Algérie

L'université se réapproprie le combat



La mobilisation d'hier aura démontré que le passage de témoin s'est effectué entre les précurseurs de la revendication amazighe et les nouvelles générations.Ils étaient des milliers à avoir battu le pavé hier dans les principales villes de Kabylie. Jeunes et moins jeunes, des militants de partis ou d'associations et autres citoyens anonymes ont répondu massivement à l'appel des collectifs des étudiants pour réclamer, de nouveau, la promotion de tamazight, sa prise en charge effective et le rejet de la loi de finances.
Qu'elle soit l'?uvre de manipulateurs, marionnettistes de l'ombre, comme tentent de les qualifier les relais du pouvoir, y compris au sein des médias, ou inspirés par le rejet de l'amendement introduit par le Parti des travailleurs, force est d'admettre que l'ampleur de la mobilisation, au-delà de la "piqure de rappel" au pouvoir sur les engagements qu'il est tenu d'honorer, nous administre quelques leçons. D'abord, que l'attachement à la langue amazighe demeure très fort au sein de la population de Kabylie en dépit de toutes les entreprises d'aliénation.
L'objectif non avoué, subrepticement mis en ?uvre par les tenants d'une idéologie sectaire et uniciste, consistant en l'interruption de la transmission intergénérationnelle de la langue et de la culture amazighes, n'aura pas finalement opéré. La mobilisation d'hier aura démontré que le passage de témoin s'est effectué entre les précurseurs de la revendication amazighe et les nouvelles générations, malgré tous les facteurs de parasitage, y compris exogènes.
Ensuite, les ressorts de résistance demeurent intacts. Jusqu'il y a peu, on a décrété que le renoncement a gagné des pans entiers de la population. Et que la mondialisation, le discrédit de l'exercice politique, la corruption, la crise de confiance et le combat avorté du mouvement des arouchs ont fini par décourager les plus téméraires. Enfin, et c'est sans aucun doute la leçon la plus importante, c'est le retour de l'université au devant du combat pour la promotion de tamazight et, au-delà, du combat pour la démocratie et l'émancipation citoyenne. Parce qu'elle avait cessé de jouer le rôle qui est le sien, celui de locomotive de la société, au-delà de son caractère de pôle de rayonnement culturel et scientifique, l'université algérienne a fini par se confondre avec ces institutions mises au pas à telle enseigne qu'en novembre 2015, le ministère de l'Enseignement supérieur ne s'était pas empêché d'instruire les recteurs pour interdire toute activité politique au sein des campus. "Les responsables d'institution de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique sont instruits d'interdire toute activité politique au sein des établissements universitaires", avait notifié le ministère. "Toute rencontre ou activité partisane organisée, sous quelque forme que ce soit, dans l'enceinte des établissements, est contraire à la vocation originelle de ces établissements et aux missions qui lui sont dévolues", selon le ministère.
Cette instruction n'a pas manqué de susciter un tollé au sein de la communauté universitaire, mais aussi chez les partis, dans la mesure où les débats sur des thématiques diverses participent de la formation et de l'épanouissement intellectuels des étudiants, appelés à devenir les futurs cadres de la nation. En s'impliquant activement et en encadrant les marches d'hier, aux côtés des structures partisanes et des associations, les étudiants se sont réappropriés le rôle qui doit être le leur : être les fers de lance, comme leurs aînés, du combat pour la promotion de la citoyenneté, de la conscience politique, des valeurs de démocratie et d'émancipation citoyennes. Il était sans doute temps.
Karim Kebir


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