Si le ministre des transports, Amar Ghoul et le PDG d'Air Algérie, Mohamed Boultif, repoussent avec acharnement l'heure de l'Open Sky, c'est, en fait, parce que l'ouverture à la concurrence comporte deux inconvénients majeurs.D'abord, il faut savoir que le traité Ciel ouvert (en anglais : Treaty on Open Skies) met en place un programme de vols de surveillance non armés sur la totalité du territoire des Etats parties. Il vise à renforcer la compréhension et la confiance mutuelle en donnant à tous ses participants, quelle que soit leur taille, un rôle direct dans la collecte d'informations au sujet des forces militaires et des activités qui y sont liées. « Ciel ouvert » est l'un des efforts de plus grande portée au niveau international pour promouvoir l'ouverture et la transparence dans ce domaine. Le concept d'« observation aérienne mutuelle » a été proposé au premier ministre soviétique Boulganine par le président américain Eisenhower lors du sommet de Genève, en 1955 ; l'Union soviétique le rejette ; il reste donc en sommeil plusieurs décennies. Le président George Bush relance l'idée d'un traité « Ciel ouvert » en 1989. Après des négociations entre les membres de l'OTAN et du Pacte de Varsovie (dissous en 1991), il est signé à Helsinki le 24 mars 1992. Les Etats-Unis le ratifient en 1993 et la Russie en 2001, ce qui permet l'entrée en vigueur du traité au 1er janvier 2002 ; il compte actuellement trente-quatre Etats parties.Les conséquences de l'ouverture du ciel algérienAinsi, en Algérie, l'ouverture de la concurrence oblige, d'abord, à assumer une cohabitation compétitive avec des transporteurs étrangers ou nationaux. Or, dans un système concurrentiel, on ne décide pas de ses prix ; c'est le marché qui en décide. On est donc contraint de maintenir ses dépenses en dessous de ses recettes, qui, elles-mêmes, sont déterminées par la confrontation de sa gestion à la réalité du marché. Quand, dans un système de monopole ou de quasi-monopole, on calcule les prix en fonction de la dépense. En gros, donc, au lieu de s'adapter aux standards de coûts et de tarifs, on fait supporter à la clientèle "liée" - l'immigration, essentiellement, puisque c'est elle qui voyage en haute saison - des coûts qui, au lieu d'être gérés, sont constatés. La concurrence contraint, ensuite, à une consommation parcimonieuse des ressources. Un transporteur aérien en situation compétitive ne peut se permettre un suréquipement immobilier avec des agences et des sureffectifs et, donc, des charges, à chaque coin de rue. Et ne peut surtout pas servir de réseau de placement d'enfants de pontes du régime à l'étranger. Comme les privilégiés sont nombreux et que les ambassades et consulats ne suffisent plus à leur assurer à tous des postes de proconsuls, les entreprises à succursales (Sonatrach, Air Algérie...) sont sollicitées pour prendre en charge ces...expatriés de luxe. Tout cela a un coût et demande un niveau de recettes trop élevé, impossible à réaliser dans une situation d'Open Sky. Pour conserver cette situation de rente, on invoque l'opposition à l'ouverture du ciel national comme une position de principe patriotique, un acte de souveraineté. Le monopole rentier se nourrit souvent du prétexte de la souveraineté. Dans les faits, le différentiel de tarif qu'autorise le quasi-monopole sert à financer le confort de gestion, les surcoûts dus aux fortes immobilisations et le budget qui sert en partie à entretenir en devises des enfants gâtés du système. Il va sans dire que ce choix dépasse le cadre de la décision d'entreprise. C'est un choix politique conforme à la logique rentière de l'économie nationale. C'est pour cela que les promesses déçues de baisse de tarifs mettent l'entreprise en difficulté relationnelle avec ses clients, ces promesses étant elles-mêmes le produit d'intrusion politique - et politicienne - dans la gestion d'entreprise.L'expérience marocaineLa définition de ciel ouvert repose sur plusieurs dispositions principales qui tracent le cadre d'une déréglementation en matière de services du transport aérien au niveau mondial. La politique du ciel ouvert adoptée par le ministère du Transport américain depuis 1992 concerne principalement dans une première phase, les partenaires européens des Etats-Unis, mais a été étendue progressivement aux autres régions du monde. Le Maroc a signé son accord du ciel ouvert avec l'Union européenne en 