Algérie

L?Organisation du congrès islamique face à la tourmente Moyen-orientale


Le dernier sommet arabe de Riyad a pris fin sur une note optimiste, celle de l?unité arabe retrouvée grâce à la bonne gestion par le roi Abdallah des différents dossiers soumis à l?examen des chefs d?Etats arabes. Les objectifs fixés pour chaque dossier ont, au départ, été revus à la baisse, ce qui a entraîné le consensus qui s?est dégagé rapidement permettant ainsi à ce sommet de se dérouler dans les meilleures conditions possibles. Parmi les invité actifs de ce sommet, le secrétaire général de l?Organisation du congrès islamique qui a participé à la rencontre consacrée au conflit somalien et organisée en marge de ce sommet ; rencontre qui a vu la participation d?autres partenaires aussi importants que les secrétaires généraux des Nations unies et de la Ligue arabe en plus du Premier ministre somalien et du président de la commission de l?UA. Cela est une première à mettre à l?actif de la diplomatie saoudienne qui a démontré sa capacité à faire dialoguer des partenaires qui avaient jusque-là, de la peine à s?écouter? Cela est aussi vrai sur le dossier du Darfour qui a vu les autorités soudanaises faire un pas en direction de l?ONU grâce à la médiation saoudienne. L?autre élément nouveau à ce sommet est la place faite au secrétaire général de l?OCI. Il s?agit, là, d?une confirmation du rôle stratégique que la diplomatie saoudienne voudrait faire jouer à l?OCI, dont le siège est à Djeddah. Il semble maintenant acquis que la diplomatie saoudienne s?appuie sur le secrétariat général de l?OCI pour se déployer dans le monde. Ce qui, à terme, va relativiser la place de la Ligue arabe. Le secrétariat général de l?OCI prenant la place de celui de la Ligue arabe, s?agissant de discuter des problèmes qui affectent le monde arabe en y impliquant de nouveaux partenaires, les pays musulmans d?Asie et d?Afrique. De plus en plus, cette organisation est appelée à renforcer sa place dans l?échiquier mondial des institutions qui ont une vocation universelle, et ce, au détriment de la Ligue arabe. Son actuel secrétaire général, Akmal Eddine Üglu, a pu, dans un récent entretien accordé à la chaîne télévisée El Jazeera, exposer la position de son organisation face à la tourmente moyen-orientale. C?est Ahmed Mansour, le très sympathique et surtout très controversé animateur de l?émission « Sans frontière », diffusée par cette chaîne tous les mercredis à partir de 20 heures, qui a recueilli son témoignage. Ahmed Mansour est connu pour ses positions définitivement antiaméricaines de même que ses affinités avec le mouvement des Frères musulmans connues de tous. Il ne les cache pas d?ailleurs. Il en a même fait les frais lorsqu?il a été agressé devant les bureaux d?Al Jazeera durant la campagne électorale par les sympathisants d?un parti hostile aux Frères musulmans, alors qu?il s?apprêtait à recevoir M. Djomaâ, secrétaire général du Wafd égyptien, pour un entretien politique? Le propre des interviews dirigées par A. Mansour est d?aborder des thèmes qui font intervenir, à un moment ou un autre, des références aux Etats-Unis pour que ce dernier puisse introduire ses remarques toujours hostiles à ces derniers, rendus responsables des maux qui rongent le monde entier. C?est ce qu?il aura tenté de faire avec M. Üglu, en voulant amener ce dernier à condamner les Etats-Unis pour avoir fait ou ne pas avoir fait telle ou telle chose à propos de tel ou tel problème auquel était confronté tel ou tel pays arabe ou musulman ; ce que M. Üglu s?est refusé de faire en adoptant une attitude toute de prudence et de fermeté? Üglu, à la tête de l?oci Cela étant, qui est M. Üglu et quelle est sa vison des problèmes qui se posent au monde arabe et au monde islamique ? Dans sa présentation de M. Üglu, A. Mansour nous apprendra qu?il était titulaire de plusieurs diplômes universitaires acquis en Egypte, en Turquie, sa patrie, et aux Etats-Unis. De plus, il serait aussi titulaire de plusieurs distinctions honorifiques délivrées par des universités européennes et américaines et qu?il maîtriserait cinq langues, dont l?anglais et le français. Il faut savoir que M. Üglu est à la tête de l?OCI depuis deux ans. A. Mansour commencera par reprocher à M. Üglu son inaction car, dira-t-il, depuis que ce dernier est