Il n'existe pas de programme nucléaire
maghrébin mais, de manière séparée, l'Algérie, la Libye, la Tunisie et le Maroc
ont des ambitions en matière de développement d'une industrie électronucléaire.
Des accords généraux ont été signés avec des fournisseurs potentiels, les choix
industriels ne sont pas encore faits. La France qui est particulièrement active
dans le domaine a déjà signé des accords de faisabilité et de financement de
centrales nucléaires. L'enjeu est d'abord économique. Mais les choix à faire
ont des implications stratégiques lourdes.
Que ce soit pour préparer l'après pétrole
et gaz (cas de l'Algérie et la Libye) ou par souci d'indépendance énergétique
chez les pays peu pourvus en ressources fossiles (Maroc, Tunisie), se doter de
l'énergie nucléaire est désormais inscrit sur l'horizon moyen. Le Maroc, même
s'il a pris résolument option sur les énergies renouvelables propres (éolien
solaire) a intégré le nucléaire dans sa stratégie de sécurisation énergétique.
Les chiffres de la dépendance actuelle à l'égard des ressources fossiles l'y incitent
: plus de 90% de son énergie est importée, le pétrole représente à lui seul 30%
du volume global des importations du pays. La signature, le 2 juillet dernier,
d'un accord de coopération avec la France «pour le développement des
utilisations pacifiques» est un accord cadre destiné à «préparer» le Maroc à
entrer dans le domaine de l'énergie nucléaire. Les choix économiques et
industriels – même si la France de Sarkozy mène une politique agressive au
Maghreb et dans le monde arabe pour prendre de court la concurrence – ne sont
pas encore faits. Les prévisions marocaines tablent sur la mise en activité de
la première centrale nucléaire ente 2022-2024. Les appels d'offres et
négociations de contrats auront lieu entre 2011-2014. Un réacteur de 2MW a été
mis en service en 2007. Un protocole d'accord a été signé au cours de la même
année entre le groupe Areva et l' l'Office chérifien des phosphates dans le
domaine de la recherche et l'extraction de l'uranium. Le Maroc recèlerait
quelque 6 millions de tonnes d'uranium dans ses phosphates. L'Algérie qui
dispose déjà de deux réacteurs nucléaires d'essai dont un de 40 mégawatts de
technologie chinoise, d'un institut de recherche dédié à la filière et d'un
gisement d'uranium inexploité a déjà signé des protocoles de coopération
technologiques avec les grands pays maîtrisant l'atome. La première centrale
nucléaire en Algérie est envisagée vers 2020.
Une polémique franco-allemande significative
«Vers 2020, l'Algérie aura probablement sa première centrale
nucléaire et nous aurons une centrale tous les cinq ans après» a indiqué
l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil. La Tunisie qui dispose d'une
petite production de pétrole et de gaz a été, jusque-là, relativement
autosuffisante. Le déclin de cette production et l'accroissement des besoins
ont incité à introduire le recours à l'énergie nucléaire comme une priorité. Un
accord a été conclu avec la France à la fin 2006 et une centrale nucléaire de
900 MW est envisagée pour la période 2020-2024. La Libye, pays pétrolier et
gazier, n'est pas en reste. Elle a multiplié les accords-cadres avec de
nombreux pays. La signature en 2007 par Nicolas Sarkozy, en visite à Tripoli,
d'un mémorandum sur le nucléaire, a suscité une réaction significative du
gouvernement allemand. Outre le « risque de prolifération », le ministre
délégué allemand aux affaires étrangères de l'époque, M. Gernot Erler, a
reproché au gouvernement français d'agir contre les intérêts allemands.
L'Allemagne a «déjà fait des propositions» à la Libye pour y développer le
secteur des énergies renouvelables, avait-il fait remarquer. Les choix de
stratégie énergétique des pays du Maghreb et dans le reste du monde arabe –
pays solvables, s'il en est – sont bel et bien au cÅ“ur d'une concurrence entre
européens. Le projet Desertec – connexion de plusieurs grandes centrales
solaires thermiques installées en Afrique du Nord – piloté par les Allemands
(un investissement de 400 milliards d'euros) a fait l'objet de rudes attaques
en France. Jean Louis-Guigou, président d'un think Tank français (Ipemed) a
ainsi parlé d'un «scandale solaire au Sahara». Mais sa charge contre les
«élites et chroniqueurs aux yeux bleus» dont il dénonce «l'instinct de
prédation», a été perçue essentiellement comme une défense des intérêts bien compris
de l'industrie nucléaire française dont Nicolas Sarkozy s'est fait le VIP. Cela
n'a pas empêché l'Union européenne de soutenir le projet Desertec qui suscite
une adhésion enthousiaste des Marocains et une réserve, pas toujours claire, de
la part de l'Algérie. Du moins de l'ex-ministre de l'Energie Chakib Khelil. En
contraste avec l'attitude frileuse de l'ancien ministre, Issad Rebrab, patron
de Cevital et membre «historique» du projet Desertec, considère celui-ci comme
stratégique et générateur de beaucoup d'industries en Algérie.
Sarkozy : «Désactiver une centrale de
l'extérieur…»
Le solaire s'oppose-t-il au nucléaire au Maghreb où la part des
énergies non fossiles est actuellement inférieure à 1% ? Si en raison du
potentiel solaire maghrébin le choix de l'énergie solaire s'impose, des
spécialistes estiment que le Maghreb ne devrait pas, quitte à mesurer ses
investissements, se mettre en marge de la maîtrise de l'électronucléaire.
Celui-ci devrait apporter une partie de la part des énergies non fossiles qui
pourraient atteindre les 15% en 2030. Des questions de fond se posent pour des
pays «suspects», selon la conception des occidentaux, comme l'Algérie et la
Libye. Leur sécurité énergétique sera-t-elle forcément assurée. Le président
Nicolas Sarkozy, vendeur en chef de l'industrie nucléaire française a estimé
qu'en cas de «crise», il sera fait recours à «un système permettant de
désactiver une centrale nucléaire depuis l'extérieur». Voilà qui pose une
question de fond en matière de sécurité énergétique des pays concernés et
éclaire parfaitement les enjeux de la «crise nucléaire iranienne». Faut-il dans
ces conditions faire «confiance» aux fournisseurs de la centrale quand on est
un pays constamment suspect car essayant tant bien que mal à préserver sa marge
d'autonomie ? Devant le risque d'être «désactivé», certains pourraient en
conclure, non sans raison, que le soleil et le vent sont stratégiquement
beaucoup plus sûrs.
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Posté Le : 13/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salim Rabia
Source : www.lequotidien-oran.com