Algérie

L'UNESCO interpellée



L'UNESCO interpellée
Par Ahmed Tessa, pédagogue
Avant la conquête coloniale, en 1830, l'Algérie possédait de nombreuses zaouïas et mosquées où étaient enseignés les rudiments de la langue arabe afin d'apprendre le Coran. Selon certains historiens, l'Algérie de l'époque possédait un taux d'alphabétisation supérieur à celui de la France paysanne.
En effet, l'institution scolaire n'a vu le jour en Europe que progressivement vers la fin du XVIIIe siècle.
Ce ne sera que vers la fin du XIXe siècle qu'elle s'installa dans sa forme actuelle. Il serait utile de voir son cheminement pédagogique à travers l'histoire pour comprendre les enjeux actuels de l'école dans certains pays arabes. En Algérie notamment.
En Occident, y compris l'Amérique, pendant des siècles, les pratiques éducatives étaient gérées par les religieux et la hiérarchie de l'Eglise. Cette dernière régentait la vie des habitants dans son quotidien : messes à profusion, organisation des enseignements selon des interprétations subjectives du Livre Saint et l'humeur du curé, comportements, tenue vestimentaire, etc.
Le discours religieux, ses interdictions, ses obligations et les rites qui vont avec (horaires des prières, des messes) furent l'unique alimentation des ouailles (l'équivalent des talebs). Cette forme d'éducation perdura jusqu'au début du XXe siècle quand fut votée la loi sur la séparation de l'Eglise et du politique.
Dans ces lieux d'éducation, le référent religieux servira d'habit et de charpente aux programmes et manuels d'enseignement et aux pratiques pédagogiques. Les leçons dispensées sont puisées directement du corpus religieux : légendes, histoires créées, passages de la Bible et des Evangiles. Quand ils sont fabriqués par des pédagogues officiels de l'Eglise, les textes pédagogiques qui servent de support aux leçons portent tous le vernis de la religion du roi. Aucune place n'est laissée à la belle littérature, à l'esprit créatif ou aux sciences. La pratique sportive, les arts, musique, théâtre, chants profanes sont déclarés irrespectueux de la religion. Ils sont exclus du système éducatif en vigueur. Le «tout religieux» devient la norme scolaire : le bon élève est celui qui est assidu à la messe et qui récite de mémoire les Evangiles. Les enseignants sont triés sur le volet de l'obéissance au dogme religieux : leur désignation est du strict ressort de la hiérarchie ecclésiastique. Il faut montrer patte blanche pour espérer être nommé enseignant. La majorité d'entre eux deviennent curés du village, l'équivalent de nos imams.
Et, comme de bien entendu, la femme sera l'objet de fantasmes à codifier. Elle est l'objet d'un intérêt particulier de la part des vigiles de la foi catholique. Elle devait – au risque de lourdes sanctions – s'imposer une discipline de fer, notamment dans sa tenue vestimentaire : cheveux et chevilles cachés et pas une zone de peau ne devait apparaître si ce n'est le visage.
Ce comportement se retrouve de nos jours dans le quotidien de petites sectes religieuses ultra-intégristes catholiques et juives. Aux Etats-Unis, les adhérents de la secte des Amich's vont plus loin. Ils refusent tout recours à un quelconque signe de la modernité – même pas les soins médicaux.
Et cet endoctrinement à l'idéal paradisiaque tel que claironné par les enseignants-curés (de l'époque) devait débuter dès le berceau. Les paroisses des villages, les couvents et les séminaires serviront d'espaces de formation.
En réalité, ce n'était que des centres d'embrigadement des enfants : les préparer intellectuellement et psychologiquement à devenir de bons adultes au service du roi, représentant de Dieu sur terre. Le bon peuple était pris en étau entre les sbires de Sa Majesté et les intégristes catholiques : rien du comportement des habitants ne devait déroger aux règles édictées par l'Eglise.
Les récalcitrants devaient endurer les pires sévices barbares dont celui du bûcher ou de l'écartèlement du corps. Selon les préceptes énoncés par l'Eglise du Roi, ces châtiments relèvent de la volonté divine. Devant tant de restrictions aux libertés individuelles, des voix s'élevèrent pour dénoncer cet état de fait et cette interprétation radicale de la religion catholique. Des siècles durant, en Occident et notamment en France, s'affichèrent des mouvements réformistes rythmés par des luttes sanglantes et des répressions. La guerre des religions s'installa pour très longtemps avec son cortège de fleuves de sang : la nuit de la Saint-Barthélemy à Paris en fut le point culminant. En Andalousie, prospérait l'Islam des lumières en harmonie avec les deux autres religions monothéistes avant que le dernier royaume, Grenade, ne fut repris par Isabelle la Catholique en 1492. Au nom d'une religion interprétée de façon radicale, sans concession aucune, l'Inquisition débuta — pire que la Saint-Barthélemy française.
Les musulmans et les juifs d'Andalousie en furent les victimes toutes désignées. Dorénavant, la vie quotidienne andalouse sera marquée du sceau de la religiosité-bigoterie que tout Andalou devait exhiber dans son quotidien, jusqu'au sein de sa famille.
