Algérie

L'un y va, l'autre pas



L'un y va, l'autre pas
À un mois et demi de la présidentielle, le quatrième mandat brigué par le Président sortant, qui achève son troisième quinquennat, focalise l'essentiel du débat et des questions sur l'élection du 17 avril prochain. S'il est de tradition que l'entrée en lice de ce genre de gabarit soit plus exposé aux feux de la rampe, pour des raisons évidentes, en Algérie il n'est plus question que de Abdelaziz Bouteflika, son bilan, ses capacités à présider aux destinées du pays pendant cinq autres années, l'effet d'éviction provoqué sur la scène politique par son irruption, donnée pour problématique, dans le champ de la compétition... Le phénomène d'osmose qui a aspiré quasiment toute l'actualité sur la présidentielle, sans être surprenant, a asséché ce qui devrait être une campagne électorale animée, voire âpre, de sa substance la plus essentielle.Se montrer surpris, dans ces conditions, de la tournure prise par l'événement, serait méconnaître profondément les ressorts de ce qui se résume à la vie politique algérienne. Il n'y en a que pour Bouteflika, suivi de Benflis et Hamrouche, les autres étant relégués au «deuxième collège» de la préséance. Pourquoi ces deux personnalités sont, parmi les prétendants opposés au «quatrième mandat» -une catégorie politique par la force des choses-, celles sur lesquelles se braquent tous les regards ' Mouloud Hamrouche a jeté l'éponge, jeudi, avant d'avoir fait son entrée dans l'arène, Ali Benflis, vent debout, maintient le cap et affiche une inébranlable détermination à livrer bataille. Voilà qui transforme ce qui aurait pu être une passionnante triangulaire en un duel qui (les conditions de l'élection le diront) est porteur d'un certain risque. Les pôles d'une Algérie politique éclatée pourraient se cristalliser par la grâce de l'«antinomie binomiale» qui réunirait, le temps d'une échéance, un couple de candidats sans complémentarités. Alors que Mouloud Hamrouche avait averti qu'il ne serait pas partant si l'armée adoubait un candidat et il ne se l'est pas fait redire, on peut s'interroger sur les raisons qui font qu'Ali Benflis se montre imperturbable. Pourtant, il n'est pas besoin d'avoir un compas dans l'?il pour comprendre que le suspense, en ce qui concerne la personne du Président en exercice, portait sur son intention de rempiler et non sur la certitude de sa réélection. Mouloud Hamrouche n'est pas seul à considérer que le 17 avril, c'est désormais hier, préférant s'attacher au nouveau contexte politique de l'après-présidentielle. S'il y a une injure que personne ne fera à Ali Benflis, c'est bien celle de méconnaître le pack des règles non écrites qui régissent le mode d'accession et de maintien au pouvoir en Algérie. Averti plus que tout autre de par les fonctions qu'il a occupées par le passé, dont celle de directeur de Cabinet puis Chef de gouvernement de Bouteflika, le candidat Benflis sait parfaitement que la puissante et redoutable machine de guerre mise en place pour donner un autre mandat à Bouteflika remplira parfaitement sa mission. Qu'est-ce qui le fait courir, alors ' Il pourra toujours être le poil à gratter d'une joute dont il ne pourra pas changer le cours. D'ailleurs il se plaint déjà du parti-pris affiché à son endroit par la télévision publique. Se mettre en réserve pour 2019 ' A cette date, il sera âgé de 79 ans. Malgré tout, il n'est pas dit qu'à l'heure du bilan il sera perdant. En amenant les citoyens et les forces politiques algériens à se positionner par rapport à ses idées et son programme, en développant un contre-argumentaire plus convaincant, il pourrait contribuer à recentrer la vie politique sur l'essentiel. Entre les arguments pour une participation, soutenus par Benflis, et ceux de la non-participation défendus par Hamrouche, des points de recoupement sautent aux yeux. Le premier ne le dit pas aussi clairement que le second, mais l'ombre de l'armée plane sur cette élection, comme sur celles qui l'ont précédée. Il est peut-être besoin de faire une lecture en creux des propos de Mouloud Hamrouche quand il dit croire à la centralité du rôle de l'armée : «Il n'y a aucune chance d'instaurer un système démocratique sans l'aval et le soutien actif de l'armée.» A contrario, la responsabilité de l'institution militaire sera donc engagée si, après le 17 avril, les choses se présentaient mal. L'ancien Premier ministre sous Chadli propose un gain de temps et une économie de «victimes» dans la voie de l'instauration d'une vraie démocratie. Benflis veut arriver au même but en comptant sur les citoyens mus en force agissante. Il reste à savoir quelle sera la réaction de ceux qui croient en Benflis ou dont il aura été le candidat par défaut, au lendemain de la proclamation des résultats. Et il y a déjà de l'électricité dans l'air et cette presse étrangère qui tourne en bourrique l'Algérie est en train de faire naître un fort sentiment d'humiliation.A. S.




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