Le marché de l'or en Algérie n'obéit à
aucune logique. Sauf la sienne, qui voudrait que les négociants «au noir», au
bas de ruelles crasseuses dans le vieil Alger en fixent les prix, au grand dam
de l'Etat, qui ne perçoit qu'une infime portion à travers les taxes. Pour les
familles à bas salaires, il n'est plus, comme naguère, une «valeur refuge».
Le porte-monnaie de la ménagère, déjà peu
consistant subit les effets de l'accélération de l'inflation importée. Les
classes moyennes le ressentent durement. «Avec un revenu mensuel de moins de
10.000 DA (environ 100 euros), et les prix des fruits et légumes qui flambent,
nous arrivons difficilement à boucler nos fins de mois», se lamente une vieille
dame, rencontrée près de ce que l'on appelait naguère «le Mont de Piété», le
Crédit municipal où les familles dans le besoin viennent y gager leur or.
L'ancien Crédit municipal de la rue Ben M'hidi, absorbé par la Banque de
développement local (BDL), offre aux démunis, à ceux qui traversent une période
de crise financière, de baisse de leurs revenus ou qui font face à des
«accidents de la vie», de gager leurs objets les plus précieux, leurs bijoux.
Contre du liquide, ils gagent souvent d'authentiques Å“uvres d'art en or,
parfois datant de plusieurs siècles. Pour autant, le prix offert par la BDL
reste le même : 500 dinars le gramme, alors que dehors, à quelques dizaines de
mètres, ils peuvent en tirer quatre fois plus auprès de petits collecteurs, qui
les revendent ensuite aux artisans bijoutiers. Ceux-ci recyclent cet or, qui
est transformé en pendentifs, boucles d'oreilles, chaînes, etc. A la rue
Ben'Midi, tout comme la rue Debbih Cherif, c'est en fait un vrai marché
clandestin de l'or où se traitent des milliers de transactions brassant des
centaines de millions de dinars par an.
Histoire de taxes
«Le marché de l'or brasse beaucoup
d'argent, mais ceux qui le travaillent ne gagnent pas beaucoup», affirme
Abdelkrim. «Les artisans bijoutiers paient beaucoup de taxes, notamment les
droits de garantie (40 DA/g) pour l'or de 18 carats poinçonné, la taxe sur le
bénéfice, sur le chiffre d'affaires, …». Par contre, affirme-t-il, «les
bijoutiers, qui prélèvent le plus grand bénéfice, ne paient que peu de taxes
par rapport aux artisans». On trouve auprès de lui, la confirmation d'une
tendance: pour éviter de payer des taxes, jugées trop lourdes alors que le
marché est en crise, beaucoup d'artisans bijoutiers s'abstiennent de poinçonner
leurs ouvrages et les cèdent à des prix attractifs aux revendeurs, qui
squattent les ruelles de la basse Casbah. L'agence Agenor de la rue Ben M'hidi,
à quelques encablures du «Mont de Piété», l'ex-Crédit municipal, vend désormais
des ouvrages en or et en argent. Elle représente le seul organisme public où
peuvent s'approvisionner les artisans bijoutier en or fin, soit un lingot d'un
kilogramme de 22 carats qui, ajouté au cuivre (selon un dosage par poids) donne
les 18 carats. L'agence vend le lingot d'or fin à 3.170.000 dinars (soit à
3.170 dinars le gramme) indique un agent d'Agenor.
Agenor pour concurrencer l'informel
Pour réguler le marché local, l'agence
vend également des bijoux en or et en argent, et ses prix sont concurrentiels
aussi bien par rapport aux bijoutiers que des grandes tendances du marché au
noir: 2.800 DA le gramme pour les ouvrages en or de 18 carats avec en prime le
poinçon des services de la garantie. Agenor rachète également l'or cassé à
1.700 dinars, beaucoup plus que la BDL, mais sur le même registre que le marché
informel. La consommation annuelle du marché de l'or en Algérie oscille entre
100 et 150 kg, selon un responsable de l'entreprise nationale de l'or (ENOR),
qui situe les besoins du marché national à plus de 10 tonnes. «La matière
première manque, c'est pour cette raison que les artisans bijoutiers se
rabattent sur l'or cassé pour faire tourner leurs ateliers, d'autant que l'or
fin 22 carats est cher», souligne de son côté Rabah, qui avait un atelier à Bab
Jdid, sur les hauteurs de la Casbah. En Algérie, l'or reste l'une des plus
importantes activités artisanales, et brasse annuellement plusieurs dizaines de
milliards de dinars. Il fait travailler, selon les services de la direction
générale des Impôts (DGI) et l'Association des bijoutiers plus de 10.000
personnes directement à travers le territoire national. Quant à l'évasion
fiscale dans ce secteur, elle est estimée à plusieurs milliards de dinars par
an, selon des inspecteurs de la DGI.
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Posté Le : 15/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Boualem Alami
Source : www.lequotidien-oran.com