Des vigiles – une police des mœurs et de la vertu «àla saoudienne» avant l'heure – sont désignés pour faire régner cet ordre monacal. Plus loin dans l'histoire, dans les à®les Britanniques, au début du christianisme, les troupes de l'Empire romain seront les propagateurs zélés de la nouvelle religion.
Contre les autochtones qui refusent d'y adhérer, ils utilisent les tortures identiques à celles en vogue dans les fosses à lions de Rome : le carnage. Il a fallu attendre la révolte des Scots, des Angles et des Saxons pour éloigner ce danger culturel et religieux.
Il est clairement démontré que cet intégrisme religieux est alimenté par les espaces éducatifs où était dispensé l'enseignement catholique : la famille, le couvent, le monastère. Il n'y avait pas de télévision, de radio ou de journaux. Cette forme d'éducation perdura des siècles durant jusqu'à son abolition au début du XXe siècle.
L'exemple de l'endoctrinement dispensé par ces espaces éducatifs nous est donné par l'assassin du roi Henri III en France vers la fin du XVIIe siècle. Un roi qui fut d'abord partisan d'un extrémisme religieux avec une pratique dure du catholicisme. Par la suite, menacé par des difficultés économiques et militaires, il fut contraint de modérer ses idées et sa gouvernance religieuse. Formaté par les pratiques radicales de son roi, le bon peuple cria à la trahison. Les plus acharnés d'entre eux se recrutent dans ces espaces éducatifs où se transmettaient les idées radicales. Et c'est un élève-moine, éduqué en conséquence dans un monastère qui s'acquitta de ce devoir sacré : tuer le roi infidèle. Infidèle à Dieu selon la version intégriste”? qu'il a lui-même instituée. C'est dire la force néfaste de l'éducation quand elle est orientée vers l'endoctrinement-radicalisation. N'a-t-on pas vu des jeunes endoctrinés tuer leur père, leur oncle au nom d'un idéal sauvage ' Aux mains des intégristes, pas seulement religieux, l'éducation devient une redoutable arme de destruction massive. Les guerres de religions en Europe ainsi que les Croisades nous le rappellent si bien. Mais dans ce continent, les temps ont fini par changer et la raison a fini par l'emporter. Après moult boucheries humaines.
Ce n'est point par miracle que les pays occidentaux ont accédé à la modernité, aux sciences et au développement. Pendant des siècles, par des calvaires endurés, ces peuples ont payé un lourd tribut pour se libérer de la mainmise mutilante et castratrice de l'éducation gérée par l'Eglise. Et d'ailleurs, effet boomerang. Les dérives des intégristes catholiques ont eu pour conséquence – à long terme — de détourner les peuples européens de la pratique religieuse. Trop de religiosité tue la religion.
Les statistiques sont édifiantes : au XIXe siècle, l'écrasante majorité des Français étaient des pratiquants. Leur nombre a fortement décliné, épousant la courbe ascendante des progrès de la civilisation humaine et des sciences profanes. Relégué aux oubliettes l'enseignement catholique «pur et dur», porteur d'interdictions tous azimuts, de charlatanisme, sorcellerie et fatalisme. En font foi les 87% des citoyens français qui avouent «ne pas être concernés par la religion» (statistiques de 2017).
Plusieurs facteurs expliquent ce rejet de la pratique religieuse. Les agissements de prêtres pédophiles souvent couverts par leurs supérieurs ont fini par secouer la conscience collective des Européens. Ajouter à cela le poids de l'histoire gorgée de sang des guerres de religions (catholiques contre protestants, Croisades). Il est certain que cette histoire a laissé des traces vivaces dans la mémoire collective. Elle aura vécu des siècles cette religion chrétienne dans sa version intégriste, affichée de façon ostentatoire et étouffant le quotidien social et politique des chrétiens d'Europe.
N'est-ce pas que durant la période où prospérait cet enseignement catholique, les docteurs en foi (l'équivalent des oulémas) expliquaient au bon peuple que les phénomènes naturels la foudre, le tonnerre, ne sont que des messages de Dieu Tout-Puissant.
De même que les épidémies qui décimaient à large échelle les populations. Point de place aux sciences. N'est-ce pas l'Eglise qui condamna à mort le savant italien Galilée pour avoir «profané les Ecritures divines» en attestant à juste titre que la terre est ronde.
«Et pourtant elle tourne», s'est-il exclamé en montant vers la potence. De nos jours, en Occident, ce lugubre tableau de l'éducation catholique a quasiment disparu, supplanté par les humanités, les sciences, la technologie et l'esprit cartésien. La religion y est vécue paisiblement, sereinement, sans agressivité mais dans la sphère privée. Toutefois, le souvenir de la barbarie religieuse et des inquisitions sanglantes demeure frais dans les mémoires. Il est entretenu dans les manuels d'histoire, la production littéraire, cinématographique. Devoir de mémoire pour ne pas oublier.
