe. Monter, dans les années soixante, dans une 404, c’était comme aller pique-niquer sur la lune !
La chanson algérienne et maghrébine bédouine ou citadine, confortablement s’est inspirée, pendant longtemps, des fantasmes de la 4O4. La diva cheikha Remiti a merveilleusement célébré la 404. Chantant les sorties nocturnes dans la 404. La boisson dans la 404. L’amour dans la 404. L’interdit. La 404 fut la joie des unes, des uns. Fut le rêve d’autres. Combien de mariées ont rêvé d’être emmenées vers leur nuit nuptiale dans une 404. Les rêves des unes ont été exaucés, d’autres non ! Les travailleurs immigrés, ces hommes de la solitude aiguë, de Msirda passant par la Kabylie pour arrivant à El-Kala, la 404 traçait pour eux le chemin d’une aventure torturante. Elle fut leur chemin pour rencontrer l’autre, une rencontre amère et historique. Pour nous enfants, que nous étions, on adorait la 404 : la couleur blanche, les vitres qui montent avec de superbes manettes, les roues qui roulent, le volant, les feux et surtout le klaxon. Là, le klaxon c’est fort, c’est vertigineux!! Et elle avait des ailes, on disait qu’une fois sur la route goudronnée, la 404 s’envolait. Comme un oiseau ! Elle nous faisait tourner la tête ! La première 404 arrivée dans notre village, dans un nuage de poussière, était d’abord bénie par le fekih. Sur son capot, en présence de tous les habitants, hommes, femmes et enfants, il a lu quelques versets du Livre d’Allah. Une vieille lui a mis du henné sur les quatre roues ! Et moi, montant dans une 404, par un matin automnal, je suis arrivé au lycée...
A. Z.
aminzaoui@yahoo.fr
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Posté Le : 30/09/2013
Posté par : imekhlef
Photographié par : Rachid Imekhlef
Source : photo de Rachid Imekhlef & l'article de Amine Zaoui