Algérie

L’ombre de la crise plane: L’Algérie est-elle préparée à un nouveau choc pétrolier?



L’ombre de la crise plane:  L’Algérie est-elle préparée à un nouveau choc pétrolier?




L’effondrement des cours du pétrole et le refus de l’OPEP de revoir ses plafonds de production n’augurent rien de positif pour l’évolution des agrégats économiques et financiers de l’Algérie en 2015. Les prévisions gouvernementales, ayant tablé sur une légère hausse des revenus issus des hydrocarbures, semblent aujourd’hui bien compromises. En fait, rien ne semble aujourd’hui freiner la baisse des cours. L’ex-directeur général de Sonatrach, Nazim Zouiouèche, estime dans ce sens que plusieurs facteurs se réunissent pour pousser les prix du baril vers le bas.

Au-delà des fondamentaux de l’offre et de la demande — avec une surabondance de l’offre et une baisse de la demande justifiée à la fois par un contexte de crise et des efforts entrepris par les pays consommateurs en termes d’économie d’énergie et de promotion des énergies renouvelables —, la guerre menée aujourd’hui par les monarchies du Golfe à l’effet de sauvegarder leurs parts de marché ne fait qu’aggraver la donne. L’attitude de l’Arabie Saoudite dans ce sens soulève moult interrogations. Si la baisse de la production de l’OPEP dépendait du plus gros producteur du cartel, celui-ci avait, au final, opté pour le statu quo. Une attitude que la majorité des analystes mettent sur le compte de la volonté de cette monarchie de mettre à mal la production des schistes américains, industrie nécessitant des prix élevés afin d’assurer une certaines rentabilité.

Une hypothèse que l’ex-patron de Sonatrach met en doute. Le fait est que, selon lui, l’Arabie Saoudite refuse d’être un swing producer comme elle l’avait fait durant les années 1980, craignant qu’une baisse de la production OPEP ne profite au final aux producteurs non-OPEP. Nazim Zouiouèche n’écarte pas non plus le facteur géostratégique, bien au contraire.

Se référant au pacte Quincy liant l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis depuis février 1945 et renouvelé en 2005, il estime qu’il serait étonnant de penser que l’Arabie Saoudite cible effectivement l’industrie américaine du pétrole et que l’explication géostratégique serait parfaitement plausible.

Le fait est que la Russie joue un rôle qui agace la Maison-Blanche dans la crise ukrainienne, que l’Iran est l’un des principaux soutiens du régime de Bachar El Assad en Syrie et les tiraillements caractérisant les rapports entre le Venezuela et le pays de l’oncle Sam laisseraient penser que l’impact qu’une dégringolade des cours du brut sur ces pays ne gêne non seulement pas l’Arabie Saoudite, mais arrange les affaires de son allié américain. Une situation qui pourrait bien nous renvoyer au début des années 1980, lorsque le regain de tensions entre l’Amérique de Reagan et l’ex-URSS s’était soldé par le choc pétrolier de 1986, lequel a été suivi par l’éclatement du bloc soviétique. Une analogie que l’ex-patron de Sonatrach n’écarte pas ; il estime dans ce sens que la crise de 1986 a eu des conséquences dramatiques sur l’Algérie. Celui-ci pense que ce que nous vivons en 2014, peut être comparé à ce qui s’est passé en 1984 et 1985.

La question est de savoir aujourd’hui si l’Algérie est préparée à ce genre d’éventualité, poursuit-il. M. Zouioueche met en avant l’ampleur des dépenses prévues dans le cadre de la loi de finances 2015, qui dépassent les 100 milliards de dollars. Même s’il rappelle que le Fonds de régulation des recettes (FRR) peut, dans une certaine mesure, amortir les chocs, celui-ci ne pourra certainement pas combler les déficits en cas de baisse prolongée des cours. Il rappelle à ce titre que l’épargne cumulée au sein du FRR –qui dépassait les 7.000 milliards de dinars – devrait baisser à 4.200 milliards de dinars en 2015.

Dépenses d’équipement, transferts sociaux et subventions sont autant de postes qui méritent que l’on se penche dessus sérieusement. Des questions que se posent avec acuité lorsqu’on sait que les salaires et les transferts sociaux constituent 80% des dépenses de fonctionnement, estimées à près de 50 milliards d’euros dans le cadre de la loi de finances 2015. La situation financière externe est, elle aussi, fragilisée par l’effet combiné de la hausse crescendo des importations de biens et services et la baisse continue (en volume et en valeur) des exportations d’hydrocarbures. Il serait judicieux de rappeler dans ce sens que la Banque d’Algérie a évoqué, dans son rapport de conjoncture pour le premier semestre 2014, un déficit de la balance des paiements de 1,32 milliard de dollars s’étant traduit par un léger recul des réserves de change.

Autant d’éléments qui rappellent la fragilité de l’aisance financière dont se targue le gouvernement. Un premier coup de semonce, certes, qui devra induire des mesures sérieuses si l’on veut, comme l’indiquait il y a quelques jours l’ex-ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, les 18 millions d’Algériens constituant les deux quintiles les plus vulnérables d’un basculement économique et social.




Le brent chute en dessous des 70 dollars

La décision de l’OPEP de maintenir son plafond de production à 70 dollars commence à avoir des conséquences pour le moins dramatiques sur les cours du brut. Ayant fortement dégringolé jeudi dernier en réaction à la décision de l’OPEP, les prix du brent et du WTI ont clôturé la semaine (vendredi) avec des plus bas jamais atteints depuis plus de quatre années.

Si le WTI coté sur le New York Mercantile Exchange (Nymex) a perdu de 7,54 dollars pour s’établir à 66,15 dollars, le brent, lui, est passé en dessous de la barre psychologique des 70 dollars pour chuter à 69,78 dollars, son niveau le plus faible depuis mai 2010. Rien ne semble donc arrêter l’inexorable dégringolade des cours du brut. Les analystes des banques d’affaires se montrent peu pessimistes en avançant que les cours du pétrole baisseront avant de se stabiliser, côté producteurs les craintes se font de plus en plus pesantes. Jeudi, Igor Setchine, PDG de Rosneft, a fait part, dans un entretien accordé à un quotidien autrichien, de sa crainte de voir le prix du baril s’effondrer en dessous de 60 dollars, même si le président russe, Vladimir Poutine, dit compter sur un rehaussement de la demande hivernale pour stabiliser le marché dès le premier trimestre ou d’ici le milieu de l’année.

Face à cette situation, certains pays qui pourraient être lourdement affectés par la chute des cours ont d’ores et déjà décidé de prendre des mesures, à l’image du Venezuela où le président Nicolas Maduro a décidé, dès vendredi, d’ordonner des coupes budgétaires. Le président vénézuélien a également demandé de «procéder à un examen des traitements et salaires de tous les employés des ministères, des entreprises publiques, à commencer par le Président» et a ajouté qu’il attendait «une proposition de réduction substantielle» des salaires et traitements de la haute direction, des ministres et ministres délégués, des présidents et vice-présidents des entreprises d’Etat. (M. R.)


Roumadi Melissa



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