Certes, l'Occident connaîtra d'autres totalitarismes idéologiques : le colonialisme, le nazisme, le sionisme, le stalinisme. Et comme par hasard, exception faite du stalinisme, les promoteurs des ces monstruosités ont souvent recours à la religion pour justifier leurs crimes. Tous ont initié le même type d'éducation, celle de l'endoctrinement des enfants et des adolescents.
La même méthodologie : la pédagogie noire de l'aveuglement idéologique. Et l'humanité en fera les frais de cette éducation déshumanisée : des dizaines de millions de morts, des villes rasées, des millions d'orphelins. Une éducation hostile aux besoins psycho-affectifs et aux lois naturelles du développement de l'enfant. Cette éducation destructrice a pour principe que «l'enfant est une page blanche» sur laquelle il faut”? écrire les complexes et les frustrations de l'adulte aveuglé par sa folie. Avant de monter au front pour massacrer, les jeunesses hitlériennes sont passées par des institutions éducatives qui les ont formatées. C'est à l'école que les nazillons ont été biberonnés à l'idéologie du Fèhrer : une haine furieuse des Sémites, des juifs, des Noirs, des Gitans, des communistes et des homosexuels.
Une fois en âge de prendre les armes, le nazillon se fera un devoir sacré de tuer ces ennemis de la nation aryenne, la seule élue de Dieu selon le dogme nazi. Ironie de l'histoire, leurs victimes, une catégorie de juifs sionistes, useront du recours à une interprétation erronée de la religion juive pour opprimer les Palestiniens et les expulser de leurs terres. La fausse interprétation des livres saints a été aussi l'apanage des promoteurs de l'apartheid en Afrique du Sud. Ils ont expérimenté les mêmes procédés d'extermination-acculturation au nom d'une religion initiées aux XIXe et XXe siècles par les puissances coloniales opprimant les peuples autochtones d'Afrique, d'Asie, d'Amérique, d'Australie ou du Canada.
La création de l'ONU héritière de la SDN (Société des Nations) a permis un tant soit peu d'adoucir les vieux démons totalitaires. C'est ainsi que le Conseil de sécurité décida de désarmer les deux nations belliqueuses, l'Allemagne et le Japon, au lendemain de leur défaite à la Seconde Guerre mondiale.
De nos jours, ce sont les Casques bleus qui vont, ici et là , dans le monde séparer les belligérants ou ramener la paix. Mais est-ce suffisant pour autant ' Non ! Les conflits perdurent à cause, entre autres facteurs explicatifs, de la prolifération du virus totalitariste, nourri par un bouillon de culture très dynamique : le radicalisme idéologique niché dans la sphère éducative et culturelle de certains pays : école, lieux de culte, médias... Que faire '
Et si le Conseil de sécurité de l'ONU donnait feu vert à l'Unesco pour passer au tamis les programmes d'enseignement (école, instituts religieux et université) et les manuels scolaires des pays pourvoyeurs de radicalisme idéologique '
De la sorte, seront promulguées des résolutions exécutoires assorties de sanctions dissuasives contre les pays récalcitrants. Et aussi par là même protéger les enfants et les adolescents de ces pays de ce virus et empêcher que des apprentis sorciers ne leur volent leur enfance et leur innocence par des lavages de cerveau une fois franchies les portes des établissements scolaires ou des lieux de culte. Ses recommandations étant inopérantes, l'Unesco fera œuvre utile en imposant des programmes de référence pour tous les pays, dans les disciplines des sciences humaines.
Le but n'étant pas de se substituer aux autorités scolaires mais d'harmoniser les pratiques éducatives afin d'enraciner dans les cœurs et les esprits des enfants-adolescents les valeurs du vivre-ensemble, de paix et de compréhension entre les peuples. Utopie diront certains. Mais en attendant, les partisans du chaos, les pédagogues du «néantisme» se servent de l'éducation comme priorité pour asseoir leur domination sur les esprits vierges qui se voient voler leur enfance, leur adolescence.
N'a-t-on pas vu ici en Algérie une association dite caritative et culturelle lancer une vaste campagne publicitaire (d'où vient l'argent ') pour encourager des fillettes de six ans à porter le hijab ' Au vu et au su de tous !
Sans nul doute que l'actuelle prise de conscience à l'échelle planétaire pour éradiquer le radicalisme totalitariste – qu'il soit religieux ou autre – finira par amener l'Unesco à sortir la grosse artillerie. C'est la seule réponse pour combattre ceux et celles qui utilisent l'éducation comme arme de destruction massive. Couper la branche sur laquelle ils sont assis confortablement.
Les éloigner (leurs idées) définitivement de ces institutions qu'ils ont transformées en machine à formater leurs futurs soldats. En imposant un tel programme de déradicalisation via le nettoyage des programmes et des manuels scolaires, l'Unesco contribuera ainsi à la sauvegarde et à la promotion du seul patrimoine pas encore inscrit dans son agenda : l'éducation des enfants potentiellement en danger d'endoctrinement. En danger de mort.
A.'t.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)