Algérie

L'usurier allemand



Quand les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un plaisir de vous les faire parvenir. Musique.

L'Union européenne a, elle aussi, ses anomalies politiques. La crise financière aidant, les rencontres et conclaves jusqu'au plus haut niveau des responsabilités, comme celles des chefs d'Etat et de gouvernement, débouchent de plus en plus sur des conclusions illisibles, souvent contradictoires et inapplicables. Exemple: le Sommet des 23-24 mars, qui a été réservé en priorité à la crise de l'euro et à la mise en place d'un mécanisme de prévention des crises financières, a abouti, comme de coutume ces dernières années, à une cacophonie difficilement déchiffrable. Résumons : le Sommet de Bruxelles devait avaliser le renflouement du nouveau Mécanisme permanent de sauvetage pour la zone euro (MES), qui doit remplacer, dès janvier 2013, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) mis en place au lendemain de la crise grecque de 2009. La capacité financière du « MES » devait être augmentée à 440 milliards d'euros, en lieu et place des 250 attribués au FESF. Au final, la rencontre de Bruxelles a reporté la décision sur les « avoirs » de ce fonds au mois de juin prochain.

Jusque-là, cela n'a rien d'exceptionnel. Sauf que… les chefs d'Etat et de gouvernement ont offert une nouvelle surprise inattendue, y compris par les plus initiés dans le domaine de la finance : « Le Pacte euro-plus ». L'appellation résonne comme l'offre publicitaire d'une entreprise d'assurances à des clients potentiels. Elle englobe un certain nombre de conditions économiques que les Etats doivent respecter s'ils souhaitent faire appel au fonds du Mécanisme de sauvetage. Cela va de l'allongement de la durée de travail ouvrant droit à la retraite, à l'interdiction d'indexer automatiquement les salaires sur le taux d'inflation et jusqu'à la réduction drastique des budgets sociaux.

La proposition de cette nouvelle théorie économique libérale émanerait de l'Allemagne, dit-on. Et voilà la solidarité de la famille européenne qui vole en éclats. Quatre pays que sont le Royaume-Uni, la Hongrie, la Suède et la République Tchèque ont annoncé leur retrait de ce «Pacte euro-plus.» Dont acte.

Seulement, si le Royaume-Uni ou la Suède ont les moyens d'assurer leur choix, la Tchéquie et la Hongrie n'ont guère la liberté d'éviter l'application des restrictions budgétaires imposées par Berlin au nom des 17 pays de la zone euro. En effet, l'entrée dans l'UE en 2004 et 2007 des 12 pays d'Europe centrale et orientale (PECO) a été conditionnée par leur adhésion à la zone euro à moyen terme. Et ce n'est pas fini, puisque d'autres pays comme la Pologne, la Slovaquie, qui n'ont pas fait d'objection à l'adoption du « Pacte euro-plus », ont par ailleurs refusé d'appliquer les réductions budgétaires et les réformes sociales demandées par l'Allemagne, appuyée par la France.          Cela implique qu'ils n'auront pas le droit de faire appel en cas de difficultés conjoncturelles à ce fameux fonds de solidarité qu'est le «MES». Mais il y a mieux, puisque les 17 pays de la zone euro, menés par l'Allemagne, veulent engager rapidement l'Union dans la voie d'une harmonisation fiscale pour pouvoir entretenir le Fonds du Mécanisme européen de solidarité. Souhait louable en soi, n'était-ce l'énorme disparité qui existe entre les régimes fiscaux des 27 pays de l'UE, et surtout le délai accordé pour cette harmonisation, soit fin 2012. Entre la Suède qui a le plus haut taux d'imposition, de l'ordre de 50%, la France ou la Belgique dont le taux d'imposition des sociétés tourne autour de 33 %, ou l'Allemagne avec 30 % et la Bulgarie dont le taux d'imposition n'excède pas les 10 %, il faut un miracle économique pour que l'UE arrive à marcher ensemble dans ce domaine.

 Déjà sous pression, le principal secteur fournisseur d'emplois, celui des PME, est au bord de l'asphyxie fiscale. De leurs côtés, travailleurs et ménages courent après l'inflation avec un pouvoir d'achat qui s'érode chaque jour un peu plus. Les confédérations syndicales européennes ont saisi justement l'occasion de la tenue du Sommet européen de jeudi dernier pour manifester leur opposition aux projets de restrictions budgétaires programmés. Plus de 30.000 manifestants à Bruxelles ont répété leur rejet des plans financiers concoctés par leurs gouvernants. S'il est vrai que la situation macro-économique de l'UE plaide pour une réforme radicale de sa gouvernance, tant son endettement public est abyssal, sa croissance faible et sa monnaie forte, il est tout aussi vrai que la famille européenne dispose d'une épargne privée gigantesque qui peut être utilisée comme amortisseur des effets immédiats de la crise.

 L'autre riposte des Etats, et cela a été répété, est d'instaurer réellement une régulation des marchés financiers et de lutter contre les paradis fiscaux. Plus de trois ans après le premier choc de la crise financière, la spéculation financière internationale et les paradis fiscaux redoublent de voracité. La leçon de la faillite grecque n'a pas été retenue. Elle fut suivie de celles de l'Irlande et du Portugal, annoncées en pleine tenue du Sommet de Bruxelles. Trop de fiscalité tue la fiscalité, dit l'adage. Oui, mais cela dépend de qui paie et pourquoi. Jusque-là, ce sont les travailleurs qui se sont endettés, par Etat interposé, pour que les banques continuent à s'amuser sur les places boursières.




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