Les années 60, 70 et même 80, l'Université. Le seul objectif de la plupart, sinon la totalité, des étudiants universitaires était de rapidement terminer sa licence de quatre puis (ou) trois ans (si possible avec de très bonnes appréciations qui serviront de passeport auprès des recruteurs) et s'en aller gagner sa «croûte». Très rares étaient ceux qui cherchaient à continuer leurs études en post-universitaire pour décrocher au minimum un diplôme de spécialité (en Algérie et, surtout, à l'étranger. En Algérie, on avait tout au plus des Dea et des Des en une année), ou alors tout simplement parce qu'ils étaient des «mordus» de la recherche et de la transmission du savoir aux autres. Bref, des drôles d'individus considérés aussi bien par leurs proches que par leurs amis comme des originaux. En fait des «intellos» vrais ! Une race disparue. L'enseignement universitaire n'attirait pas, d'autant que les conditions matérielles n'étaient pas réunies: pas ou très peu de logements, salaires presque misérables par rapport à ce que fournissaient, comme avantages sonnants et trébuchants ou de prestige et d'»entrées», les Sociétés nationales et certaines administrations comme les AE, les Finances, l'Intérieur, la Justice et la Défense n'attirant pas encore.Puis, on créa le magister, réservé si mes souvenirs sont bons aux licenciés (de 4 ans ou avec Dea ou Des). Les textes étaient clairs. Quelques postes réservés seulement (après concours) en tenant compte des postes pédagogiques disponibles. En règle générale pas plus d'une dizaine ou moins et peu terminaient leur spécialité, découvrant que la recherche est difficile et la thèse dure à rédiger et que l'enseignement ne menait pas très loin, les conditions matérielles toujours aussi comptées.
La fin des années 90 vit l'amélioration des conditions de travail et surtout une amélioration des salaires. L'enseignement et l'enseignant universitaires étaient enfin dotés d'un statut honorable, assez vite recherché. Encore fallait-il y accéder. On ouvrit toutes grandes les fenêtres des équivalences avec moult diplômes étrangers souvent aux noms et aux contenus bien bizarres. Alors, on s'aligna sur le système anglo-saxon devenu international (le «Lmd»). Mais, qu'importe, l'expansion de l'Université, l'arrivée massive d'étudiants faisaient que l‘enseignement universitaire allait rapidement devenir un secteur attractif. Alors, on introduisit l'éméritat, dont le texte ne fut jamais appliqué, certainement de peur d'ouvrir une boîte de Pandore ravageuse, ce qui n'empêcha pas certains de s'en affubler. Prof' émérite devait succéder au titre de Professeur.
Les années Boutef', avec ses hausses de salaires, certes bienvenues mais procédant surtout d'une redistribution de la rente pour mieux cacher les autres très grandes déviances, ont permis au «paraître» de l'Université de prendre le pas sur son «être». Aujourd'hui, donc, l'Algérie se retrouve, selon le ministre, avec 5.000 diplômés de doctorat formés par an (pour l'année 2020 - 2021, 580. 000 étudiants avaient postulé au concours d'accès au doctorat, 231.000 candidats ont été admis à passer le concours et 7.522 ont pu finalement prétendre à la formation doctorale) cherchant, tous, à intégrer l'Enseignement universitaire en mode de recrutement direct. Un nombre plus qu'important. Une demande qui va bien au-delà des postes déterminés et des besoins pédagogiques. Epoustouflant même ! Nombre, hélas, qui ne cadre pas toujours avec l'état ou le niveau général de l'enseignement professé et les résultats de la recherche déjà existante dont certains travaux, de valeur incontestable, restent dans les tiroirs. C'est d'ailleurs ce qui a poussé, à chaque fois, dans une sorte de « fuite en avant », à créer d'abord des spécialités (en master) parfois aux appellations farfelues, puis des Ecoles aux objectifs peut-être trop ambitieux. Mais l'espoir d'un « mieux » fait vivre, bien que les deux citations qui suivent devraient tempérer les ardeurs et les ambitions optimistes : 1/ « Les augmentations salariales en 2008 ont contribué à la perte du sens du mérite et de la compétition intellectuelle au sein de l'institution universitaire; l'université a, à cette occasion, achevé de perdre son esprit académique » (Karim Khaled, « Les intellectuels algériens. Exode et formes d'engagement ». Essai © Editions Frantz Fanon, Tizi Ouzou, 2019) / - 2/« L'Université est l'acteur essentiel de l'orientation sociale du savoir. Oui, encore faut-il que l'université soit fondée sur une vision qui distingue parfaitement entre les politiques du savoir et le savoir politisé, entre la gouvernance du savoir et le savoir gouverné » (Louisa Dris Aït-Hamadouche, politologue. Débat © Liberté, mardi 2 juin 2020). C'est tout dit !
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Posté Le : 24/04/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Belkacem Ahcene Djaballah
Source : www.lequotidien-oran.com