L'urbanisme coincé entre formation archaïque et corruption

- Pourquoi cette anarchie qui règne dans l'urbanisation de nos villes '
La ville est construite par fragment. Il y a des parties construites par les pouvoirs publics, d'autres par la société de façon informelle en l'absence de réponse (des pouvoirs publics) et des mesures dérogatoires du genre dans une localité il existe un outil urbanistique et les gestionnaires à  l'échelle locale mettent de côté l'outil et font d'autres projets. A titre d'exemple, l'aisance financière connue ces dernières années n'était pas prévue, et l'outil urbanistique est là pour le long terme. Il faut dire que la loi 90-29 n'a été mise en pratique qu'en 1994 et en 1989 le territoire national était couvert par les PDAU (Plan directeur d'aménagement du territoire) qui fait appel aux POS (Plan d'occupation du sol).
Mais on avait une vision limitée et l'appareil de production nationale (logement), entre 1990 et 2000, ne dépassait pas 200 000 unités an, alors que dans un quinquennat on parle d'un million de logements puis de 1,2 million et là on est au 2e million ainsi que de grands projets qui n'ont pas été réalisés par le passé remis sur la table, comme réaliser une autoroute Est-Ouest qui n'était pas prévu dans le plan de 1990. C'est pourquoi entre 2005 et 2007, la révision de cet outil a été lancée pour le mettre en adéquation avec la demande.

- On culpabilise les maîtrises d'œuvre et d'ouvrage. Pourriez-vous expliquer la mission de chacune et où se situe le problème entre les deux '
Le maître d'ouvrage est le commanditaire de projets, son propriétaire et son initiateur et le maître d'œuvre est celui qui réalise le projet ou son constructeur à  travers un cahier de charges.
Le problème est dans la famille universitaire en matière de qualité de formation des architectes urbanistes. Nous sommes en train de recevoir un projet non solvable à  la première année universitaire. D'année en année, le niveau ne cesse de baisser car on continue à  enseigner avec des programmes classiques obsolètes qui datent de 1974 avec toutes les évolutions que connaît le domaine de l'architecture et les métiers qui y sont liés. Même le maître d'ouvrage n'a pas la qualification pour faire la bonne commande même aux internationaux.

- Est-ce que cela explique l'engouement des étrangers pour le secteur de la construction '
L'engouement des étrangers pour le secteur s'explique par le fait qu'on continue à  travailler avec des moyens archaïques. Si on cherche la qualité, il faut s'ouvrir à  l'international, mais que cette option d'aller vers l'international doit àªtre conduite à  des fins d'intérêts nationaux et de conditionner par des cahiers de charges pour accompagner et former. Le secteur productif national est limité.

- Les P/APC sont aussi incriminés. Quelle est leur part de responsabilité dans l'urbanisme '
Oui, certains P/APC sont irresponsables et incompétents. Une formation a été lancée à  l'époque de Zerhouni (ministre de l'Intérieur et des collectivités locales) dans ce sens. Un mandat de cinq ans est très limité, donc il faudra une formation  préalable pour les élus.
- Vous avez évoqué l'informel. Qu'en est-il de la corruption '
La corruption existe dans le domaine de l'architecture et dans la maîtrise d'œuvre. Ce n'est pas tout le monde qui a le droit d'avoir un projet. Il y a des noms ciblés dans certaines villes et la mainmise sur certains types de projets de la construction, mais il existe aussi des personnes honnêtes parmi les élus.

- Existe-il une évaluation du rattrapage de ce qui a été mal réalisé en matière d'urbanisme '
Cela m'étonnerait qu'il y ait une évaluation, car on s'inscrirait dans la prospective. En Algérie, on accorde très peu d'intérêt au capital argent et temps pour des études. Pour la réhabilitation, il faut mettre le paquet dans les études. On ne peut pas évaluer. Aujourd'hui, on refuse le droit aux universitaires d'intervenir dans les bureaux d'études alors qu'une loi les autorise depuis 2008.  L'ordre des architectes leur dénigre ce droit. La vraie piste est la fusion entre l'économique et l'universitaire.