Algérie

L'obscurantisme avance à visage découvert



Ce qui s'est passé à Taghit en cette fin d'année 2018 est grave. Des Algériens, venus en famille passer le réveillon dans cette charmante région touristique, ont été interdits de faire la fête par des citoyens, en majorité des jeunes très excités, qui leur ont demandé, sur un ton agressif et menaçant, de retourner chez eux.On imagine l'état de choc dans lequel se sont retrouvées ces familles, dont nombre d'entres elles connaissaient les lieux et avaient l'habitude de venir y séjourner pour profiter des vacances d'hiver de leurs enfants et célébrer le passage à la nouvelle année dans une ambiance joyeuse. Taghit, dont les plus hauts responsables du pays, notamment ceux du secteur touristique, ne cessent de vanter les charmes et l'originalité pour la promotion du tourisme aussi bien national qu'international, voit sa réputation subitement ternie par une campagne de fanatisme qui semblait bien préparée, en tout cas préméditée, puisque les auteurs de ces agissements ont fait valoir l'argument religieux pour justifier leur acte. Ainsi, fêter le Nouvel An serait contraire à nos principes religieux et donc haram.
C'était suffisant pour afficher sa haine, son intolérance et même son mépris. Comment en est-on arrivé à ce point de rupture, alors que les années précédentes tous les visiteurs venus des quatre coins d'Algérie et d'ailleurs étaient accueillis avec l'amabilité légendaire des populations locales ' Pourquoi Taghit a-t-elle basculé dans l'exclusivisme au point de sacrifier les belles promesses la prédestinant à moyen terme à devenir un grand pôle de tourisme international compte tenu des atouts et des avantages que la région recèle en la matière ' A la source de cette offensive fondamentalement sectaire, qui a résonné fort comme une opération de «remise en ordre» contre les déviants pour frapper l'imaginaire, un imam officiant dans une des mosquées de la ville, qui a réussi à encadrer les jeunes du quartier avant de leur inoculer le virus salafiste.
C'est en effet à partir de ses prêches incendiaires que les esprits des populations ont commencé à s'échauffer avant d'organiser l'expédition punitive. Au-delà de cet acte qui contredit tous les discours officiels portant sur la tolérance et le vivre-ensemble, il y a la marque intégriste qui sévit à visage découvert et qui a tendance à retrouver une certaine vitalité, depuis que le projet de la réconciliation nationale cher à Bouteflika a été lancé. Si à la base il y a un réel sentiment d'impunité qui encourage les récalcitrants à redoubler de férocité, et donc à faire régner le diktat islamiste, c'est surtout la fuite en avant des responsables qui s'avère souvent être une prime au fanatisme le plus dégradant qui est ici mise en cause. L'imam en question est connu depuis longtemps par les autorités locales pour la violence de ses sermons, et jamais il n'a été approché par quiconque pour lui rappeler les instructions du ministère des Affaires religieuses, qui prônent l'indulgence et la mansuétude.
C'est en totale liberté de parole qu'il s'est senti en phase avec ses convictions pour élargir, autant que faire se peut, son enseignement idéologique. Au demeurant, il ne faut pas croire que la conduite de cet imam est un acte isolé. Les intégristes qui se nichent encore dans d'insoupçonnables réseaux dormants et qui trouvent un bon terrain d'expression à la faveur de la politique de réconciliation nationale, ne se gênent pas de passer à l'action violente quand les conditions leur sont favorables.
Preuve en est que durant l'année écoulée, on a assisté à l'annulation de nombreux concerts musicaux sous la pression des islamistes dans plusieurs villes. Ceci pour dire que la stabilité du pays, dont se gargarisent nos gouvernants pour glorifier le règne de Bouteflika, cache mal le développement sournois de l'hydre fondamentaliste, qui semble attendre son heure pour réapparaître au grand jour dans toute sa monstruosité.
Un autre exemple de ces manifestations haineuses dictées par la croyance salafiste nous a été rapporté dernièrement par un site électronique et nous renseigne sur le danger que font courir sur la société ces militants intransigeants si l'Etat continue à appliquer la politique de l'autruche. Lors d'un ultime contrôle à l'aéroport Houari Boumediène pour la destination Alicante, un policier pafiste a lancé à la face d'une passagère qui avait visiblement quelques soucis à remettre son manteau : «Si vous étiez habillée en djelbab et si vous portiez un foulard, vous n'auriez pas eu ce genre de difficulté. Patientez, patientez, il y aura de grands changements dans le pays et vous verrez ce qui vous arrivera à vous et vos semblables.».
C'est à vous glacer le sang dans les veines ! Comment un agent de l'ordre dans l'exercice de ses fonctions ose-t-il apostropher, devant tout le monde et de manière aussi menaçante, une citoyenne algérienne dont le tort était de ne pas porter l'accoutrement islamiste ' Comment les services de police, ou ceux du secteur aéroportuaire, livrent-ils les passagers en partance à l'étranger à des agents qui font passer leurs convictions idéologiques avant le service pour lequel ils sont rémunérés ' Y aura-t-il des sanctions contre ce genre de transgression à laquelle doit-être associé l'imam de Taghit.
Beaucoup d'entre nous en doutent, car depuis la mise en ?uvre de la réconciliation nationale, ce type de comportement violent et ultra-agressif n'a fait que prospérer dans une atmosphère d'impunité qui ne présage rien de bon à l'avenir. En fait, c'est forts des «libertés» que leur concède le projet politique de Bouteflika, lequel les absout de toutes leurs forfaitures passées, que les militants islamistes se sentent ragaillardis pour revenir par la grande porte. Ils ont déjà une télé offshore qui travaille pour leurs idées à partir de Paris et Londres. Ils ont surtout l'impunité garantie par le régime. Pourquoi dès lors s'en priveraient-ils '
A remarquer que les partis islamistes qui parasitent la scène politique nationale s'accommodent fort bien de ces actes de fanatisme primaire qu'ils ne dénoncent jamais. Mais que faut-il attendre d'un chef de parti qui part en guerre contre les «laïco-extrêmistes» pour se frayer un strapontin électoral ' Une vindicte qui nous ramène à une triste époque.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)