Algérie

L'OCCIDENT ET LES ISLAMISTES Alliance de circonstance ou affinités politiques



Irak, Afghanistan, Libye, Syrie, pays du Sahel, autant de signaux sur une mappemonde qui renseignent sur l'état du monde et des rapports de force qui se disputent les zones de richesses et d'influence.
L'intérêt que semble porter l'Occident aux drames vécus par les populations de ces pays ferait mourir de rire les mouches dans une pièce de boulevard. Inutile de s'attarder sur ces larmes de crocodile quand tant d'exemples de tragédies ici et là ont été ou sont encore fomentées par ce même Occident. Il faut donc chercher des explications sur ces attitudes sentant bon l'hypocrisie. Comme les Etats ne connaissent que leurs intérêts, il est clair que leurs présentes agitations ont pour objectif de dessiner l'avenir du monde quand bien même beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de leur empire. Il ne faut donc pas sous-estimer leur puissance et gare aux peuples qui ne trouvent pas en eux les ressources et l'intelligence pour enrayer leur machine de guerre. Pour cela, il faut cerner la complexité du monde d'aujourd'hui formaté par la mondialisation. Ce formatage a décuplé l'arrogance de l'Occident depuis la disparition de l'URSS. Heureusement, l'émergence de nouvelles puissances issues du «Tiers-Monde» l'oblige à un peu de réserve d'autant que l'islamisme politique a semblé remplacer leur vieil ennemi, le communisme. La mondialisation n'est pas une simple étape dans la longue histoire du capitalisme. Elle est une étape qualitative qui a démultiplié ses capacités productives favorisant les holdup de la finance sur la sphère industrielle et des services… La finance est ainsi devenue l'alfa et l'oméga de la gestion d'un système qui impose la «rationalité du gagner plus et le plus vite possible». Bref, la mondialisation, baignant dans l'illusion de pouvoir abolir l'espace temps, pousse à l'ouverture tous azimuts des frontières. Et si des forces lui résistent, elle n'hésite pas à violer la souveraineté des Etats et à manipuler les consciences. Fruit d'une longue accumulation des richesses et des connaissances de l'humanité, elle a hérité d'une colossale puissance pour étendre ses tentacules partout où il y a des richesses à exploiter. Les pays moteurs de cette mondialisation ont cru qu'une autoroute s'ouvrait devant eux sans aucun obstacle. Mais ce rêve ne dura que le temps des illusions enfantines. Le premier grain qui dérégla la machine vint du système lui-même avec la crise des subprimes qui envoya au rebut de puissantes banques. La crise de l'euro vient de confirmer à la fois la puissance et les méfaits de la finance mondialisée mais elle a aussi révélé que le ver est dans le fruit. Le deuxième obstacle à son rêve insensé est constitué des pays émergents. Ces derniers que l'on croyait vouer à la léthargie du sous-développement commencèrent petit à petit à chatouiller la suprématie de l'Occident pour finir à l'heure actuelle par lui damer le pion. Non seulement la Chine s'avère un redoutable concurrent économique, mais elle écorche quelque peu sa prétendue supériorité idéologique. En effet, l'Occident a toujours pensé que la démocratie est le seul système capable de favoriser le développement économique. Hélas pour lui, la Chine avec son appareil autoritaire du parti unique prouve d'une certaine façon qu'il n'y a pas de corrélation mécanique entre démocratie et développement économique. On a commencé du reste dans cet Occident sûr de lui d'ouvrir une réflexion sur le caractère universel de la démocratie comme étape indépassable ou bien comme simple étape dans la longue histoire des peuples. Quant à l'islamisme politique post-indépendance des pays du Tiers-Monde, il semblait être un adversaire de l'extension de la mondialisation naissante comme il le fut dans la lutte contre le communisme. Ouvrant ici une parenthèse pour noter des différences entre l'islamisme politique dont l'un des socles est le nationalisme (Iran, Hamas palestinien, Hizbollah libanais) et celui qui repose uniquement sur une mythique communauté islamique tout en entretenant de solides amitiés avec les nations «mécréantes» de l'Occident. Cet islamisme, bien vu en Occident, inaugura une ère d'agression quand le marxisme tenta d'ouvrir des brèches dans le monde arabe et musulman. Sa réaction d'une rare cruauté ne s'est pas fait attendre. On lui doit un macabre tableau de chasse dans l'Indonésie de Sukarno et dans le Soudan de Noumeyri où des citoyens