2005. Il s'agit du libre accès à toutes les lignes. C'est la clé de voûte de l'ensemble des mesures de libéralisation et de déréglementation qui consiste à autoriser toutes les compagnies aériennes à opérer librement entre les différents aéroports. La deuxième mesure est en rapport avec les capacités et fréquences illimitées sur toutes les lignes. Elle permet aux compagnies aériennes de mettre en place sans contrainte des stratégies de hubs (aéroport pivot). Ces derniers permettent en effet de regrouper l'essentiel du trafic autour de quelques plateformes aéroportuaires, en renforçant les liaisons avec les différents hubs. Cette stratégie suppose la liberté d'accroître considérablement certaines fréquences au-delà du seul trafic direct pour pouvoir accueillir tous les passagers en correspondance. Une autre disposition concerne l'autorisation d'opérer de tout point de chacun des pays sans restrictions. Cette facilité permet de compléter la mise en place de stratégies de hubs par les compagnies aériennes, notamment avec la possibilité de desservir des points intermédiaires et au-delà, et l'autorisation d'exploitation et un nombre illimité d'avions de moindre capacité de/vers les points d'entrée internationaux. La possibilité de fixer librement les tarifs est une des conditions essentielles de la libéralisation du transport aérien. Elle permet aux compagnies aériennes les plus performantes de s'implanter sur de nouvelles lignes et d'accroître leurs parts de marché. Toutefois, les pratiques de dumping doivent rester prohibées afin de garantir l'intérêt à long terme du consommateur. La sixième disposition se traduit à travers des accords libéraux dans le domaine du fret. Ces accords doivent notamment permettre de distinguer le tout-cargo du transport combiné en permettant aux compagnies aériennes de déterminer librement le type d'appareil le mieux adapté à la demande ligne par ligne. Il s'agit aussi de la possibilité pour les transporteurs de convertir leurs revenus en devises fortes et de les rapatrier sans restrictions. Cette mesure concerne les accords entre pays aux systèmes économiques différents, notamment lorsqu'il existe des contrôles de change. Pour ce qui est de la possibilité de partage de code (code sharing ), elle est utilisée par les compagnies aériennes qui veulent réorganiser leur réseau et leur système de vente dans le cadre d'un partenariat au niveau mondial . En dehors de la politique de ciel ouvert, il peut exister des accords de code sharing mais limités au partage, ligne par ligne, sans harmonisation des produits et sans gestion commune des recettes et des dépenses . Face à cette nouvelle politique de déréglementation dont les effets sont très importants en matière de politique touristique, les entreprises du secteur se trouvent dans la nécessité de mettre en place les adaptations nécessaires en renforçant notamment leur coopération dans le cadre d'une plus forte intégration internationale des produits touristiques , telle que l'indiquent les nombreux accords et regroupements entre entreprises touristiques et compagnies aériennes . Communication choc Certaines pratiques des compagnies low cost provoquent la polémique et leur font ainsi un peu de pub , ce qui n'est pas pour leur déplaire . Pour faire parler de soi, rien de tel que des campagnes de communication choc , ça reste dans les mémoires . Le patron de Ryanair , l'Irlandais Michael O'Leary , passe son temps à casser du sucre sur le dos des autres compagnies aériennes . Dans un style plus commercial, Ryanair n'hésite pas à organiser des promotions spectaculaires. Au mois de juin 2003, pour annoncer en fanfare qu'elle était plus ponctuelle qu'Air France, statistiques à l'appui, la compagnie a offert 20. 