Algérie

L'opposition tunisienne en rangs dispersés


L'avenue Habib Bourguiba, artère principale du centre de Tunis, impressionnait hier par le dispositif policier renforcé, très visible aux yeux de ceux qui s'y sont rendus malgré les craintes sécuritaires ayant imposé sa fermeture à la circulation automobile et la présence massive d'agents et de véhicules de police.Sur le boulevard, les agents de sécurité sont partout, en civil et en uniforme. Ils paraissent même plus nombreux que les citoyens ordinaires passant par là.Pour sécuriser les lieux et parer aux menaces, le ministère de l'Intérieur a placé des barrières doubles métalliques pour fermer tous les accès à l'avenue Bourguiba. Deux véhicules de police pointent à chaque accès. Ces barrières sont surveillées par plusieurs agents de sécurité et permettent de filtrer les piétons accédant à l'avenue et d'opérer les fouilles et la vérification d'identité, en cas de besoin.Toutes ces contraintes n'ont pourtant pas empêché les memebres des partis de l'opposition et des organisations de la société civile de descendre dans la rue contre le projet de loi de réconciliation économique, et ce, malgré le refus du ministère de l'Intérieur de leur accorder une autorisation. Un compromis a été obtenu à l'arraché en dernière minute, consistant à ce que la manifestation ait lieu, sans autorisation, et qu'elle bénéficie de la protection policière.«Non au pardon»Les manifestants se sont rassemblés à partir de 14h au niveau de la statue d'Ibn Khaldoun, entre l'ambassade de France et la cathédrale de Tunis. Quelques députés de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) étaient là, comme Jilani Hammami, Nizar Amami ou Ahmed Seddik. Pour des raisons sécuritaires, le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, et le député Zied Lakhdhar n'ont pris part qu'à une partie de la marche.Il y avait près de 500 manifestants brandissant des drapeaux du parti Al Massar, du Front populaire et de la centrale estudiantine UGET. Essentiellement des jeunes qui scandaient des slogans appelant à la reddition des comptes : «Nous refusons le pardon et demandons la poursuite des voleurs». Un autre slogan incriminait les partis Nidaa Tounes et Ennahdha : «Ennahdha et Nidaa, ennemis du peuple», ou encore : «Fidèles aux martyrs de la nation».Une trentaine de personnes, non identifiées par des dossards spécifiques, ont essayé de former un cordon de sécurité. Mais la manifestation a vite fait de se diviser en groupuscules, avant de finir de longer l'avenue Habib Bourguiba sur quelques centaines de mètres jusqu'à la place du 14 Janvier (la grande horloge).Cette marche a été organisée par l'Entente nationale et sociale pour le retrait du projet de loi sur la réconciliation économique et la réforme du parcours de la justice transitionnelle. «Il ne suffit pas que Béji Caïd Essebsi mette sa main dans celle d'Ennahdha, alors que nous l'avons soutenu pour barrer la route aux islamistes. Le voilà en train d'ouvrir la voie au retour des corrompus et autres symboles de l'ancien régime», dit avec amertume Raoudha, la soixantaine, militante féministe. Elle exprime son ras-le bol de l'écart des gouvernants par rapport aux objectifs tracés suite à la chute de Ben Ali, le 14 janvier 2011. «Rien n'a été fait pour mettre fin au chômage et à la pauvreté, ou pour les régions marginalisées», ajoute-t-elle.Où sont les dirigeants 'Une heure plus tard, deux autres cortèges se sont formés. Le premier à la même place, alors que le deuxième a pris place devant le théâtre municipal. Celui posté devant la statue d'Ibn Khaldoun répondait à l'appel d'une coalition de partis réunissant Ettakattol, Ettayar, Ettahalof, Al Joumhouri et le CPR. Mais aucun dirigeant de ces partis n'était présent. Il n'y avait ni l'ex-président de l'ANC et président d'Ettakattol, Mustapha Ben Jaâfar, ni la secrétaire générale du parti Al Joumhouri, Maya Jeribi. Même les députés Iyad Dahmani et Samia Abbou n'ont pas pris la peine de faire le déplacement.Pourtant, ils étaient tous là, lors de la conférence de presse annonçant cette marche. «Nous tenons à cette marche pour défendre le droit à la parole et contester l'illégitime état d'urgence», avait déclaré le député Iyed Dahmani, président du bloc parlementaire social-démocrate, lors de la conférence de presse. Finalement, juste 200 personnes ont répondu à l'appel malgré la déclaration de l'ex-président Moncef Marzouki en faveur d'une participation active de ses sympathisants à cette marche.Cette branche de manifestants a insisté sur un slogan contre l'amnistie pour les voleurs : «La reddition des comptes est inévitable pour les symboles d'Ettajamaâ», l'ex-parti au pouvoir.Pour la troisième manifestation, organisée par le collectif civil «manachmsamhin» (nous ne voulons pas pardonner, ndlr), elle n'a réuni qu'une centaine de personnes. Les initiateurs de cette manifestation voulaient la séparer de celle des partis. «Tous les partis ont failli à leurs promesses. Nous voulons donc nous dissocier du monde politique et sortir protester seuls, dans la rue, contre cette loi anticonstitutionnelle et encourageant la corruption», explique Ahmed Souab, juge au tribunal administratif et membre de ce collectif.Le bras de fer engagé entre l'opposition et le gouvernement la semaine dernière supposait la préparation d'une véritable mobilisation dans la rue. Finalement, ce ne fut qu'un feu de paille. Le nombre total de manifestants n'a pas atteint le millier et ils étaient en rangs divisés. Ce constat a provoqué le soulagement des partis du pouvoir. «Alors que nous essayons d'asseoir un consensus pour réussir la transition socioéconomique, d'autres s'attachent à des slogans creux.Mai, la manifestation d'aujourd'hui a montré qu'ils sont toujours au même niveau de sympathie populaire que lors des élections du 26 octobre», commente le député de Nidaa Tounes, Mustapha Ben Ahmed. «Il y a une différence de taille entre les polémiques sur les plateaux télévisés et la réalité du terrain», conclut-il.Les manifestations se sont finalement déroulées dans le calme.La police a fait preuve d'un comportement digne des démocraties occidentales. Les pratiques démocratiques commencent à s'installer en Tunisie.


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