par centaines de milliers furent réduits au silence éternel. Plus tard, cet islamisme continua sa lutte contre le communisme en se mettant directement au service des Etats-Unis pour chasser les Soviétiques d'Afghanistan. Mais une fois le danger communiste écarté, l'islamisme politique voit se dresser devant lui un autre adversaire redoutable car sans visage et sans base territoriale identifiée. Cet adversaire, qui a pour nom la mondialisation capitaliste, se moque de quelque communauté que ce soit. Elle détruit la tribu, la famille et propage un mode de vie dont les valeurs sont cotées uniquement en Bourse ; bref, tout pour déplaire à l'islamisme politique. Cette déstructuration des sociétés sans aucun bénéfice sur le plan du développement économique et des libertés favorisa son extension et lui permit de brandir le slogan «l'islam est la solution» face à des régimes qui n'assurent ni un niveau de vie décent ni un minimum de liberté. Ainsi donc, si on jette un coup d'œil sur la fin du XXe et le début du XXIe siècle, on s'aperçoit que l'Occident a utilisé ou tiré profit de cet islamisme dans son combat aussi bien contre le communisme que les forces nationalistes progressistes… Pragmatique ou cynique, l'Occident peut changer son fusil d'épaule pour combattre l'islamisme politique qui contrarierait ses intérêts. C'est ainsi qu'il soutint le nationalisme arabe version Saddam Hussein contre l'Iran. Pour les Etat- Unis, la naissance de la république islamique d'Iran était un cauchemar. Il leur fallait primo empêcher ce grand pays qui aspire à retrouver son prestige d'antan, de reprendre possession de son pétrole jusque-là aux mains des Anglo-Saxons depuis le coup d'Etat de 1953 contre Mossadegh. Secundo, il leur fallait neutraliser un pays jugé dangereux pour la sécurité d'Israël, leur chouchou de toujours. Les attentats du 11 septembre 2001 furent pour les Etats-Unis un second cauchemar et l'islamisme non étatique (la mouvance d'El Qaïda) devient leur ennemi numéro 1. Mais depuis les bouleversements du monde arabe des années 2011-2012, l'Occident fait encore appel à son légendaire pragmatisme pour s'acoquiner avec le nouvel islamisme charrié par le printemps arabe. Ce fut pour lui une aubaine car cet islamisme est piloté par l'Arabie Saoudite et le Qatar. La nouvelle politique américaine symbolisée par le voyage de Clinton en Egypte montre que les Etats- Unis veulent neutraliser les pays arabes par le biais des forces politiques qui ont le vent en poupe dans trois pays du Maghreb. Clinton et consorts préfèrent accompagner ces régimes pour préserver leurs intérêts sans se soucier de la pratique singulière des libertés de ces nouveaux «alliés». Il faut donc prêter attention à leurs manœuvres et ne jamais oublier que l'Occident et l'islamisme politique partagent des affinités idéologiques. Leur opposition aux forces à caractère révolutionnaire et leur idolâtrie et soumission à l'économie du marché constituent la matrice qui alimente leur idéologie. Quant aux pays du Sahel où s'entremêlent des stratégies à long terme de puissances étrangères et des intérêts immédiats des narcotrafiquants, le tableau se complique à cause de la faiblesse et l'incurie des Etats et des revendications des différentes ethnies. C'est pourquoi on assiste à une sorte d'attentisme sur le plan militaire pour donner une chance à une solution politique. Il semble cependant que l'islamisme dans cette région, en dépit de ses coups médiatiques, ne représente pas un réel danger sur le long terme. Ces groupes islamiques ne sont adossés à aucune frontière amie. Ils devront compter avec le sentiment national des Maliens qui voudront récupérer la portion du territoire conquise par ces groupes. Il faut aussi ne pas ignorer les Targuis qui ont toujours eu des revendications politiques qui peuvent être contrariées par ces groupes islamistes. Enfin, l'Algérie ne tolérera pas la présence à ses frontières des forces politiques déstabilisatrices. Pour conclure, si l'on additionne les nouvelles réalités économiques et stratégiques, la nébuleuse des groupes islamistes, l'utilisation de l'islamisme étatique (Arabie Saoudite contre l'Iran), les contradictions à l'intérieur de l'Occident, on comprend pourquoi beaucoup d'analystes et observateurs perdent le Nord. Les vieux schémas d'antan ne fonctionnant plus, d'aucuns ne savent à quel saint se vouer.
A. A.
* Cinéaste auteur de L'Iran, un hiver au printemps.


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