en charge de cette organisation qui regroupe 57 Etats musulmans, rien de vraiment sérieux n?aurait été entrepris. Ce ton provocateur, A. Mansour l?adoptera tout au long de cet entretien. En réponse à cette première pique, M. Üglu dira qu?il s?agit là, d?une organisation vaste qui travaille selon le principe du consensus, ce qui rend difficile toute prise de décision surtout lorsque des différences importantes séparent les pays faisant partie de ce regroupement, le deuxième en importance après les Nations unies. Ces pays, dans le passé, au moment de l?existence du khalifat, avaient travaillé, selon M. Üglu, sous la même bannière, ce qui fait qu?il n?excluait pas la possibilité de les faire travailler ensemble sur les questions qui les lieraient plutôt que sur celles qui les diviseraient. Sur l?affirmation selon laquelle les pays membres dirigeraient vers cette organisation leurs politiciens, déchus ou en disgrâce, pour y occuper des postes importants, M. Üglu rappellera que la chose avait existé dans le passé. Les choses avaient beaucoup changé depuis, puisque les recrutements de l?organisation se font sur des critères techniques très rigoureux et que cette nouvelle politique avait amené à l?organisation du personnel jeune et bien formé? Sur la composition même de l?organisation et s?agissant du fait que certains pays y venaient uniquement pour réaliser leurs intérêts propres, M.Üglu rappellera que l?OCI, comme toutes les autres organisations, souffrait du fait que certains pays membres n?honoraient pas leurs engagements financiers à l?égard de l?organisation, que cette question donc était à l?ordre du jour et qu?il s?ensuivrait forcément une décision en ce sens, c?est-à-dire que la qualité de membre serait liée au respect des obligations de chacun à l?endroit de l?organisation et que les pays qui ne les respecteraient pas n?auraient pas à en faire partie. Interrogé sur la structure de l?organisation, M. Üglu dira que celle-ci développe un certain nombre de fonctions, prises en charge par des commissions qui sont des structures permanentes. L?organisation dispose déjà d?un instrument important d?interventions fort représenté par la Banque islamique de développement. Par ailleurs, elle met en place un fonds permanent de 10 milliards de dollars dont les intérêts que M.Üglu chiffre à 500 millions de dollars/an, iront servir d?aide aux pays pauvres membres de l?organisation. Ce fonds serait en cours de constitution avec un apport déjà encaissé de 1,3 milliard de dollars, 1 milliard de dollars US en provenance de l?Arabie Saoudite et 300 millions de dollars venant du Koweït. Par ailleurs, précisera M. Üglu, l?organisation est déjà sur le terrain de l?aide. Elle est intervenue en Asie du Sud-Est pour secourir les régions touchées par le tsunami et elle est présente en Palestine où elle fait parvenir des aides par le biais de l?Autorité palestinienne, sans oublier le Pakistan touché par le tremblement de terre de l?année passée? M. Üglu complétera cette partie en disant que l?organisation était en train de s?ouvrir aux ONG avec lesquelles elle envisage de développer des actions communes dans le domaine de l?humanitaire. Interrogé sur le programme de travail qui était mis en ?uvre par l?organisation et qui, selon M. Mansour, n?était pas visible par le public et encore moins connu par les pays membres eux-mêmes, M. Üglu nous apprendra qu?un groupe de travail restreint, composé de personnalités éminentes du monde musulman comprenant, entre autres, M. Demirel, ancien chef d?Etat turc, Mahatir Mohamed, ancien chef du gouvernement malaysien, ainsi que Lakhdar Brahimi, ancien haut fonctionnaire aux Nations unies, avait planché sur la question au cours d?une rencontre organisée à La Mecque entre les 15 et 17 décembre 2006. Cette rencontre s?est soldée, selon lui, par la mise au point d?un plan de 10 points à réaliser en dix ans. C?est ce plan décennal qui sera soumis pour approbation à la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres, prévue le 15 mai. L?un des points et le seul sur lequel M. Üglu s?attardera est celui relatif à l?appellation définitive de l?organisation. M. Üglu voulant faire disparaître le terme congrès de l?appellation actuelle, lequel serait, selon lui, connoté comme relatif à une action limitée dans le temps alors que