000 sièges gratuits en deux jours. Gratuits si on veut, car les taxes, elles, n'étaient pas offertes. Et que dire de la géniale idée de SkyEurope Airlines , qui , pour promouvoir la création en août 2003 de sa ligne Paris-Bratislava , s'est payé les services de la très légèrement vêtue Adriana Karembeu ' Plus récemment, Ryanair a été au centre de plusieurs polémiques. Tout d'abord, la transparence en ce qui concerne les taxes et autres suppléments. Ainsi, en juillet dernier , Eva Lichtenberger , une eurodéputée autrichienne membre de la commission des transports du Parlement européen , a demandé à la Commission d'enquêter sur les pratiques tarifaires de la compagnie à bas coût . Selon la députée , Ryanair imposerait des taxes abusives au départ des aéroports de Dublin , de Charleroi en Belgique et de Rome , Pise , Trévise et Alghero en Italie . Ainsi , selon le quotidien britannique Daily Telegraph , Ryanair fait payer aux passagers embarquant à Dublin une " taxe pour le service des passagers " d'un montant de 15,40 par billet alors que la taxe d'aéroport s'élève de 6,80 , service aux passagers et frais de sécurité inclus. Ryanair a rejeté ces accusations, prétendant que toutes les taxes correspondaient à des frais imposés par les aéroports. Autre petit souci : la sécurité . En février dernier , Channel 4 a diffusé un documentaire sur la low cost irlandaise . Ryanair manquerait aux règles de sécurité, en plus d'épuiser ses équipages et de négliger le nettoyage de ses avions. Pendant cinq mois, deux journalistes de la chaîne, qui se sont fait passer pour des apprenties hôtesses de l'air, ont filmé, à l'insu de la compagnie, son programme de formation et les conditions de travail à bord des avions . La recette des bas prix. La recette des compagnies low cost est simple : transporter le plus de personnes possible à des prix imbattables, en faisant voler les avions au maximum entre les aéroports les moins chers d'Europe (souvent des bases secondaires , comme Beauvais en France ou Gérone en Catalogne ). Autre secret : employer le moins de personnel possible , en particulier au sol , et faire dépenser le plus d'argent possible aux passagers en dehors du prix des billets car tous les petits extras sont payants . Pour pouvoir proposer des prix défiant la concurrence , il n'y a donc pas de petites économies . Les compagnies à bas coût exploitent un système bien rodé. Pour éviter les frais d'émission , de distribution et de contrôle , les compagnies se contentent d'attribuer un numéro de confirmation , à préciser lors de l'enregistrement . Il n'existe qu'une seule classe , les services à bord sont réduits au minimum et sont généralement proposés en option . Pas de plateau-repas ni de collation offerte , il faut prévoir son casse-croûte ou bien l'acheter dans l'avion . Les sièges ne sont pas non plus attribués à l'avance , les passagers se débrouillent une fois à bord : si chacun reste civil , cela doit en principe se passer sans encombre. Enfin , chez easyJet et Ryanair , il faut désormais payer pour enregistrer ses bagages . Ryanair fait payer 7,50 euros tout bagage en soute et 2,50 euros sur Internet, dont le poids maximum autorisé a été réduit à 15kg dès le 1er novembre 2006. easyJet est moins pingre. Ses passagers doivent payer 7,50 euros par bagage supplémentaire au moment de l'achat de leur billet sur Internet, ou 15 euros lors de l'enregistrement . Les tracas de la paperasserie sont évités par le recours quasi exclusif à Internet . Chez easyJet , la gestion interne de l'entreprise se fait entièrement par informatique , pas de papiers pour encombrer les bureaux ! Les voyageurs, quant à eux, sont encouragés à réserver leur billet en ligne afin de réduire au minimum les commissions (pensez donc, un billet émis par agence coûte 10 dollars à la compagnie, contre 1 dollar sur Internet!). Les compagnies low cost n'utilisent pas non plus les services des agences de voyages . Ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas passer par le Web appelleront les centrales de réservation des compagnies, mais attention, les offres ne seront pas forcément aussi alléchantes que sur le Net... Les résultats sont probants : Ryanair effectue 98% de ses ventes en ligne et easyJet, 90%. Le choix des aéroports est également stratégique. Ils sont la plupart du temps excentrés et plus petits que les principales plates-formes aériennes . Si Beauvais , par exemple , attire les compagnies qui desservent Paris , c'est parce que les aéroports secondaires imposent moins de taxes et qu'ils sont moins saturés . Ils permettent ainsi de plus nombreuses rotations aériennes , donc un meilleur rendement , soit une plus grande rentabilité. C'est a fortiori moins rentable pour le voyageur , qui , lui , doit prévoir un budget de transport supplémentaire pour rallier l'aéroport ( un aller Paris-Beauvais en navette autobus coûte 13 euros ).
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Posté Le : 06/04/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ismain
Source : www.reflexiondz.net