Le 16 octobre 1956 à l'aube, les services secrets français arraisonnent près des côtes marocaines le yacht 'Athos" en provenance d'Alexandrie (Egypte) avec 80 tonnes d'armement destiné aux troupes de l'ALN. Par cette opération, la France confirme l'envergure que vient de prendre la jeune Révolution algérienne.
Car si l'échec est consommé, il est important de faire un flash-back sur une opération à versions contradictoires. Machaâl Echahid a le mérite encore une fois de dénicher deux 'rescapés", que Dieu leur prête vie, dont les témoignages, hier au Forum de la mémoire du quotidien El Moudjahid, ont été émouvants. Il s'agit de Mohamed Sabagh et El-Hadi Hamdadou à qui échoit l'honneur d'avoir participé à cette opération. Une troisième personne en l'occurrence le chahid Mohamed-Ouali Igroufa (mort à la prison de Berrouaghia des suites de tortures physiques et morales) a été représentée par sa famille et ses amis. Au commencement, Ben Bella prépare l'opération à partir du Caire pour répondre positivement aux responsables FLN de l'intérieur (Abane et Krim). Il réussit à convaincre son ami le président Nasser d'aider la jeune Révolution algérienne. En fait, le raïs avait compris que celle-ci était bien enclenchée et que le FLN qui cherchait des armes en avait les moyens. Il faut rappeler qu'une année auparavant, deux opérations de livraison d'armes ont été concrétisées à partir de l'Egypte pour aider la rébellion marocaine, bien qu'elles fussent de moindre importance.
Cette fois, la cargaison approche 80 tonnes. L'opération prévue pour octobre 1956 est confiée à un homme de confiance de Ben Bella, un officier supérieur des services secrets égyptiens du nom de Fathi Eddib. Ce dernier achète un yacht 'Le Brievels" en Grande-Bretagne et recrute un armateur soudanais Ibrahim Al-Niyal, qui, à son tour, fait appel à un capitaine aventurier, le Grec Nicolas Cocavessis. Le yacht prend la mer durant plusieurs jours pour atteindre le petit port marocain de Nador où il est intercepté par les services français suite à une localisation radio. Cette version est donnée par le Fathi Eddib dans son livre. Ce que Mohamed Sabagh réfute et accuse ce dernier de trahison au profit de l'ennemi. Contrairement à ce qu'il prétendait Fathi Eddib était divergent avec Ben Bella sur la conduite de l'opération. Il s'avérera par la suite que l'officier égyptien a fait de la diversion en accusant Ibrahim Al-Niyal. Quant au groupe devant accompagner la cargaison, précise Mohamed Sabagh, il ignorait tout de la mission. Il n'y a tout simplement pas été associé. 'Fathi Eddib n'a pas du tout aidé à la réussite de l'opération", a conclu l'intervenant.
De son côté, 'El-Hadi Hamdadou rappelle une opération similaire effectuée une année auparavant par un groupe de sept étudiants algériens au Caire dont Mohamed Boukharouba (Houari Boumediene). Quant au nom 'Athos", le conférencier a précisé que ce sont bien les services secrets français qui l'ont donné au yacht après son arraisonnement. De son recrutement, M. Hamdadou dira qu'il a fait partie des six Algériens choisis, dont Mohamed Sabagh, pour encadrer la mission du yacht. Il rencontre Tedjini Haddam (ancien ministre) au port d'Alexandrie et on le met au parfum de l'opération. Il rencontre également Fathi Eddib et font connaissance avec Ibrahim Al-Niyal présenté par Tedjini Haddam. Ibrahim Al-Niyal est un trafiquant d'armes qui jouissait de la confiance de Ben Bella et de Tedjini Haddam. Mais Fathi Eddib l'accuse de traître en faisant dire qu'il est le responsable direct de l'échec de l'opération. Les services secrets français étaient initiés des mois avant le déroulement de l'opération. C'est le Mossad qui a informé les Français. Il faut dire que l'été 1956 a été chaud pour la France qui devait faire face à plusieurs fronts (le Congrès de la Soummam et son retentissement sur le plan international, la nationalisation du canal de Suez par Nasser). Le voyage de l Athos" durera douze jours sans escale, confie M. Hamdadou, mais nous étions suivis. Le 16 octobre, nous nous rapprochions des côtes marocaines quand nous avons été abordés par la corvette de la marine française. On venait de découvrir la cargaison et les assurances d'Ibrahim Al-Niyal ne furent que des mots. Ce dernier n'avait pas hésité à avouer aux autorités françaises l'objectif de la mission prétextant n'avoir pas pu supporter la torture des services français. Après plusieurs séjours dans les prisons d'Oran et d'Alger, nous fûmes condamnés (Mohamed Sabagh et moi-même) à 20 ans de prison ferme et Mohamed Ouali Igroufa à 18 ans. Des peines commuées à 10 ans pour chacun de nous passées à la prison de Berrouaghia où Mohamed Ouali Igroufa est mort quelques mois après notre incarcération des suites des tortures qu'il a subies" raconte M. Hamdadou.
Quelle que soit l'issue de cette opération, l'administration coloniale a fini par se rendre à l'évidence : la Révolution algérienne était bien en marche. Un acte de piraterie qui s'ajoute à celui où les cinq héros en partance du Maroc vers Tunis furent interceptés et emprisonnés.
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Posté Le : 13/01/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali Farès
Source : www.liberte-algerie.com