l?organisation est réputée pérenne. Hamas doit s?ouvrir Sur les points chauds politiques qui concernent les pays membres, M. Üglu ne cessera de rappeler qu?il n?y a pas de baguette magique pour régler les problèmes auxquels sont confrontés les pays musulmans. A la question de d?A Mansour de savoir pourquoi la passivité des 57 pays membres devant les malheurs du peuple palestinien et sur le fait qu?aucun pays n?ait osé jusque-là, briser le blocus financier qui frappe les territoires palestiniens, M. Üglu rappellera que des aides financières parviennent bilatéralement à l?Autorité palestinienne et que le problème dont il est question, c?est-à-dire ce blocus imposé aux territoires palestiniens, serait davantage technique que politique. Ce serait le réseau bancaire avec son organisation mondialisée qui en serait responsable. Là aussi, il n?existerait pas de baguette magique pour lever cette contrainte. Sur la réunion qui a regroupé 3 pays arabes, l?Arabie Saoudite, la Jordanie et l?Egypte avec 4 pays asiatiques, la Turquie, le Pakistan, la Malaisie et l?Indonésie, tous pays à la majorité sunnite, A. Mansour la rattachera à une injonction des Etats-Unis et dont M. Dick Cheney, de passage à Islamabad se serait fait le porte-parole. M. Üglu rejettera cette approche, disant que cette réunion est une initiative de l?OCI et que celle-ci ne visait à exclure qui que ce soit, pas plus la Syrie que l?Iran. Ces pays se devaient de se réunir pour, d?abord, se mettre d?accord sur un certain nombre de problèmes dont celui du nucléaire iranien et le conflit en Irak. Ces pays ont exprimé leur solidarité s?agissant de l?acquisition par l?Iran de la technologie du nucléaire civil et ont rejeté l?idée d?un conflit supplémentaire dans la région entre les Etats-Unis et l?Iran. Sur l?éventualité de ce conflit, M. Üglu dira qu?il ne le souhaitait pas parce que ce dernier aurait non seulement des répercussions négatives pour la région mais aussi pour le reste du monde. Il a rappelé que plus de 18 millions de barils franchissaient chaque jour le détroit d?Ormuz, soit le quart de la consommation mondiale, et que la fermeture de ce passage entraînerait sur le court terme des effets catastrophiques pour des pays comme l?Inde et surtout la Chine qui ne disposent pas de stocks stratégiques en pétrole? Sur le conflit irakien, celui-ci serait passé, selon M. Üglu, par un processus d?aggravation continue qui a affecté les relations entre ethnies, religions et confessions, lesquelles seraient passées du stade de la simple opposition entre groupes communautaires à celui de conflit armé en franchissant les différents stades intermédiaires d?hostilité pour arriver à la situation que l?on connaît aujourd?hui. Pour résoudre ce conflit, il faudrait du temps, beaucoup de temps et la méthode la plus judicieuse pour y arriver consisterait à faire le chemin inverse de celui qui a conduit au conflit ouvert, c?est-à-dire faire cesser d?abord l?effusion de sang, mettre en place le cadre de la négociation politique, puis entamer cette négociation. C?est ce processus qu?il faudrait mettre en ?uvre et non pas trouver la solution de la paix tout de suite, qui est irréaliste et qui, elle, relèverait de la baguette magique? Sur le conflit israélo-palestinien, M.Üglu parlera des conseils prodigués par l?organisation aux dirigeants de Hamas au lendemain de leur victoire aux dernières législatives, sur la nécessité d?inscrire leur action dans le cadre des résolutions internationales et de ne pas chercher à s?isoler de la communauté internationale... Au final, M. Üglu semble s?être bien sorti de cet entretien piège auquel l?avait convié A. Mansour. A aucun moment, il n?a manifesté d?énervement malgré l?avalanche de questions provocatrices qui se voulaient accablantes pour lui. M. Üglu rappellera que son organisation était présente sur tous les fronts où les questions du monde musulman ont été abordées, particulièrement aux Nations unies où elle serait très active au sein de la Commission des droits de l?homme en étant à l?origine de plusieurs résolutions condamnant Israël pour ses différents forfaits à l?encontre des Palestiniens et elle serait aussi présente à la Commission de Genève pour ces mêmes droits de l?homme. L?auteur est : Sociologue
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