Algérie

L'univers impitoyable des Algériennes



La campagne électorale s'est ouverte, jeudi dernier, et une moitié des candidats aux prochaines législatives sont des femmes. Une avancée inédite dans une Algérie qui multiplie la promulgation des lois et législations pour promouvoir et protéger la femme dans la société. Et pourtant la femme en Algérie est loin d'avoir la place qu'elle mérite. Il n'y a qu'à voir que parmi ces candidates qui aspirent à représenter la population de leurs régions respectives dans l'Assemblée populaire nationale, certaines refusent d'afficher leurs photographies pour mener campagne. Les raisons sont multiples mais toutes sont en lien avec la société et ses préjugés. Une société qui reste otage des traditions et des mentalités rétrogrades qui persistent et où la femme ne peut être synonyme que d'un être de second rang. Elle fait face, quotidiennement, à l'intolérance, la discrimination, la violence et l'injustice. Elle est certes, protégée depuis 2015, par la loi qui criminalise la violence conjugale, le harcèlement de rue, le vol entre époux et la dépossession des biens. Mais même quand une femme ose dénoncer, elle est stigmatisée par la société. Si elle défie les traditions et prend le risque de vivre seule, elle peut voir ses effets jetés et brûlés, sous prétexte que son lieu de résidence devient un lieu de perdition. C'est dire que malgré l'évolution du cadre juridique des droits des femmes en Algérie, ce dernier n'est pas accompagné d'une évolution significative au niveau des mentalités et des attitudes envers ces mêmes droits. D'ailleurs, selon une enquête du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), 88% des Algériens seraient, encore en 2020, «favorables à l'atteinte à l'intégrité physique des femmes» et 37,17% contre leur accès à l'éducation. Cela explique les nombreux cas d'agression et de fémicide en Algérie. Au moins six femmes ont trouvé la mort durant le mois de mai et des centaines, peut-être même des milliers ont été agressées. Il y a eu le meurtre de Nawel et Saliha d'Oran ou encore Hakima de Batna et Hadjira d'Oum El Bouaghi, pour ne citer que ces cas-là. La semaine dernière, l'agression de neuf enseignantes a secoué la ville de Bordj Badji Mokhtar. Ces dernières ont été attaquées dans leur logement de fonction, à l'intérieur même d'un établissement scolaire. Leurs agresseurs ont eu tout le temps d'accomplir leur sale forfait. Ils ont séquestré, violenté, violé et même brutalisé à l'arme blanche des femmes sans défense. Leurs cris n'ont-ils pas été entendus' Ou a-t-on pensé que des femmes n'avaient pas à se retrouver seules, loin de leurs familles même pour une mission aussi noble' Si c'est le cas, l'agression a eu l'effet escompté et beaucoup d'enseignantes qui se sont sacrifiées pour dispenser l'enseignement dans une région aussi lointaine, ont décidé de plier bagage et rentrer à la maison. Donner l'exemple et frapper les esprits, c'est ce que cherche à faire l'homme, à chacune de ses agressions. Combien de jeunes filles qui ont osé transgresser les règles de la famille ont-elles été sévèrement châtiées par le père ou le frère' Faut-il évoquer la violence conjugale, considérée presque comme un droit' Ces femmes qui contestent ou refusent de se soumettre à la tradition sont souvent séquestrées, violemment battues et finissent quelquefois avec une infirmité lorsqu'elles ne perdent pas la vie. Bien que l'Algérie ait amendé ses textes et que les coups et blessures soient considérés comme un délit puni d'une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison, cela reste insuffisant pour enrayer la violence à l'égard de la femme, en Algérie. La violence à l'encontre des femmes étant enracinée et nourrie par le Code de la famille, augmenter les sanctions pénales ne suffira pas à faire diminuer les violences. L'heure est à la réforme profonde des programmes éducatifs pour apprendre aux enfants le sens du respect de la femme et non seulement de l'Autre, de l'aîné ou du voisin.


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