Le Premier ministre vient de publier un décret exécutif faisant obligation de faire usage du chèque pour les transactions relatives au commerce de l'immobilier et d'un certain nombre d'équipements.Le recours à la monnaie scripturale est obligatoire depuis le 1er juillet 2015 pour toutes les transactions immobilières supérieures à cinq millions de dinars et celles relatives à certains équipements (bateaux de plaisance, matériels roulants et équipements industriels neufs) dont le montant excède le million de dinars.Ce n'est pas la première fois qu'une telle décision visant à introduire de la rationalité dans le fonctionnement de l'économie a été prise par les pouvoirs publics algériens, le premier décret du genre remontant à l'année 1986, suivi d'au minimum trois autres durant les décennies 1990, 2000 et 2010.Pour diverses raisons, en grande partie imputables à l'archaïsme de notre système bancaire et à la très forte capacité de nuisance de certains grands acteurs du commerce informel, le mode de paiement par chèque n'a jamais pu être instauré en Algérie. Le plus grave est que rien de bien sérieux n'est entrepris en matière de réformes bancaires pour inciter les acteurs de l'informel à bancariser leur argent en lui assurant une grande fluidité. Il suffit en effet de se rendre dans une de nos banques publiques ou privées pour se rendre compte de la bureaucratie et du mauvais accueil qui continuent à y sévir. Certifier un chèque est une épreuve qui peut, dans de nombreux cas, prendre plusieurs heures.Un chèque sans provision devient problématique du fait du temps souvent très long mis par la banque pour vous en informer des frais financiers qu'elle impose à la victime et la non-prise en charge par cette dernière de la procédure de réparation du défaut de paiement et de sanction de l'émetteur du chèque sans provisions. L'émission fréquente de «chèques en bois» par des délinquants qui, connaissant le mode de fonctionnement archaïques de nos banques, ne craignent pas d'être poursuivis serait en grande partie responsable de l'aversion des commerçants pour la monnaie scripturale, nous apprend le directeur d'une agence bancaire implantée à Bir Mourad Raïs.En cas de constat d'insuffisance d'avoir par rapport au montant du chèque émis, la réaction de la banque est effectivement lente et, dans bien des cas compliquée, car elle requiert l'intervention de la Banque d'Algérie qui est très mal outillée pour ce faire, tient-il à ajouter comme pour disculper les banques commerciales de ce type d'incident.Cette crainte somme toute légitime des commerçants se traduira de toute évidence par un recours massif aux chèques certifiés qui requièrent du temps, notamment lorsque la banque est quotidiennement sollicitée par de nombreux demandeurs. C'est certainement ce qui risque d'arriver juste après la mise en application de ce décret faisant obligation du paiement par chèque. La crainte est que nos banques, insuffisantes et mal outillées pour ce genre d'opérations, soient débordées par les clients en quête de certification ou en contentieux pour des chèques sans provisions.Ces craintes légitimes ne doivent pas pour autant dissuader les pouvoirs publics à mettre en ?uvre cette décision qui permettra à terme d'introduire la transparence dans les transactions commerciales, d'élargir l'assiette fiscale et de moderniser nos moyens de paiements considérés comme les plus archaïques du monde. C'est de surcroît une bonne occasion pour recenser les points faibles de nos banques et remédier aux dysfonctionnements qui ne manqueront pas de se produire durant un certain temps.Les levées de boucliers émanant des sphères informelles souvent très proches des cercles influents du pouvoir ne manqueront certainement pas de se produire, mais les pouvoirs publics ont pour devoir de tenir bon tout en restant à l'écoute d'éventuels dysfonctionnements auxquels ils devront vite remédier, au risque de donner raison aux récalcitrants. Parallèlement à cette mesure de normalisation économique, les pouvoirs publics devraient par ailleurs penser à promulguer une autre mesure forte de nature à inciter les détenteurs d'encaisses oisives à bancariser leurs avoirs.On pourrait commencer par ne plus exiger d'eux, ne serait-ce que pour un temps donné, de justifier de l'origine de l'argent qu'ils souhaiteraient placer en banque. Beaucoup de surliquidités pourraient ainsi être retirées de la sphère informelle, pour être mises au service du développement économique et social du pays.
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Posté Le : 06/07/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nordine Grim
Source : www.elwatan.com